Lors de la fête de Pourim nous sommes astreints à plusieurs mitsvot. Parmi elles « matanot laevyonim », le don aux pauvres. Cette obligation est déduite d’un verset de la meguilat Esther (9, 22) : « faire de ces jours, des jours de festin et de joie, et d’échange de mets mutuels ainsi que de cadeaux aux nécessiteux ». Nos Sages en ont conclu qu’il revenait à chacun d’offrir soit une somme d’argent soit des mets comestibles à au moins deux pauvres le jour de Pourim. Pour parler de la signification concrète d’une telle mitsva, LPH a interrogé des responsables francophones d’associations.
1) Comment aborde-t-on la période de Pourim, fête joyeuse pour tous, quand on s’occupe de familles nécessiteuses ?
2) Que signifie pour vous Matanot Laevyonim ?
3) La joie de Pourim est-elle possible pour tous les enfants y compris les plus défavorisés ?
Le Cœur des Mamans
L’association s’est taillée en quatre ans d’existence une réputation solide et méritée. Parrainée par la fille du Rav Kaniewsky, le Cœur des Mamans est née sous l’impulsion d’Ylanit Sellem et de Samantha Assuli. Aujourd’hui aidées par de nombreux bénévoles, tous s’impliquant corps et âme dans leur mission, ils aident plus de 220 familles à travers tout le pays. Les responsables reçoivent chaque jour plusieurs nouvelles demandes d’aide auxquelles ils apportent une réponse matérielle adéquate, mais aussi humaine très chaleureuse. Samantha répond à nos questions.
1) Il n’est pas évident de vivre au quotidien avec des histoires si tristes de familles qui n’ont rien, pas même 10 shekels pour acheter une bricole à leurs enfants… Et malheureusement, il s’agit aussi souvent de foyers dans lesquels la maladie frappe durement l’un des parents. Mais toute la difficulté est abordée avec l’idée que nous avons la chance de pouvoir aider. Quand on lance un appel aux dons, que ce soit de couches, de materna ou d’argent, on s’aperçoit de la générosité du peuple juif ! Chacun donne et se sent concerné comme s’il s’agissait de leur propre enfant. Les familles que nous aidons nous témoignent de leur reconnaissance. Certaines même ont réussi à s’en sortir et sont aujourd’hui devenues des donateurs de l’association ! Tout cela donne de la force pour continuer l’œuvre difficile. Cette année, nous n’avions même pas eu le temps de penser à des michlohé manot pour Pourim, tellement les demandes constantes que nous recevons nous occupent. Ce sont des Mamans qui, spontanément, ont organisé la récolte et la distribution !
2) Matanot Laevyonim, c’est bien plus que de l’argent, bien plus qu’un simple don. Par ce biais on participe au bonheur des familles qui reçoivent, cela vaut de l’or !
3) C’est une vraie fête pour les enfants. Pour cette raison, nous distribuons des déguisements tout neufs qui les réjouissent. Pour vous montrer combien Pourim est la fête de la joie pour les enfants, je vais vous raconter une anecdote qui s’est produite cette année. Alors que la distribution de déguisements était terminée et qu’il n’en restait plus, une maman que nous aidons nous a sollicités. Son fils trisomique voulait un déguisement de Mordehaï… Que faire ? Et par miracle, en sortant des cartons d’une voiture nous avons trouvé, caché, un déguisement…. de Mordehaï ! C’est cette bra’ha que nous voyons au quotidien et qui permet de donner du bonheur aux enfants.
Hasdei Avot
Hasdei Avot est une association de bienfaisance qui existe depuis presque vingt ans, fondée par les Rav David et Tsvi Edry. Leur mission, venir en aide aux personnes démunies de la ville des Patriarches. L’association aide les familles nécessiteuses de Kiryat Arba Hevron en distribuant chaque semaine des colis de shabbat, en récoltant tous les vêtements, couvertures, électroménager encore en bon état et dont les gens veulent se débarrasser. Hasdei Avot s’occupe aussi des jeunes grâce à son moadon et sur le même principe des personnes du 3e âge, sans oublier le soutien aux femmes seules. Enfin, l’association encourage activement les soldats dans la région. Valérie Mimouni, qui dirige la branche francophone nous répond.
1) Pour nous, le message de Pourim est le symbole de toute notre action : venaafo’h hou (le renversement de la situation). Notre mission est de rendre un pauvre riche, pas uniquement par des moyens financiers, mais aussi par la qualité de sa vie, son bonheur au quotidien.
2) Matanot Laevyonim devrait être notre règle, pas uniquement le jour de Pourim. Certaines familles que nous aidons n’auraient absolument rien à manger sans Hasdei Avot…
3) Évidemment, tous les enfants doivent être heureux, et là encore cela doit être le cas toute l’année ! Pour rajouter à leur joie, nous organisons une grande fête pour Pourim à la mémoire de notre ami Avraham Acher Hasno, z’’l, tué dans un attentat cette année. Le Michté est ouvert à tous avec au programme surprises, bonbons et déguisements. Et bien entendu, nos enfants ce sont aussi nos soldats. Un petit-déjeuner est organisé pour eux devant la Mearat Hama’hpela après la lecture de la Meguila, suivi d’un barbecue pour le michté !
Ezra Yehudit
L’association a vu le jour à Raanana, il y a un an. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’année fut chargée. Ezra Yehudit fonctionne selon une idée originale qui en fait une association à part : rendre la dignité aux familles, réparer le miroir dans lequel les enfants voient leurs parents. En d’autres termes, Ezra Yehudit ne donne rien directement en son nom, tout passe par des bons d’achats ou des cadeaux qui permettent aux parents de donner directement à leurs enfants, sans qu’ils ne sachent que cela vient d’une association. Fréderic Amar, l’un des fondateurs d’Ezra Yehudit a répondu à nos questions.
1) Pourim est pour nous une occasion supplémentaire de rendre de la dignité aux familles. En effet, notre association a pour cible unique les enfants, parce que nous savons qu’un enfant heureux sera un adulte heureux. Et malheureusement quand on grandit dans une famille pauvre, on arrive souvent à l’école le jour des déguisements avec des costumes qui n’en sont pas ou qui sont vieux et usés. Ezra Yehudit, sur la base d’informations du service social de la mairie, a fourni à 270 familles des bons d’achat dans un grand magasin de jouets de Raanana. Selon notre accord avec ce commerce, les enfants pouvaient choisir le déguisement qui leur plaisait, quel que soit son prix ! Les parents les ont accompagnés et ce sont eux qui ont « acheté » leur costume neuf pour Pourim.
2) Matanot Laevyonim est associé à l’idée que nous appartenons tous au peuple juif. Quel que soit notre niveau de pratique religieuse, nous pouvons comprendre que l’avenir de notre peuple passe par nos enfants et donc par leur bonheur.
3) Nous essayons, à travers notre action le jour de Pourim notamment, de permettre à tous ces enfants de faire la fête comme tout le monde. Ainsi la journée sera associée à des souvenirs heureux.
ADIR
ADIR (Action Dynamique pour une Intégration Réussie) existe depuis 2006 à Ahsdod. Plusieurs centres ont été ouverts dans le pays : Netanya, Bat Yam, Raanana ou Eilat. Ils mènent une action sociale auprès des olim de France et les aident à se sortir de la précarité afin de réussir leur intégration. Voici les réponses de Jean-Claude Benhamou, Président d’ADIR Ashdod.
1) ADIR ne mène pas réellement d’actions pour Pourim. Nous concentrons nos efforts sur la période de Pessah qui est beaucoup plus difficile à gérer pour les familles, notamment du fait que les enfants sont en vacances pendant plus de deux semaines. Dans cette optique, la période de Pourim est plutôt pour nous synonyme de préparatifs de la semaine de la Tsedaka (du 03 au 08 avril) qui nous permet de récolter les fonds nécessaires en vue de nos actions pour Pessah.
2) Matanot Laevyonim vient nous rappeler que toute joie chez nous doit s’accompagner d’un rappel de ce qui est moins joyeux. Notre joie ne peut pas être complète tant qu’un de nos frères souffre. Nous sommes un ensemble, Klal Israël, nous ne pouvons nous désintéresser de la frange qui est dans le besoin.
3) Quand nos pensées vont vers l’autre et que nous ne laissons personne pour compte alors même les plus démunis peuvent ressentir la joie extrême de Pourim.
Ner Le Ketty
Ner Le Ketty est née il y a plus de 20 ans à la mémoire de Ketty, z”l. L’association repose entièrement sur le bénévolat et se fixe pour objectif la lutte contre la pauvreté en subventionnant la nourriture, les soins médicaux, le matériel médical, les factures. Le travail se fait en coopération avec des assistantes sociales qui peuvent conditionner l’aide financière à la recherche d’un emploi, l’apprentissage d’un métier ou toute autre formation. Yonit, une des bénévoles, nous raconte la période de Pourim.
1) L’approche d’une fête est toujours spéciale. Parallèlement à toutes les actions que nous menons pendant l’année, nous nous efforçons d’apporter une touche particulière. On se dit que c’est le moment d’aider encore plus de familles. Nous abordons cette période avec une grande concentration quant à la préparation technique de nos opérations, avec un grand sens de la responsabilité. Ner Le Ketty donne des « drôles de Michlo’he Manot » dans le sens où nous n’y mettons pas que de la nourriture mais aussi des objets adaptés aux besoins du moment de chaque famille (chauffage, vêtements, jouets,…). C’est bien souvent le seul Michloa’h Manot que ces familles recevront…
2) Les matanot laevyonim sont très importants puisqu’ils permettent aux plus pauvres de ne pas se sentir trop différents ce jour-là. Pourim est une fête où tout le monde reçoit, alors qu’ils aient eux aussi ce bonheur et la possibilité de faire un michté.
3) En fait, oui, nous pouvons rendre tout le monde joyeux. Et c’est ce qui correspond, à mon sens, à la vraie joie de Pourim. Donner aux pauvres est le plus haut niveau de la joie !
Rabbanite Guedj
La Rabbanite Guedj œuvre pour les nécessiteux depuis de très nombreuses années. Elle s’occupe beaucoup de futures mariées et par leur intermédiaire arrive au sein de foyers en grande détresse financière. Elle les aide grâce à des dons qui lui permettent d’offrir aux familles concernées des bons d’achat ou de la nourriture.
1) Quand arrive Pourim, il est important de s’assurer que chaque famille aura de quoi donner un michloa’h manot. En effet, beaucoup sont ceux qui n’ont pas les moyens d’en offrir et ils en ont honte. Alors nous nous attachons à leur donner de quoi préparer des paquets qu’ils pourront donner avec kavod aux gens autour d’eux, sans que l’on sache d’où cela vient.
2) Matanot Laevyonim vient nous rappeler que l’on ne vit pas que pour soi. Lorsque le peuple juif est en fête, c’est tout entier qu’il doit l’être.
3) Lorsque Am Israël est uni, la joie est au rendez-vous. Quand je vois la générosité du peuple juif, je suis convaincue que cette joie est possible pour tous.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay