Maor Bitane est l’aîné de 4 enfants. Un an et demi après lui, est né Yogev, puis moins de deux ans plus tard, T’hiya, tous les deux avec un handicap mental.
Il a vu ”A’h sheli Guibor” et a accepté de se confier à LPH sur la relation qu’il a entretenue, enfant, avec son frère et sa sœur, et celle qu’il a aujourd’hui avec eux, sans refuser de répondre aux questions sur l’avenir.
Le P’tit Hebdo: Comment considérez-vous votre enfance alors que votre frère et votre sœur étaient handicapés?
Maor Bitane: Je n’ai jamais considéré Yogev et T’hiya comme des personnes différentes. Pour moi, leur handicap ne m’empêche pas de les définir comme normaux. Je n’ai jamais connu autre chose comme structure familiale, j’ai vraiment grandi avec eux. Comme tous les frères, parfois je me disputais avec Yogev. Quand j’étais plus petit, je ne le traitais pas avec une compassion particulière. En fait j’ai toujours eu le sentiment que je n’avais pas une enfance particulière par rapport aux autres enfants.
Lph: N’avez-vous jamais demandé pourquoi votre fratrie ne ressemblait pas à celles de vos amis?
M.B.: Non, je n’ai jamais regardé les autres avec envie ou d’une façon qui m’aurait donné le sentiment que quelque chose n’allait pas chez nous. Quand on me demandait de parler de ma famille, je disais toujours et très naturellement que j’avais un frère et une sœur handicapés, cela ne m’a jamais posé de problème.
Lph: Quelle relation avez-vous avec Yogev et T’hiya, maintenant que vous êtes devenus adultes?
M.B.: T’hiya est plus lourdement handicapée que Yogev. Mais je parle avec elle comme avec n’importe qui d’autre. Elle possède une sensibilité extraordinaire et il n’y a aucune raison que je me comporte différemment avec elle.
Avec Yogev aussi, nous avons des conversations d’égal à égal. Après avoir vu le film ”A’h sheli guibor”, j’avoue que cela m’a donné envie de faire des choses avec lui. Nous partions en tiyoul ou en vacances en famille, mais jamais nous n’étions que nous deux, lui et moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’y avais jamais pensé. Depuis que j’ai vu ce film, je voudrais organiser cela. Que ce soit aller boire un verre avec lui, tout simplement, ou même faire un tiyoul ensemble, j’ai vraiment envie que cela arrive.
Lph: L’une des grandes craintes des parents de personnes handicapées et dépendantes est ce qu’il adviendra de celles-ci, une fois qu’ils ne seront plus de ce monde. Souvent, on les entend dire que ce ne serait pas juste de faire retomber cette responsabilité sur les frères et sœurs. Comment voyez-vous l’avenir ?
M.B. : Je ne comprends pas pourquoi cela ne serait pas juste. Je suis né dans cette famille, je suis le grand frère de Yogev et de T’hiya, et à ce titre, je porte une responsabilité. Je n’ai pas l’intention de ne pas l’assumer. Je suis partie prenante de tout cela.
Par ailleurs, ils sont tous les deux placés dans des structures formidables. Je dois citer le village de Gvaot, dans le Goush Etsion, qui effectue un travail hors du commun, en mixant personnes handicapées et familles avec enfants.
Je reconnais que de les savoir dans des structures adaptées et sérieuses contribue à me rassurer.
Donc, je n’ai aucune raison de me faire du souci pour l’avenir !
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay