L’histoire de notre peuple est parsemée de fractures et de luttes internes. Am Eh’ad, un seul peuple, voilà un credo bien souvent mis à mal, depuis des millénaires. Pourtant, faut-il s’en alarmer? Après tout, malgré tout, nous sommes toujours là et aux commandes de notre destin depuis notre retour en Israël.
Pour prendre un peu de hauteur sur la question de la division au sein de notre peuple, LPH a interrogé le Rav Yehuda Ben-Ichay. Le peuple d’Israël de retour sur sa terre a une mission, nous ne sommes pas au bout du chemin, mais seulement à son commencement. Le Rav Ben-Ichay nous aide à comprendre dans quel sens va la marche pour que nous devenions des acteurs unis de notre histoire commune.
Le P’tit Hebdo: Depuis le Tana’h, jusqu’à aujourd’hui, notre histoire ne manque pas d’épisodes où nous nous sommes au minimum querellés, au pire entretués. La dispute, la division, seraient-elles dans l’ADN du peuple juif?
Rav Yehuda Ben-Ichay: Ce qui est dans notre ADN, ce à quoi nous conduit notre histoire, c’est précisément de surmonter ces divisions pour assurer l’avenir du monde. Manitou, z »l, disait bien que nous vivons dans un monde où le problème de base est la fraternité. Cela a commencé avec Caïn et Abel, qui n’ont pas réussi à trouver dans l’autre, son frère, son complément. La destruction du Second Temple est aussi attribuée à la haine gratuite. Notre retour sur notre terre a pour but d’arriver à surmonter cela. Il signifie que non seulement nous en sommes capables mais aussi que nous en avons le devoir.
Lph: Dans cette optique, au sortir de la campagne électorale pour les municipales, peut-on être optimiste?
Rav Y.B-I.: J’ai suivi les campagnes électorales et j’ai essayé de comprendre et de repérer ce que les candidats proposaient, en quoi ils allaient améliorer le quotidien. En général, à part un slogan, il y avait rarement des propositions de travail et on se cantonnait à attaquer l’autre. »Attention, Jérusalem va devenir haredite », fait partie des menaces absurdes brandies pendant cette campagne. Chacun cherche le microcosme qui lui convient le mieux et on se retrouve autour du dénominateur le plus bas. Celui qui veut réussir, va avoir tendance à mettre l’accent sur la division, mais il va pourtant devoir être au service de tous. Sur les quatre candidats à Jérusalem, trois étaient religieux et c’est celui qui ne l’était pas qui a obtenu le plus de sièges au conseil municipal. Nous devons en tirer les leçons, cela nous montre, en effet, que nous avons encore beaucoup de travail à faire.
Lph: Quelles sont ces leçons que vous appelez à tirer?
Rav Y.B-I.: D’abord que nous ne pouvons pas fonder une union sur un dénominateur commun bas. On se dispute pour des choses futiles et D’ieu trouve le moyen de nous ramener à la lucidité. L’avenir du peuple est une préoccupation noble et qui appelle à des débats plus élevés. La Providence nous a amenés dans ce laboratoire qu’est l’Etat d’Israël. L’expérience peut s’avérer douloureuse, on peut avoir l’impression que D’ieu joue à cache-cache mais au fond de chacun de nous se trouve le désir profond de l’unité.
Lph: Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
Rav Y.B-I.: Le rassemblement de tous les Juifs du monde entier est déjà bien avancé. Nous avons devant nous un énorme puzzle d’origines, de pensées, d’idées. A l’image de la mer, alors qu’à la surface, on voit des vagues, l’écume, plus on va en profondeur, plus le calme se fait. Les divergences, les clivages au sein de notre peuple sont en surface. Nous avons le privilège de réaliser le retour d’Israël sur sa terre. Ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous divise.
Preuve en est que notre peuple se maintient malgré tout, qu’il occupe une place parmi les Nations qui est reconnue par un nombre croissant de pays. Nous savons toujours nous reprendre lorsque la division va trop loin. Sinon, nous ne témoignerions pas d’une telle réussite en 70 ans d’existence de notre Etat. Pour atteindre un tel niveau, toutes les forces, tous les esprits doivent agir ensemble, la réussite ne peut être que globale.
Lph: Comment faire pour que cette union soit plus forte que tout et qu’enfin nous ayons le sentiment que nous sommes au jour le jour un peuple uni?
Rav Y.B-I.: Nous devons nous placer à un niveau élevé et proposer un dénominateur commun élevé. Nous sommes le Peuple du Livre. Nous devons donc réaliser ce qui est écrit dans ce Livre, sur la terre du Livre, la terre d’Israël. Nous devons aspirer à de grands objectifs et dépasser les petites querelles qui s’avèrent rapidement futiles quand on les compare au prix des vies de la Famille Atar, z »l, par exemple.
Nous avons de grands projets à proposer au monde. Nous pouvons apporter des réponses à la crise de l’identité humaine qui traverse la planète. Savez-vous que récemment, une femme s’est officiellement mariée avec ses chats? Les Nations ont besoin d’une boussole. Elles se perdent. Le peuple d’Israël a des solutions, a des valeurs à propager dans le monde, pas uniquement des innovations technologiques. Celles-ci sont importantes mais nous avons aussi un rôle à jouer sur d’autres tableaux. Nous avons déjà commencé en faisant de ce pays un pays extraordinaire, nous devons poursuivre dans ce sens et rayonner au-delà.
Les »goûts et les couleurs ne se discutent pas » dit le dicton. Alors cessons de nous déchirer sur ce genre de sujets, dépassons les débats autour des goûts et des couleurs. Ce n’est qu’en nous libérant des sujets individualistes que nous pourrons surmonter les divisions.
L’union se provoque par un idéal commun, David Ben Gourion l’avait bien compris. Il est allé à l’essentiel: créer un Etat juif indépendant, laissant de côté les divergences mineures. Il les a dépassées pour atteindre un grand objectif et a réuni autour de cet immense projet.
Nous devons voir grand, aspirer à de grands défis à relever ensemble. Ainsi, nous motivons toutes les forces, nous mobilisons le plus grand nombre et nous mettons en avant ce qui nous rassemble.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo by Yossi Zamir/Flash 90