Vous êtes nombreux à me faire part de votre inquiétude légitime au sujet de l’avenir des sépultures juives en Algérie.
Ce dossier étant de la compétence de la Direction des Français de l’étranger et de l’Administration consulaire, c’est donc tout naturellement que j’ai décidé de m’en saisir.
Certains craignent que les dépouilles soient déplacées sans supervision rabbinique, voire mises dans des ossuaires, ou même en violation de la Halakha. C’est inconcevable. Dans la tradition juive, le « Kavod HaMet », le respect du mort, est un principe essentiel.
Pour moi, c’est une règle morale fondamentale : une société qui ne respecte pas ses morts, ne peut respecter les vivants. Depuis plusieurs semaines, je me suis entretenu avec l’ensemble des acteurs et étudié le dossier en profondeur.
On dénombre aujourd’hui 523 cimetières civils en Algérie, qui regroupent 209.618 sépultures françaises, dont 57.898 juives (dans 81 cimetières juifs).
Le problème du regroupement des tombes chrétiennes a été réglé dès 2009. La loi juive est beaucoup plus exigeante sur ce sujet et donc la résolution est beaucoup plus complexe.
En principe, comme me le rappelait le Grand Rabbin Guggenheim, la halakha n’autorise de déplacer une dépouille que s’il s’agit de la transférer en Eretz Israël ou, s’il existe un risque sérieux de destruction ou de profanation du cimetière.
C’est la raison pour laquelle, au début des années 2000, le Consistoire avait d’abord refusé les déplacements de tombes juives d’Algérie. En 2009, quand une solution a été trouvée pour les tombes chrétiennes, la question s’est posée à nouveau pour les sépultures juives compte tenu de l’état d’abandon de certains carrés israélites dans des cimetières d’Algérie et des risques de destruction ou de profanation.
Le Président du Consistoire, Joël Mergui, a donc décidé de mettre en place une commission des cimetières juifs en Algérie, présidée par M. Jack-Yves Bohbot, administrateur du Consistoire. Son objet était de réaliser un diagnostic précis et de faire en sorte les services compétents des ministères des Affaires Etrangères et de l’Intérieur prennent en compte les règles halakhiques pour tout déplacement de corps.
Deux autorités rabbiniques de haut niveau ont été associées aux travaux : le Grand Rabbin Gugenheim et le délégué du Grand Rabbin de France, le Grand Rabbin Maman.
En 2014, M. Serge Benhaïm, président de la Hevra Kadicha, a établi pour le compte de la commission consistoriale un inventaire du nombre de cimetières juifs, des tombes et de leurs états. Il ressort de ces travaux que 1.126 sépultures dans 25 cimetières (sur un total de 81 cimetières juifs) sont menacées de disparition, destruction ou profanation et devront donc être regroupées dans le grand cimetière juif le plus proche ou, si la famille le souhaite, rapatriées à leurs frais.
Les regroupements de sépultures seront limités au minimum possible et seront pris en charge financièrement par l’Etat français.
Ils s’appliqueront aux petits cimetières, souvent en zone rurale. Les grands cimetières d’Alger, Oran, Constantine, Bône … ne seront pas touchés.
L’arrêté du Ministre des Affaires étrangères du 26 mai 2016 crée un cadre juridique pour l’exécution des opérations de regroupement. Elaboré en liaison étroite avec le Consistoire, il semblerait que le texte intègre toutes les exigences consistoriales et qu’il apporte des garanties sérieuses que les déplacements de dépouilles respecteront scrupuleusement les prescriptions halakhique.
Les opérations seront placées sous la supervision directe du Consistoire et les dépouilles ne seront pas déposées dans des ossuaires.
L’idéal serait évidemment de conserver l’ensemble des cimetières et sépultures mais si rien n’est fait les 1.126 tombes évoquées risqueraient de disparaître. C’est pourquoi, l’arrêté est jugé satisfaisant par les principaux acteurs en France pour encadrer les regroupements.
Il conviendra toutefois de rester vigilant et suivre de près la mise en œuvre.
Entretenant de très bonnes relations professionnelles comme personnelles avec le Secrétaire d’État en charge des Français de l’étranger, Matthias Fekl, je prendrai son attache à la rentrée pour l’entretnir de ce sujet et faire le point.
Les premiers regroupements de sépultures juives sont programmés pour juin 2017.
Les familles disposent d’un délai d’un an (au lieu de 6 mois) pour décider si elles souhaitent rapatrier les dépouilles en France, en Israël, ou ailleurs, de leurs parents restés en Algérie. Pour cela, elles doivent d’ores et déjà s’adresser au Consistoire.
Par Meyer Habib – JSSNews