Le député Meyer Habib l’avait promis, il le prouve chaque jour dans son action : il reste fidèle à ses convictions. Député des Français de l’Étranger, représentant notamment les Franco-israéliens, il n’hésite pas à interpeller le gouvernement et il se distingue par un discours sans langue de bois et un souci constant de défendre les intérêts de sa circonscription.
Le P’tit Hebdo : Vous avez, il y a quelques jours, demandé au Premier ministre Manuel Valls de clarifier la position de la France quant au boycott dont est victime Israël. Que retenez-vous de sa réponse ?
Meyer Habib : Poser la question directement au Premier ministre à l’Assemblée nationale était fondamental. Le boycott, véhiculé par le BDS, est une pratique ignoble, qui nous rappelle les temps les plus sombres de notre histoire. Le boycott va exactement à l’encontre des principes fondamentaux de la République : l’égalité, la légalité, la liberté… Il n’a pas été facile de pouvoir poser la question. L’urgence de l’actualité faisant que certains de mes collègues UDI avaient du mal à percevoir l’enjeu essentiel qu’il y a derrière. J’espère qu’après les attentats du 13 novembre, la France va enfin ouvrir les yeux.
Ma question a été bien accueillie par une partie de la droite, qui a applaudi. En revanche, comme je m’y attendais, l’extrême-gauche antisioniste (communistes, certains écologistes…) s’est montrée hostile… Il existe 200 conflits territoriaux et on ne boycotte qu’Israël. C’est une faute morale et la stigmatisation précède le meurtre, comme avec Ilan Halimi, Toulouse ou l’Hypercasher… Qui peut oublier que les Nazis ont commencé par boycotter les commerces juifs avant de mettre en œuvre la Shoah ?
Sauf qu’aujourd’hui Israël existe, et par l’intermédiaire de Tsahal, Israël est très fort, Baroukh Hachem. Israël est le certificat d’assurance vie du peuple juif. Au-delà de cela, le boycott est illégal. J’ai écrit à plusieurs reprises à Christiane Taubira, Ministre de la Justice, et le Premier ministre ne peut tolérer une violation aussi massive de la loi. Dans ma question, je parle de la Judée-Samarie qui, quel que sera son statut final, est province juive depuis près de 3000 ans et non de Cisjordanie ou de territoires occupés. Ça m’a valu des critiques virulentes des organisations pro-palestiniennes. J’assume. Une première dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale.
J’ai apprécié que Manuel Valls, chef du gouvernement, m’ait répondu : il ne répond qu’à deux ou trois questions par séance… Sur la campagne BDS ses propos ont été clairs et forts. Après avoir reconnu son « attachement partagé » à Israël, le Premier ministre a condamné sans ambigüité toutes les campagnes de boycott visant les produits israéliens et a reconnu qu’elles n’étaient souvent que le paravent d’un « antisionisme qui bascule dans l’antisémitisme ». En revanche, sur la question de l’étiquetage sa réponse a été plutôt décevante et j’ai eu le sentiment, comme le fait souvent la Gauche, qu’il cherchait surtout à préserver son aile gauche en condamnant les « colonies » et à tacler le gouvernement démocratiquement élu de Netanyahu.
LPH : Au lendemain des élections régionales, êtes-vous inquiet ou rassuré ?
M.H. : Toute ma vie j’ai combattu l’extrême-droite et j’ai toujours appelé à faire barrage au Front national. À ce titre, je me félicite que le parti de Marine Le Pen n’ait remporté aucune région malgré des scores inédits au premier tour. Toutefois, j’estime qu’aujourd’hui le danger réside au moins autant à l’extrême-gauche. À ce titre, par exemple, la liste d’union de la gauche pour la région Île-de-France comprenait des candidats issus de la gauche radicale antisioniste, qui flirte avec des personnages comme Tariq Ramadan, soutient le BDS quand elle ne participe pas à des manifestations pro-Hamas où l’on scande « mort aux Juifs » ou qui érige en citoyen d’honneur des terroristes avérés comme Salah Hamouri.
Valérie Pécresse est une amie. Je suis venu avec elle il y a un an en Israël et je l’ai invitée à prendre par écrit des engagements sur des enjeux qui nous sont chers. Entre les deux tours, nous avons co-rédigé une lettre, qu’elle a adressée aux Juifs d’Île-de-France, dans laquelle elle condamne clairement toute forme de boycott, dénonce le Hezbollah, et contrairement François Fillon, son ex-mentor, proclame son attachement à Israël et son amitié pour la communauté juive, et s’engage à renforcer la coopération avec des localités israéliennes. Ces engagements ont pesé chez les Français juifs et les amis d’Israël, nombreux en Île-de-France, et en conséquence dans la victoire de la droite.
LPH : Les Juifs de France traversent-ils une crise de confiance vis-à-vis de l’État ?
M.H. : Les Français juifs sont pour la plupart très attachés à la France, à la République tout en étant aussi très proches d’Israël. L’un n’empêche pas l’autre, au contraire. À cet égard, faut-il rappeler que, depuis 1808, une Prière pour la République française est dite chaque semaine dans les synagogues françaises lors des offices ? La France a beaucoup apporté aux Juifs et les Juifs à la France ! C’est la République, héritière des Lumières qui, la première, les a émancipés en 1791. C’est la Troisième République en 1870 qui a adopté le décret Crémieux naturalisant les Juifs d’Algérie… Il ne faut jamais l’oublier. De même, de Charpak à Simone Veil, en passant par Raymond Aron et tous les prix Nobel, les Juifs ont aussi apporté beaucoup à la France.
LPH : Ne pensez-vous pas que l’augmentation de l’alya en provenance de France est symptomatique d’une déception ?
M.H. : Je le répète souvent, l’alya doit être un choix, non pas une fuite. Ceci dit, si les Juifs de France partent par angoisse ou déception, ce qui est aussi inquiétant pour la France. J’avais, à mon grand regret, raison de mettre en garde devant la progression du terrorisme, qui après avoir touché des Juifs à Toulouse a touché des policiers et des journalistes, puis encore des Juifs avant de toucher tous les Français. Il n’est pas normal que les écoles juives soient gardées par des soldats et soient devenues des camps retranchés. Si l’on ajoute à cela les difficultés économiques, il y a, c’est vrai, un sentiment de moins bien vivre en France aujourd’hui. Le malaise se répand dans toute la société française.
LPH : L’alya française va-t-elle aller en grandissant selon vous ?
M.H. : On approche 10000 alyot par an. C’est beaucoup. Je doute que ça aille bien au-delà car les Français juifs demeurent attachés à la France à condition que celle-ci puisse assurer leur sécurité dans le respect des valeurs de la République. C’est pourquoi la majorité reste en France. Israël est un pays magnifique mais il demeure des obstacles linguistiques, administratifs, sociaux et professionnels. Comme je ne cesse de le répéter : si les Français juifs quittent la France en masse, c’est avant tout le signe d’un vrai problème pour la France.
LPH : Pourquoi est-il important que les Juifs ayant fait leur alya gardent un lien civique avec la France ?
M.H. : C’est, à mes yeux, très important. D’ailleurs, je les encourage à s’inscrire en 2016 sur les listes au Consulat et à voter pour peser sur les décisions. À ce jour moins de 50% des Français d’Israël sont inscrits sur les listes consulaires… C’est regrettable car la France fait partie de leur culture, de leur sensibilité. Israël reste l’unique démocratie qui respecte les droits des minorités, des femmes, des homosexuels, où les Chrétiens peuvent accomplir leur culte en toute sécurité… La France peut avoir des divergences avec Israël. Pour autant, je me suis fixé pour mission de rapprocher les deux pays, qui partagent les mêmes valeurs. Je suis député français, mais mon ADN est aussi juif et sioniste. Cela en étonne certains, mais pour moi, c’est la définition de la République française : une diversité de cultures, d’origines, de religions transcendées et sublimées par l’idéal républicain.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay