La situation dramatique dans laquelle les occupants actuels de la bande de Gaza entraînent régulièrement l’Etat d’Israël, depuis le jour funeste où l’armée et la police israéliennes, transformées en bras destructeurs d’un pouvoir corrompu et aveugle, ont expulsé les pionniers du Goush Katif, nous oblige à réfléchir sur le sens des événements que nous vivons aujourd’hui. Il n’est pas anodin que ce nouveau round d’affrontements (ou plutôt, cette nouvelle attaque suivie d’une riposte) survienne précisément entre Yom haShoah et Yom Ha’atsmaout, dans cette semaine chargée de symboles et lourde de significations de “beyn ha-Tsefirot” : entre la sonnerie de Yom haShoah et celle de Yom ha-Zikaron.
Comme le dit un récent adage, “Nous avons deux journées du souvenir des morts en Israël : une qui nous rappelle le prix à payer pour avoir un Etat, et l’autre pour nous rappeler le prix à payer pour ne pas en avoir”. Ces deux journées sont, évidemment, la Journée du Souvenir des soldats (Yom Hazikaron) et le Jour de la Shoah (Yom HaShoah). Mais le lien qui unit ces deux journées n’est pas seulement chronologique : il s’agit en réalité d’une relation de causalité, ou plutôt d’un choix ontologique entre deux modalités d’être pour le peuple Juif. Ce choix peut être formulé ainsi : soit assumer le prix de l’existence étatique, soit redevenir le peuple victime des pogromes et de la Shoah.
Maison de Beer-Sheva détruite par un missile tiré de Gaza (photo Eliyahu Hershkovitz)
Les théoriciens du sionisme et les pères fondateurs de l’Etat juif avaient bien compris qu’il n’existait pas d’autre alternative. C’est la raison pour laquelle plusieurs d’entre eux – Theodor Herzl, Max Nordau et Zeev Jabotinsky – avaient eu la prescience de la Shoah. Ils avaient en effet pressenti que celle-ci n’était pas un accident de l’histoire ou un événement monstrueux et absurde, mais l’aboutissement logique de l’existence galoutique. Et ils en avaient tiré la conséquence ultime : à savoir, la nécessité impérieuse de retrouver notre indépendance nationale. Or, cette leçon de l’histoire juive, évidente à l’époque, est en train de d’estomper dans la confusion morale et intellectuelle de notre époque.
Comme l’écrivait ce shabbat Ran Baratz, dans les colonnes de Makor Rishon, non seulement cette leçon cruciale de la Shoah est aujourd’hui oubliée, mais elle est remplacée par une leçon inverse et scandaleuse. Aux yeux d’une frange non négligeable des élites culturelles et politiques actuelles, la “leçon” de la Shoah est en effet qu’Israël devrait appliquer des normes morales plus élevées que les autres nations face à des ennemis barbares et inhumains, sous peine de voir Tsahal devenir pareil à la Wehrmacht… C’est bien cette équation que nous voyons actuellement appliquée, dans les commentaires des grands médias israéliens et jusque dans le “code éthique” de Tsahal (1).
La synagogue de Névé Dekalim, détruite après le retrait de Gaza
Comme l’écrivait Yoav Shorek il y a quelques mois (2), “lorsqu’un idiot jette une pierre au fonds du puits, plusieurs sages ne suffisent pas à la retirer”. La métaphore est parlante : le puits, c’est Gaza et la pierre, c’est le Hamas, arrivé au pouvoir à la suite du retrait israélien – la “Hitnatkout” – dont Israël ne finit pas de payer les conséquences désastreuses. Si l’histoire nous a pourtant appris une chose, depuis 1948, c’est qu’il n’est pas possible de laisser la souveraineté à une quelconque entité autre qu’Israël, entre la Mer et le Jourdain. Toutes les tentatives faites en ce sens – dans un cadre bilatéral (accords d’Oslo), multilatéral (résolution de l’ONU sur l’internationalisation de Jérusalem) ou unilatéral (retrait de la bande de Gaza) – se sont soldées par un cuisant échec.
Je me souviens avoir assisté au spectacle terrible des cercueils des habitants morts au Goush Katif, sortis de leurs tombes et portés en procession dans les rues de Jérusalem – même les morts avaient été expulsés ! – une des images les plus effroyables qu’il m’a été donné de voir en 25 ans de vie en Israël. Yoav Shorek évoque une autre image terrible, l’incendie des synagogues du Goush Katif le 12 septembre 2005. “Cet événement symbolique”, écrit Shorek, “a conclu le processus de Hitnatkout (retrait) de Gaza et est resté gravé dans la mémoire collective. Treize ans plus tard, les localités voisines de la bande de Gaza vivent toujours dans l’incertitude sécuritaire quotidienne, et dans une guerre d’usure dont on ne voit pas l’issue”.
Ceux qui pensent encore pouvoir régler le problème de Gaza par des opérations militaires limitées à des bombardements aériens se bercent d’illusions. “Les solutions provisoires”, écrit encore Shorek, “ne modifieront pas l’équation à Gaza, équation créée par le retrait, qui ne sera modifiée que lorsqu’Israël osera changer les règles du jeu et reviendra à Gaza pour y neutraliser la bombe. Pour nettoyer la bande de Gaza des armes et des infrastructures militaires et pour en refaire un lieu de vie, en offrant à ses habitants des perspectives d’avenir… Le prix inévitable du retrait est celui-ci : Tsahal devra retourner à Gaza et la reconquérir”.
Assumer notre identité et notre vocation
Mais en définitive, le choix que la situation à Gaza impose à Israël n’est pas seulement un choix politique ou tactique à court terme. Il s’agit d’un choix stratégique, moral et identitaire à long-terme. La situation d’Israël face à ses ennemis nous oblige – comme à chaque fois qu’Israël a été confronté à ses ennemis au cours de sa longue histoire – à assumer notre identité véritable et notre vocation. Le critique littéraire Morde’haï Shalev, dans un article écrit en 1952 – pour le dixième anniversaire de la mort de Yair Stern, le légendaire dirigeant du Lehi – évoquait le fondement de l’action politique de Stern, dont le poète Uri Zvi Greenberg avait donné une expression littéraire. Ce fondement c’est Mal’hout Israël, la Royauté d’Israël.
De ce point de vue, la “situation sécuritaire” à Gaza, pour reprendre le langage réducteur des médias israéliens, n’est que le reflet de la situation politique et identitaire dans laquelle l’Etat d’Israël s’est enfermé au cours de 71 années d’existence nationale. La clé de la sécurité d’Israël ne repose pas seulement dans des prouesses militaires ou technologiques, comme le montre bien l’illusion mortelle de Kipat Barzel, mais dans le choix profond d’assumer notre identité. Comme l’écrivait Shalev, “les concepts politiques” du sionisme traduisent les “besoins rationnels” d’indépendance et d’autonomie politique du peuple juif (leçon de la Shoah). Mais cette leçon, aussi importante qu’elle soit, ne suffit pas à exprimer l’objectif en vue duquel ces besoins doivent être utilisés. La Royauté d’Israël (Malhout Israel) en tant que concept politique n’est pas un “ensemble de besoins, mais la fin ultime en vue de laquelle l’Etat d’Israël a été créé”. De ce point de vue, l’Indépendance n’est que la première étape du sionisme, étape indispensable et non encore pleinement réalisée sur la voie de la Royauté.
Pierre Lurçat
(1) Sur ce sujet, je renvoie à mon livre La trahison des clercs, La Maison d’Edition 2016
(2) “Treize années de conflagration”, Hashiloach numéro 11, septembre 2018.
(3) Cet article est repris dans un livre important qui vient d’être publié en Israël, Gonvim et ha-Bsora, aux éditions Dvir.
Élevés dans la haine, les ennemis d’Israël ne réfléchissent pas. Ils ont face à eux une armée puissante qui pourrait les écraser rapidement. Mais comme des imbéciles fanatiques ils ne réalisent pas qu’ils pourraient tout perdre et pensent pouvoir éliminer cet État qui est fort.
Israel doit commencer par l’élimination ciblée des responsables puis à nouveau reprendre le contrôle de ce territoire pour que ceux qui enseignent a ce peuple Qu’Allah est de leur coté comprennent qu’Achem est avec nous.
Reconquête de Gaza oui, mais attendre le plan de Paix de Donald Trump, Gaza par ce plan pourrait être ré-attribué à l’Égypte.
Mr Pierre Lurçat a compris l’inutilité des combats et des rentrèes partielles à Gaza.Tant que la destruction de Hamas et la re-conquète n’auront pas lieu et quelqu’en soit le prix en vies humaines , la situation ne fera qu’empirer même si quelques mois ou quelques années de calme donneront l’illusion de la paix. Gaza est un territoire juif depuis des millénaires et les arabes le savent parfaitement .La terre est restée stérile là-bas comme en Israël ,tant que les Juifs n’étaient de retour .Gaza est devenue fertile dés que les Juifs y sont revenus et stérile dès que les Juifs l’ont quittés . Quand donc comprendrons ,nous surtout, que, sur notre terre, ce n’est pas toujours la logique et la raison qui dominent?
effectivement, Gaza doit être reconquise, car l’Egypte s’en occupe très mal, si c’est sa terre. Elle laisse sa propre saleté à résoudre par Israël avec laquelle la paix n’a jamais été que froide ou minimaliste. On le voit avec le Sinaï ou des bandes de terroristes pullulent depuis le retrait des Israéliens. Et la terre est toujours stérile, même si l’Egypte tente d’y faire quelque chose
Si Gaza doit être reconquis et le Hamas détruit par Israël il ne faut surtout pas que les civils palestiniens restent , ils doivent partir et être pris en charges par les autres nations arabes ou autres sinon ça servira à rien ils comprennent que dalle ..
l’Egypte comme la Jordanie ne veulent pas d’un cadeau empoisonné !! ils reprendraient bien la TERRE mais pas les occupants !!!!
“La voie de la royauté”
et la reconquête de Gaza : quel programme alléchant!!
ce monsieur est il un doux rêveur ou un dangereux agité du bocal?