Il est écrit וּשְׁמַרְתֶּם אֶת הַמַּצּוֹת “vous les matsot‘’, et Rachi de commenter: ne lit pas les matsot mais les mitsvot. Nombre de commentateurs en déduisent que celui qui garde Pessa’h garderez avec minutie, ne fautera pas toute l’année. Mitsvot et matsot en hébreu s’écrivent de la même façon, ce n’est pas un jeu de mots mais un message d’une dimension peu commune.
Pourquoi spécialement Pessa’h? En quoi cette mitsva garantit à l’homme qu’il ne fautera pas tout au long de l’année? Quel message se cache derrière la destruction absolue du hamets?
Pessa’h comprend, entre autres, l’obligation de détruire toute forme de ‘hamets physique, mais également en notre cœur, tout défaut: le yetser Hara, et toute forme d’orgueil qui nous empêche de percevoir l’Eternel, sa Torah, ou bien même notre nechama, notre âme Divine.
La matsa c’est le “bitoul”, l’annulation; le ‘hamets c’est le “moi” qui conduit à tous les problèmes, aux fautes commises par volonté de satisfaire ses envies, ses désirs, céder à la colère, qui découle d’une absence de compréhension que tout ce qui nous arrive vient de D-ieu, tout simplement. Tout comme l’orgueil, le ‘hamets est gonflé, il occupe tout l’espace. Et, comme le disent nos Sages dans la guemara de Sotah, “D-ieu ne réside pas chez l’orgueilleux”.
La matsa, symbole d’annulation absolue, vient nous enseigner de cesser d’être centré exclusivement sur nous, afin de faire place à notre âme, à D-ieu, en étant à l’écoute de notre spiritualité.
De façon générale, la Torah nous met en garde contre les ‘houmrot, l’excès dans les mitsvot. Selon nos Sages, tout rajout est l’expression d’un manque. Car par la ‘houmra l’individu se place au-dessus de la Torah, pour la “parfaire”, comme il est écrit כל המוסיף גורע, celui qui ajoute retire. Or, à Pessa’h, il n’est non seulement pas interdit d’ajouter comme pour les autres Mitsvot, mais il est même recommandé d’en faire toujours plus. Dans la soumission à D-ieu il n’y pas de limite, à tel point que nos Sages disent à propos de Pessah: והמחמיר תבוא עליו ברכה, celui qui ajoutera sera béni! Tout excès est dangereux… sauf à Pessa’h.
L’annulation complète devant D-ieu est illustrée, dans le Mikdash, par cette exigence que le Cohen et le Korban ne doivent avoir aucun défaut physique, car expression d’une séparation, d’une distance, entre D-ieu et sa créature. En effet, le corps n’est que l’enveloppe de l’âme, le vrai Moi. Et lorsque l’individu n’a pour toute préoccupation que de se fondre en D-ieu, alors son corps réintègre le degré d’être “à la ressemblance de D-ieu”, à son image, c’est-à-dire parfait, sans défaut. Tel Moshé Rabbenou, de qui il est dit qu’il était “l’homme le plus humble sur la surface de la terre”.
Ainsi après avoir parlé avec D-ieu comme un homme parle à son semblable, le visage de Moshé revêtit une lumière particulière, son corps exprimait son degré spirituel, sans aucun écran.
Le Cohen et le Korban sont la représentation, dans notre monde, du ‘hessed et de la gvoura. Leurs sources spirituelles est l’axe de droite, pour le Cohen, et l’axe de gauche, pour la bête.
Ces deux axes représentent, comme tout extrême, un danger de déviation. L’imperfection physique du Cohen ou du Korban, signifie un éloignement par rapport à D-ieu, et donc un dangereux rapprochement vers le mal, la sitra ahara סטרא אחרא.
Par contre, le végétal ne demande pas d’union comme l’homme ou l’animal, et n’est pas mis en danger par ces forces, car attaché à l’axe central, celui-ci étant éloigné des dangereux extrêmes, et représentent l’équilibre absolu, ainsi que le sel, obligatoire pour tout Korban (on a donc ici les quatre groupes que sont l’être parlant, l’animal, le végétal et le minéral).
Pour personnifier ces références, Avraham représente le ‘hessed dans le monde, en étant le premier Juif, il est le premier de la chaîne, l’homme parlant à D-ieu. Il se trouve être dans l’axe de droite, celui du hessed, et ce, à son paroxysme, dans “l’excès”. Il donne donc naissance à Ishmaël, être dangereux par son aspect de ‘hessed qui n’en est pas un, et est en fait, le représentant du Hessed du côté du mal. Ainsi Its’hak, qui était la gvoura dans le monde, donna naissance à Essav, symbole de la fausse gvoura, elle aussi, dans le côté du mal, car “excessif” dans sa sfira, sa couleur. Yaakov donna naissance au peuple Juif dans son intégralité, avec ses qualités et ses défauts, mais sans aucune déperdition, comme ce fut le cas pour Avraham et Its’hak.
Avraham de fait c’est le côté droit, le premier Cohen. Itzhak lui, est le sacrifice entier עולה תמימה. Yaakov est l’axe central, le meilleur des Avot, symbolisant le végétal, car n’ayant pas “perdu” de fils, tout comme la plante n’a pas de risque de “défaut” à l’encontre du Cohen (Avraham) et du sacrifice animal (Its’hak)
En s’annulant face au Créateur, l’homme est lui-même, puisque ceux qui s’y sont attachés sont devenus des géants, aux yeux de toute l’humanité.
De fait, celui qui prend sur lui d’accomplir les mitsvot de Pessa’h à leur plus haut niveau, se place dans une situation d’annulation absolue, et intègre cette annulation au point de ne faire qu’un avec D-ieu, incapable de transgresser sa parole, puisque chaque pensée, parole ou action est inspiré par le Créateur lui-même.
D’où cette déclaration incroyable et des plus surprenantes, “qui garde la fête de Pessah avec les plus grands scrupules, est garanti de ne pas fauter”, car celui-ci, et c’est là le message bien au-delà de la pratique de la mitsva évidemment, se place en fait, en situation de bitoul, d’annulation absolue devant D-ieu, il pourra alors ressentir dans chacune de ses respirations, de ses pensées, paroles, et actions, le souffle de D-ieu.
Il sera alors lui-même, (la matsa), à l’inverse de l’orgueilleux, du coléreux, qui font barrage à la she’hina, et ne peuvent que devenir grossiers chaque jour un peu plus (le ‘hamets) car symbole de la sortie d’Egypte matérielle ou spirituelle, ou de tout autre pays, qui les attire par ses fausses lumières, qui attire leur corps et non leur âme, contrairement à la terre d’Israël, “l’année prochaine à Jérusalem”! ville spirituelle, notre ville.
Rav Itshak Peretz