Le présent article a été publié, dans sa version originale hébraïque, dans le cadre de la rubrique hebdomadaire que tient le Rav Eliézer Melamed au sein du journal israélien Besheva (n° 669 du 19 novembre 2015).
Les odieux attentats qui ont frappé Paris nous affligent, mais ils ne sont pas étonnants. • Les Européens ont autrefois fauté par antisémitisme, ils fautent aujourd’hui dans leurs relations avec Israël. • Défaut des conceptions européennes, qui sanctifient les droits et délaissent les devoirs. • Le traitement biaisé du conflit israélo-arabe par l’Occident a fait le lit du terrorisme dans le monde entier. • Les activistes musulmans estiment que la culture européenne est moralement dégénérée, et qu’il est donc permis et souhaitable d’y porter atteinte. • Le soutien à Israël est la condition indispensable à la capacité de l’Europe de combattre le terrorisme.
L’Europe
C’est avec bien de la tristesse que nous avons pris connaissance des attentats atroces commis à Paris par les terroristes musulmans. Cependant, nous ne saurions dire que nous avons été surpris : il était prévisible, depuis des années, que la politique erronée de la France et de la majorité des Etats européens aurait de telles conséquences (comme le montrera la citation que nous ferons d’un article que nous écrivions il y a près de quinze ans). Malgré cela, la réalisation de nos prévisions, dans leur première phase, nous bouleverse.
La vérité doit bien être dite : les Européens ne sont pas des justes. Au cours des générations, ils ont régné par la force sur de nombreux peuples – entre autres, arabes et musulmans –, exploitant leur travail et leurs ressources naturelles afin d’accroître leur richesse et leur gloire. À présent, des immigrés viennent de ces mêmes pays, exploitant les Européens et leurs terres, se justifiant en prétendant « reprendre » ce qui leur avait été « volé » par le passé.
On est obligé de rappeler la terrible souffrance que nous avons subie, nous Juifs, en Europe. Certes, bien souvent, nos relations furent bonnes, dans différents pays européens, avec les gouvernants comme avec les gens du peuple. Mais on peut difficilement recenser tous les pogromes, expulsions, actes de pillage et de violence dont nous avons pâti en Europe, jusqu’au plus terrible de tout : la Choa où six millions de nos frères furent assassinés par les nazis allemands et par leurs collaborateurs des autres pays européens.
Il est vrai que nous nous sommes obstinés à garder notre foi, et qu’il n’est pas toujours facile de vivre aux côtés de personnes ayant une foi et une culture différentes. Mais notre contribution au développement économique, scientifique et culturel de l’Europe est sans commune mesure avec l’espèce d’inconfort, éprouvé par certains, causé par notre particularisme. Au lieu de reconnaissance, on nous a infligé les pogromes, les expulsions et la Choa.
De nos jours encore, au lieu de comprendre la terrible guerre dans laquelle nous sommes plongés, face aux Arabes qui nous encerclent et veulent nous détruire purement et simplement, les Européens nous reprochent d’attenter aux droits des Arabes – y compris ceux d’entre eux qui ont commis des meurtres – et répandent sur nous d’autres vaines accusations. Peut-être leur importe-t-il d’accréditer les accusations arabes dirigées contre nous, afin de tenter de se justifier à leurs propres yeux : ainsi, ils ne sont pas seuls à avoir du sang sur les mains ; « les Juifs, eux aussi, quand l’occasion leur en est donnée, tuent, tant qu’ils le peuvent, des gens d’un autre peuple ». Peut-être en est-il d’autres qui n’ont pas même besoin d’autojustification : ils haïssent les Juifs et Israël, voilà tout. Peut-être certains avaient-ils le dessein, tout soudain, de réparer les fautes de leurs pères envers le peuple juif, et d’œuvrer en faveur des droits de l’homme ; mais hélas : ils ne sont pas tombés sur les bonnes personnes…
Quoi qu’il en soit, leurs actes dans le passé et leur position officielle aujourd’hui, qui dénie à l’Etat d’Israël le droit de défendre sa sécurité et son héritage ancestral en Judée et en Samarie, les conduisent à une situation fausse, dans laquelle ils n’ont ni la puissance ni la justification morale nécessaires pour combattre efficacement les positions islamistes, lesquelles menacent la paix sur leur sol et jusqu’à leur propre existence.
À qui ces propos sont-ils destinés ?
Ces propos sont en premier lieu destinés à nous-mêmes, les enfants d’Israël. C’est en effet une obligation pour nous que de comprendre ce qui se produit autour de nous, ainsi qu’il est dit : « Souviens-toi des jours d’autrefois, médite les annales de chaque génération (…) ; quand le Très-Haut donna leur héritage aux peuples, lorsqu’il sépara les fils de l’homme, il fixa les frontières des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël » (Dt 32, 7-8).
De prime abord, les leçons du passé ont pour but de conférer de la sagesse aux nations du monde. Mais lorsque, hélas, elles ne comprennent pas l’enseignement du passé, les problèmes sur lesquels elles butent se maintiennent, et frappent également à notre porte. Les gens de la gauche israélienne laïque s’y engouffrent volontiers, car ils croient, à tort, que c’est là ce qui convient et ce qui est moral. Le pouvoir s’y engouffre aussi, car il se sent impuissant face à l’opinion internationale.
Mais ces propos sont aussi destinés aux Européens. En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est convenu de dire, parmi les précepteurs moraux qui sont en Europe, que le temps est venu de faire un profond examen de conscience quant aux préjudices causés par les Européens aux autres hommes, par le biais du colonialisme, du nationalisme et des religions. Aussi y a-t-il lieu de se tourner vers les Européens, afin que ceux-ci dirigent cet examen de conscience de façon pertinente.
Examen de conscience
Les hommes épris de morale, en Europe, ont franchement estimé que, plus on consoliderait les droits de l’homme, meilleur et plus moral deviendrait le monde ; on ne rencontrerait plus guère de discrimination fondée sur le sexe, la race ou la religion. Plus on défendrait les droits de l’individu en tant que tel, plus diminueraient les guerres entre peuples et entre religions. Cependant, en renonçant à l’ensemble des autres valeurs morales, et notamment aux obligations morales qui s’imposent à tout individu, ce sont de grandes injustices que l’on a causées, ce qu’illustre précisément la grave crise à laquelle sont aujourd’hui confrontés les Européens.
Il n’y a en effet pas de droits sans devoirs. Quand on donne à des personnes des droits sans contrepartie de devoirs, on développe en elles le penchant naturel au mal, qui tend à exploiter, mentir, nuire, voler, violer et tuer. Quand on soutient les faibles pour le seul motif de leur faiblesse, on les encourage à exiger des droits qui ne leur reviennent pas légitimement ; et s’ils ne les obtiennent pas, ils voient là un encouragement à porter atteinte à la société qui les accueille, et à la frapper, afin d’arracher par la force ce qu’on ne leur a pas accordé gracieusement.
Aussi est-il indispensable d’associer sérieusement aux valeurs du respect de l’individu les valeurs défendues par les mouvements de droite conservatrice. Celles-ci sont en effet davantage liées aux valeurs bibliques, lesquelles, en plus de l’honneur dû à chaque homme, mettent l’accent sur la justice et exigent de l’homme d’être responsable de ses actes.
Les guerres menées contre Israël, pierre de touche de la perversité mondiale
À ce propos, nous croyons devoir citer ce que nous écrivions dans cette même tribune, le 10 adar 5763 (12 février 2003), propos qui reprenaient essentiellement l’article que nous avions rédigé pour l’hebdomadaire Makor Richon en éloul 5761 (septembre 2001), quelques jours avant l’attentat contre les tours jumelles à New York :
« Plus nous nous sommes fourvoyés en croyant que les accords d’Oslo nous mèneraient à la paix, à la diminution des attentats et de la guerre menée contre Israël, plus nos ennemis arabes sont devenus méchants. Les milliards de dollars que les différents Etats leur ont octroyés, ils les ont détournés et gaspillés, mettant en œuvre une formidable corruption. Ce qu’ils n’ont pas volé, ils l’ont principalement investi dans l’armement et les munitions pour tuer, blesser, détruire et mettre en ruines. Il n’est aucune organisation criminelle ou terroriste qui n’ait quelque lien avec eux, ou qui n’ait tiré leçon de leur expérience. Ce n’est pas un hasard si le “professeur” et maître de Ben Laden est “palestinien”. [Note : à l’époque de la rédaction de cet article, les nouveaux mouvements criminels, qui se sont ajoutés aux précédents durant les dernières années, n’avaient pas encore été créés.]
« La seule chose que les terroristes de toute espèce aient comprise du processus d’Oslo est que le terrorisme est payant. Et plus un terroriste est prêt à être menteur et pervers, plus on lui accorde de considération, comme le montrent les liens entretenus par les Etats occidentaux avec l’Autorité palestinienne.
« Dès lors que le chef du plus grand gang terroriste au monde [en son temps], Yasser Arafat, a bénéficié d’une reconnaissance internationale et s’est même vu promettre un Etat, le terrorisme mondial a relevé la tête. Certains Etats eux-mêmes, tels que l’Iraq, l’Afghanistan, la Syrie, l’Iran, la Libye et le Soudan, se permettent de soutenir le terrorisme. [Note : à présent, le soutien au terrorisme s’est élargi, et englobe une grande masse des populations musulmanes, dans les différents pays, comme on le voit en tout endroit où des élections libres leur sont proposées.]
« Même si l’on parvenait à vaincre Saddam Hussein ces prochains jours, le monde ne retrouverait pas sa tranquillité. Tant que la criminalité “palestinienne” ne sera pas châtiée, le monde sera exposé à des dangers croissants. Il ne restera pas un pays au monde qui ne sera contraint d’investir le meilleur de ses ressources, en hommes et en capitaux, dans la lutte quotidienne contre le terrorisme. Si l’on ne les arrête pas aujourd’hui, on devra, dans tous les pays, placer des gardes devant toute installation publique, pour que personne ne s’y fasse exploser, pour que l’eau ne soit pas empoisonnée, pour que des microbes pathogènes ne soient pas répandus, et pour que des terroristes ne prennent pas le contrôle de technologies avancées, ce qui mettrait en danger la paix dans le monde entier. Les Etats devront augmenter toujours davantage leurs effectifs policiers, mais le terrorisme continuera de frapper, dans les pays riches comme dans les pays pauvres. Un homme sur trois devra se consacrer à des opérations de police, afin de préserver les personnes et les biens. À chaque coin de rue, on sera contraint de contrôler les sacs et les vêtements des passants, de crainte qu’ils ne portent des bombes ou différentes matières toxiques.
« Ainsi, au lieu que “de Sion sorte la Torah, et la parole de l’Eternel de Jérusalem” (Is 2, 3), c’est la terreur, le meurtre et la désolation qui sortiront de “Palestine”. Tout cela n’arrivera que parce que les dirigeants occidentaux n’auront pas eu l’intelligence de distinguer les justes d’entre les pervers, dans le conflit dit israélo-palestinien. » Voilà ce que nous écrivions, pour l’essentiel il y a près de quinze ans.
Le problème européen
Les « spécialistes » et commentateurs en tout genre croient, à tort, que le problème auquel sont confrontées les nations se limite à celui du terrorisme, et que, par conséquent, l’augmentation des moyens de protection permettra de résoudre le danger. Certains veulent bien reconnaître que le problème est plus large, et touche à la lutte contre l’islam radical, de sorte que la lutte contre ses représentants principaux devrait permettre d’anéantir le terrorisme.
Mais il s’agit en réalité de bien plus que cela : d’un conflit de cultures. Les « spécialistes » sont stupéfaits de constater que certains terroristes dirigeaient, naguère, un bar où se vendaient de l’alcool et de la drogue, produits interdits selon l’islam. Mais s’ils comprenaient qu’il s’agit d’un conflit ayant la religion pour cadre, ils comprendraient aussi que, bien que les jeunes Musulmans jouissent très souvent, dans les « boîtes » européennes, de la débauche, de l’alcool et de la drogue, ils n’en accusent pas moins les Européens de les avoir ainsi « séduits ». Aussi sont-ils d’accord avec le prêcheur de la mosquée, quand celui-ci déclare que la perversité européenne est si grande et si grave qu’elle prend même dans ses filets les jeunes Musulmans, et qu’il est impossible de la vaincre, sauf à la détruire, car elle est satanique.
C’est ainsi que de grandes masses musulmanes considèrent l’Europe comme un monde en cours de décomposition morale ; et tous les discours sur les droits de l’homme sont à leurs yeux les signes de la soumission de ce monde aux mauvais penchants, à la permissivité, à l’anarchie, au déracinement des valeurs familiales. Ces gens jouissent du développement économique et de la liberté qui règnent dans les pays d’Europe, mais au fond d’eux-mêmes, ils y voient une culture digne de Sodome et Gomorrhe. De sorte qu’il est à leurs yeux permis, et même souhaitable, de la frapper. Cela leur donne un prétexte pour ouvrir, dans leurs quartiers, de nouveaux foyers de violence.
Si les peuples d’Europe ne comprennent pas enfin, pleinement, l’ensemble des tenants et des aboutissants du combat contre l’islamisme, alors le terrorisme et la criminalité continueront de s’amplifier, jusqu’à la guérilla urbaine. Cela peut se terminer par le déclin des peuples européens, ou par l’éruption d’une terrible effusion de sang, les Européens déversant leur fureur sur les Musulmans.
La réparation
La solution consiste tout d’abord à revenir aux valeurs de la Bible, valeurs de justice et de morale. Cela suppose notamment de soutenir l’Etat d’Israël, qui se trouve en première ligne face à l’islamisme. À partir de là, les peuples d’Europe pourront se fixer une ligne idéologique claire, fondée sur les valeurs ; ils seront en mesure de parler au nom de la justice. Cette ligne idéologique aura à cœur de défendre le droit des peuples européens sur leur sol, droit d’exprimer leur identité et leurs valeurs religieuses dans l’espace public, ainsi que de protéger leur identité face à une immigration qui entend la modifier. Alors, on pourra réellement commencer à réfléchir aux moyens de lutter contre la menace islamiste croissante.
À ce qu’il semble, seuls les mouvements de droite nationale comprennent le problème dans ses différentes implications. La semaine prochaine, nous tenterons de poursuivre notre réflexion, en abordant la question de nos liens avec les droites extrêmes en Europe.
Le rabbin Eliézer Melamed est un des principaux dirigeants spirituels du courant sioniste-religieux en Israël. Auteur d’ouvrages de halakha (législation juive) dont plus de quatre cent mille exemplaires ont été vendus à ce jour, il tient depuis l’année 2000 une rubrique au sein de l’hebdomadaire Besheva (l’exposition du journal dépasse Haarets en fin de semaine).