L’année 2016 marque les vingt ans de la disparition du rav Léon Ashkenazi zatsal, éducateur, maître, philosophe, leader communautaire et visionnaire dont l’enseignement et la personnalité auront marqué à vie plusieurs générations de juifs de France et d’Israël.
Dans le cadre des événements qui seront organisés, dont le point culminant sera une grande soirée le 20 novembre au théâtre de Jérusalem, le P’tit Hebdo consacrera chaque mois une page de témoignage d’un ancien élève de Manitou z.l. ou d’une personne qu’il aura marquée, qui aborderont l’une des nombreuses facettes de son enseignement prodigieux et novateur.
En tant qu’ancien de la 7e promotion de Maayanot, je désire partager le changement identitaire qui s’est opéré à travers cette année formatrice.
Dans son témoignage sur la période de l’immédiat après-guerre, un juif belge, Peretz Eliezer Lazard, rescapé de la Shoah parti en Palestine, parle ainsi de la manière dont il a vécu la période 1947-1948 : « Nous sentions tous qu’il se passait quelque chose. Nous avions le sentiment réel et immédiat que nous étions en train de vivre un moment historique. Il est rare que l’on se rende compte, alors qu’on participe soi-même aux événements, qu’un épisode important de l’Histoire est en train de se produire » (Combattants juifs dans les Armées de Libération 1939-1948, Georges Brandstatter, Ed. Ouest-France. p.234)
Manitou zatsal a été de ceux – rares – qui se sont trouvés à des carrefours de l’Histoire, ont saisi l’importance du moment et ont joué le rôle fondamental de passeurs d’une époque à l’autre au prix parfois de l’incompréhension de leurs contemporains.
Parmi les nombreuses mutations identitaires qu’a connues le peuple juif, celle du Retour en Eretz Israël à travers le sionisme est sans doute l’une des plus impressionnantes. Par son enseignement, son engagement et sa pensée visionnaire, Manitou nous aura fait prendre conscience que nous vivons cette époque exaltante : passer de la dimension du juif communautaire au juif national, du juif d’exil subissant son destin au juif redevenant acteur de son Histoire sur sa terre.
La force de son enseignement se voyait à vue d’œil chez les élèves de Maayanot, arrivant de tous les horizons religieux et philosophiques et qui au fur et à mesure qu’avançait l’année se défaisaient de leur « peau » de juif d’avant pour se revêtir des habits neufs de l’Hébreu, tout en ayant cette douce impression qu’ils redevenaient eux-mêmes.
Certes, parmi les centaines d’élèves de Manitou zatsal, tout le monde n’est pas resté sur la même trajectoire, mais tous ceux qui ont puisé dans sa Torah et dans sa pensée en sont sortis transformés et conscients que quelque chose de grandiose se passait à notre époque, qui à la fois les dépassait par son ampleur mais dont ils étaient en même temps des acteurs.. Acteurs chanceux et redevables envers l’Éternel, car tant de générations de juifs ont prié chaque jour en espérant assister au Retour des exilés et aux retrouvailles avec Jérusalem sans pouvoir, hélas, en être les témoins.
Manitou zatsal nous a permis de ressentir de l’étonnement et de l’émerveillement face à ce qui semblait aller de soi, il nous a permis de nous réinscrire dans une Histoire et d’y écrire une nouvelle page, de nous retrouver en-nous-mêmes et nous redécouvrir.
Il nous a fait prendre conscience que le rêve du retour à Sion est bel et bien devenu une réalité et qu’il est l’une des ultimes étapes d’un plan transcendant parti d’une promesse antique.
Shraga Blum