Le présenter comme un humoriste serait le
réduire. Michel Boujenah transmet bien plus que du rire, il est un concentré
d’émotions. Il sera sur la scène israélienne pour 3 dates pour jouer son
spectacle ”Ma vie encore plus rêvée”.
Le P’tit Hebdo: Vous n’en êtes pas à votre premier
spectacle en Israël. Est-ce devenu une scène comme les autres?
Michel Boujenah: C’est toujours un grand plaisir pour moi de
venir en Israël, que ce soit pour voir mes amis et ma famille ou pour monter
sur scène. La scène israélienne est particulière parce que je voue une réelle
admiration aux artistes israéliens. Mon grand regret est de ne pas parler
l’hébreu.
Lph: Pourquoi n’apprenez-vous pas?
M.B.: Vous connaissez le proverbe: si les journées
avaient 48h, je pourrais dormir 24h! En clair, je suis déjà occupé 24h par
jour, donc….
Lph: Votre spectacle est votre vie à vous?
M.B.: Si je voulais raconter ma vie au premier
degré, j’irais chez le psy! Il s’agit de la vie en général, j’invente des
histoires sur ce que je ressens sur la vie à différentes périodes. Je parle
aussi de la démocratie, de la nécessité de la défendre.
La démocratie est très en danger aujourd’hui
en France, des gens sont en train de devenir très violents, on l’a vu avec les
Gilets Jaunes, même si l’immense majorité d’entre eux ne sont pas des casseurs.
On dénigre nos institutions, notre Président. Mais que veut-on à la place? Il
vaudrait mieux aider le Président, être constructif. Il n’y a pas plus beau que
la démocratie. Elle n’est pas parfaite; mais on n’a pas encore trouvé mieux.
Lph: Vous n’avez jamais hésité à prendre
position sur différents sujets d’actualité. N’est-ce pas devenu plus difficile
de nos jours?
M.B.: On peut faire rire avec tout mais pas
n’importe comment. Quand on ne sait pas faire, on se tait. Dans mon spectacle,
je parle des attentats, du débat entre Macron et Le Pen, de Dieudonné, de mai
68 et de mon premier amour à 4 ans et demi. Mon spectacle évolue avec la
société, l’actualité. Je ne m’interdis rien.
Lph: Vous parlez de rire avec tout, mais vous
avez aussi la force de nous émouvoir aux larmes dans vos spectacles. Comment
conciliez-vous ces deux émotions?
M.B.: Mon maitre absolu est Charlie Chaplin. C’est
la scène finale des ”Feux de la Rampe” qui a déclenché ma vocation: faire
rire et pleurer en même temps. On rit mieux quand on a pleuré et on pleure
mieux quand on rit. Le rire est un exutoire, c’est la plus belle émotion. Je
me souviens lors d’une interprétation de mon premier spectacle ”Albert”, il y
avait un homme au premier rang qui riait tout le temps, même dans les passages
tristes. J’avais envie de le tuer! A la fin, il est venu me voir et m’a dit que
mon spectacle était très émouvant. J’ai alors vraiment compris qu’on pouvait
rire mais pleurer en même temps. Mon objectif sur scène est de transmettre des
émotions, un artiste met toutes ses idées au service de l’émotion.
Lph: Transmettre l’émotion mais aussi un
engagement envers la société?
M.B.: Les artistes doivent prendre position mais ils
ne changent pas le monde. Ils sont le reflet d’une époque. Avoir le courage de
dire les choses est une question de dignité pour moi. Dans les années qui ont
suivi mai 68, beaucoup d’humoristes avaient une très bonne connaissance
politique, comme Coluche ou Le Luron. Aujourd’hui, nombreux sont les jeunes qui
sont ignorants et par conséquent condamnent la politique en bloc. Or parmi les
politiques, il y a aussi des gens bien. Je crois qu’il faut redonner son vrai
sens à la politique et dénoncer avec force ceux qui la salissent. Les artistes
sont naturellement des impertinents et des mécréants. Mais notre spécialité en
tant que Juifs est de penser.
Lph: Que vous inspirent les menaces de BDS
contre les artistes qui se produisent en Israël?
M.B.: Je m’en moque! Je joue où je veux, que ce soit
en France, en Tunisie ou en Israël. C’est mon kiff et personne ne me le
prendra!
Ma vie encore plus rêvée
Dim 30/12, Beth Shmuel, Jérusalem, 20h30
Mer 02/01, Hehal Hatarbout, Netanya, 20h30
Jeu 03/01, Beth Hahayal, Tel Aviv, 20h30
Réservations: 0733-202-400 / www.culturaccess.com
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Crédit photo: Renaud Corlouer
Le rire est un “executoire»? A mourir de rire, alors….