Certes, pour le moment, l’Amour Divin demeure fondamental à notre propre existence, si D.ieu devait juger le monde uniquement en fonction des actions des hommes dans ce monde, voilà belle lurette que tout serait terminé. En réalité et toutefois, si l’homme voulait relever le défi et employait son plein potentiel à aimer son Créateur, être lui le donateur, aucune raison ne pourrait faire obstacle aux besoins de la Rigueur.
La tradition des Hébreux nous stipule exactement le genre de fortune au détour de notre devenir. Il arrivera un temps où la Rigueur divine siéra à l’homme, lui se lèvera prêt à relever le défi et affirmer haut et fort «l’identité morale de la manière d’être Homme – Hébreu».
Dire des jours du Omer que ce sont des jours de Rigueur n’annonce pas obligatoirement une période difficile.
Nous sommes mis au pied du mur, dorénavant les choses dépendent de nous, la balle est dans notre camp pour ainsi dire.
Vouloir perpétuer nos négligences, fuir nos responsabilités morales et continuer à compter sur la bonne volonté de D.ieu rend les réalités de plus en plus difficiles.
Par contre, une réelle volonté d’assumer notre vrai rôle, de remplir toutes nos obligations, d’accepter une fois pour toutes de porter l’entière responsabilité de nos actions, nous mènera sans aucun doute vers une création plus sacrée et plus sainte.
Pessah est tout le contraire, si le Omer relève de la Rigueur, lui relève du Hessed, c’est-à-dire de l’Amour. La sortie miraculeuse d’Égypte, et tout ce qu’elle supposait, trouva les enfants d’Israël quasiment absents d’une Histoire les concernant et dont les occurrences bouleverseraient la pensée humaine.
L’Éternel demanda aux Hébreux, avant de frapper les premiers-nés égyptiens, de ne point bouger, de rester confinés dans leurs demeures et, notamment à ce moment-là, ne pas tenter de se compromettre ! D.ieu frappa, seul, les Égyptiens, une Action entièrement divine. Même le pain azyme que nous mangeons à Pessah reproduit cet aspect de la fête, la cuisson de la ‘matsa’ n’exige pour ainsi dire aucun effort de la part de l’homme, il s’agit tout simplement de mélanger farine et eau.
Quant à la première nuit du Seder dans l’Histoire, il reste évident que D.ieu ne s’est pas enquis de prime abord de la dignité de la Nation des enfants d’Israël. Il n’y eu aucune requête particulière les concernant, la sortie d’Égypte est un exemple flagrant de l’acte d’Amour gratuit, de cette excellence Divine.
Passée la première journée de Pessah, la gratuité des évènements commence à se diminuer et, au fur et à mesure la propriété du jugement Divin, devenir plus apparente. En d’autres termes, l’homme pénètre la scène de son Histoire pour y prendre une part non négligeable.
Le dénombrement des 49 jours du Omer commence le deuxième jour de Pessah et se poursuit jusqu’à Chavouot. La Torah nous ordonne de «le compter pour nous».
La raison en est très simple : nos maîtres expliquent que nous mettons l’accent sur nos réalisations pour nous-mêmes, la Torah n’étant là que pour mieux permettre à l’Homme une conception nouvelle de son propre devenir, «l’Humain à transparence Divine».
L’ensemble des projets vécus, l’ensemble des desseins de l’Histoire se déroule et se construit pas à pas, seule la constance de l’être engagé permet au sillon de se creuser et de proposer pour demain une culture régénérée.
Ainsi, «HaOmer» est un mouvement de croissance, prenons pour exemple le seizième jour du mois de Nissan, c’est-à-dire le deuxième jour de Pessah : une offrande distinctive était apportée au Temple de Jérusalem. Il s’agissait d’une gerbe d’orge, céréale traditionnellement utilisée pour nourrir les animaux.
Sept semaines plus tard, le jour de Chavouot, un autre type d’offrande était amené au Temple. Il s’agissait de deux miches de pain au levain, un aliment de base et essentiel à la nourriture de l’homme.
Disons-le, le blé est bien plus qu’un simple aliment destiné au bien-être physiologique de l’homme. Dans le Talmud, l’un de nos Sages émet l’opinion que l’Arbre de la Connaissance serait en réalité cette céréale porteuse de blé! Le blé est, dit-il, équivalent à la connaissance et cette dernière différencie l’homme du règne animal.
Pour cette raison, le jour de Chavouot, la période du Omer étant terminée, nous apportons une offrande de blé afin d’affirmer la présence de l’Homme et non plus celle de la bête.
Le Omer est ainsi une phase d’essor et de développement à partir du règne de l’amour Divin, dès le deuxième jour de Pessah.
Immédiatement après, au tout début du Omer, l’homme prend les choses en mains et va tenter de transcender la bête en lui vers la belle qu’on lui promet. Il apporte une offrande d’orge essayant au quotidien de se sortir des torpeurs de l’animal, encore présent.
Peu à peu, il laissera place au noble Humain.
Lors de cette rencontre tant attendue, il apporte un pain de levain frais: fruit de son labeur, produit de son travail, l’homme enfin prêt à s’accomplir.
Maintenant, nous percevons la Rigueur Divine sous un autre jour, sous une toute autre lumière, et comprenons beaucoup mieux le pourquoi de cette association durant la période du Omer.
La Rigueur, présente ici, signifie clairement à l’homme le devoir de prise en main, de résolutions et de mesures strictes aux fins de pouvoir se réaliser au mieux de lui-même. Il lui faut atteindre son plein potentiel d’être créé à travers un mouvement de perpétuelle croissance, ne jamais s’endormir sur ses lauriers.
Quand, après quarante ans d’errance dans le désert, les enfants d’Israël entrèrent finalement en Terre Sainte, la manne cessa de tomber du ciel dès le lendemain du premier jour de Pessah. La manne était un don du ciel, elle avait miraculeusement nourri les Hébreux à travers leurs pérégrinations dans le désert.
L’amour de la première journée de Pessah passé, la disponibilité de la manne, qui était avant tout une expression de la bonté Divine, cessa de tomber du ciel. Par la suite, nous dit la Torah : «ils ont mangé des fruits de la terre». Pour la jeune nation d’Israël, l’entrée en Terre Sainte n’est pas de tout repos étant donnée l’obligation de la conquérir.
Les combats sont loin de toute quiétude et les peuplades présentes s’engagent dans une lutte militaire féroce.
Le message devenait très clair, plus rien ne tomberait du Ciel et c’est à la sueur de son front que l’Homme pourra jouir de son travail.
Il n’est donc pas très surprenant que l’ensemble de ces événements eurent lieu au cours de cette période-là.
La rédemption ou délivrance du peuple juif, dont nous sommes tous les témoins actifs aujourd’hui, s’explique parallèlement par une action humaine et l’état de belligérance existant. La délivrance, ce que nous nommons ‘les douleurs de l’enfantement’ ne sont pas un cadeau du Ciel, il s’agit plutôt d’un présent pour nous permettre de devenir, à travers l’effort prononcé.
En conséquence, il n’y a rien d’étonnant à ce que le Jour de l’Indépendance et le jour de Jérusalem, fruits de nos combats acharnés, surviennent tout du long de cette période du Omer.
Ce n’est pas un hasard si ces événements grandioses et majestueux se produisirent au sein du peuple juif et au cours d’une époque bien précise de l’année.
Il y avait là une Rigueur emplie d’un Amour dont seul l’Éternel, D.ieu d’Israël, détenait le secret.
Rony Akrich