Par Salomé Touitou
La société s’y est habituée. Il n’est désormais pas rare de voir des femmes le ventre rond et le visage déjà marqué. Si la médecine a fait d’énormes progrès dans le domaine, il ne faut tout de même pas banaliser la maternité tardive. Le professeur E. qui exerce dans le service de fécondation in vitro de l’hôpital Hadassah se porte en faux contre la tendance actuelle qui consiste à dire qu’une femme peut tomber enceinte à tout âge. “Ce n’est pas si simple. Tous ces magazines qui vantent les grossesses tardives de nombreuses femmes oublient parfois de préciser les chiffres. Passé un certain âge, donner la vie relève de l’exploit. C’est une illusion de croire qu’une femme peut tomber enceinte quand elle le veut, et comme elle le veut. Et c’est une autre illusion que de prétendre que tout se passe toujours bien”.
Michal H. confirme. Cette jeune femme religieuse a enfin connu un shiddouh heureux après avoir célébré son 40e anniversaire. Elle se marie quelques mois plus tard, se sentant jeune et vaillante, persuadée que la maternité lui tend les bras. Oui mais voilà. Après plusieurs mois de tentatives infructueuses, le couple se tourne vers un département de fertilité. Et commence alors pour Michal, âgée de 42 ans, une des épreuves les plus douloureuses de son existence. “J’avais pleuré des nuits entières pour rencontrer mon zivoug. Je me retrouvais à pleurer plus fort encore dans l’espoir d’être enceinte”. “Je suis tombée de haut”, raconte-t-elle, “la société tend à nous faire croire qu’on peut devenir mère à tout âge, mais ce n’est pas vrai”.
Et de déplorer le manque de tact auquel les femmes sont parfois confrontées, même par leur entourage le plus proche. “Ce n’est pas toujours facile de parler de fécondation in vitro et de procréation médicalement assistée. Le sujet reste tabou. On est vite perçu comme un couple ‘incompétent’, c’est parfois très lourd à porter”. Pour elle l’histoire s’est bien terminée : à 45 ans elle est aujourd’hui l’heureuse maman de deux petites filles de 6 et 20 mois. Mais elle tient à rappeler que la bataille a été rude. Et pour combien de prétendantes, seules quelques élues.
La main de Dieu
Pour Rachel aussi l’accession à la maternité s’est révélé une route semée d’épines. Mais son message se veut plus optimiste. Elle souhaite donner de l’espoir aux mères âgées, en devenir : “j’ai eu ma fille à plus de 45 ans, et c’est ma première. C’est un cadeau du Ciel”. Elle salue Israël, un des rares pays “qui autorise les grossesses tardives, et qui est à la pointe dans ce domaine. En France, une femme ne peut plus avoir recours à la fécondation in vitro après 42 ans”, précise-t-elle.
Pour elle aussi, plusieurs FIV infructueuses et des traitements envahissants, “mon corps a trinqué avec les hormones”. Sans oublier, bien sûr, une grossesse très surveillée, amniocentèse à l’appui. Elle tient d’ailleurs à rendre hommage aux praticiens qui l’ont suivie, en particulier le docteur Berkotich, à l’origine des traitements qui ont finalement abouti. « Il reçoit à Givat Shmuel, sans aucun dépassement d’honoraires, pour la Maccabi et la Clalit. Il a été extraordinaire. Certes, le chemin à parcourir a été difficile, mais au final, c’est un miracle et un bonheur intense”.
Miracle. Un mot que personne ne conteste. Pas même les scientifiques spécialistes de la fécondité. Car comme le rappelle le professeur E., “les médecins font ce qu’ils peuvent, mais jusqu’à un certain point. Nous faisons tout pour aider la femme à procréer, mais nous ne pouvons produire des ovocytes à sa place, et nous ne savons pas pourquoi un embryon implanté va donner lieu à une grossesse ou pas. Là, intervient la main de Dieu”.