Parmi les débats qui agitent le monde de l’éthique médicale, celui autour de l’euthanasie est central. Faut-il provoquer la mort, contrôlée par un médecin, d’une personne qui souffre ? La question soulève des aspects médicaux mais aussi religieux, paramètre non négligeable en Israël ? Pour évoquer cette question sensible, LPH s’est entretenu avec le Dr Daniel Azoulay, médecin-chef de l’Hospice des soins palliatifs de l’Hôpital Hadassa Har Hatsofim.
Le P’tit Hebdo : Quelle est votre définition de l’euthanasie ?
Dr Daniel Azoulay : L’euthanasie est l’acte qui consiste à causer la mort d’une personne afin de soulager ses souffrances. Il s’agit d’un acte volontaire, rapide et efficace. En Israël, l’euthanasie est totalement interdite, elle se pratique en revanche légalement dans d’autres pays comme la Suisse, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg, par exemple.
LPH : Vous vous occupez de malades en fin de vie qui traversent de grandes souffrances. Pouvez-vous comprendre les familles et les patients qui ne peuvent plus supporter la douleur ?
Dr D.A. : Notre travail consiste à permettre aux malades de terminer leur vie dans les conditions les plus paisibles. Ainsi, nous les accompagnons médicalement, psychologiquement, émotionnellement, eux, mais aussi leurs proches. Sur le plan médical, nous avons beaucoup d’options pour traiter la douleur. Nous pouvons considérablement atténuer la souffrance physique, les problèmes respiratoires. Les malades et leurs proches savent qu’à tout moment, nuit et jour, nous pouvons les aider sur ce plan. Il arrive souvent que les patients nous disent qu’ils veulent en finir. Eh bien, nous leur disons que nous sommes là et que nous avons les moyens de les aider mais sans raccourcir leur vie, jamais. Ils l’acceptent très bien. Je sais que certains vont aller en Suisse pour se faire euthanasier. Je ne porte aucun jugement. À titre personnel, je suis opposé à toute forme d’euthanasie.
LPH : Comment fixez-vous la limite entre euthanasie et refus de l’acharnement thérapeutique ?
Dr D.A. : Il existe une différence claire entre faire une piqûre qui va entraîner la mort de la personne dans la minute qui suit et ne pas entamer de procédures qui vont rallonger la vie du patient. L’euthanasie est un acte sans ambiguïté. Renoncer à placer un tuyau d’alimentation, par exemple, n’est pas considéré comme donner la mort, mais comme un renoncement thérapeutique. D’ailleurs, la loi israélienne de 2005, sur ce sujet, établit la distinction. Cette loi attribue davantage d’autonomie au patient en fin de vie dans la souffrance. Elle établit un équilibre entre le respect de la sainteté de la vie et les droits de la personne malade.
LPH : Si une personne n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, la famille peut-elle décider pour elle ?
Dr D.A. : Non, la famille ne peut pas décider de tout. Pour cette raison, la loi de 2005 prévoit la possibilité d’établir un testament de fin de vie, dans lequel la personne exprime ses volontés en matière de moyens thérapeutiques qui seront mis en œuvre pour la maintenir en vie.
LPH : Aujourd’hui en Israël, apporte-t-on les bonnes réponses à la question de l’euthanasie ?
Dr D.A. : Personnellement, je trouve qu’en Israël un bon équilibre a été trouvé concernant la fin de vie, surtout depuis 2005. Bien entendu, le débat existe toujours, certains militent pour plus d’ouverture encore. Mais étant donné les dilemmes religieux, éthique et culturel que posent la question de l’euthanasie, la situation telle qu’elle existe aujourd’hui en Israël me paraît la meilleure possible.
Guitel Ben-Ishay