“Écoutez, cieux, je vais parler ; et que la terre entende les paroles de ma bouche.”
Rachi : “Tendez l’oreille : Aux avertissements que je vais adresser par eux à Israël. Et c’est vous qui en serez les témoins’’.
La question que l’on pourrait se poser est: quelle est la pertinence de prendre les cieux et la terre comme témoins ? En effet, qui dit témoin, dit jugement. Qui viendrait intenter un jugement à Israël parce que celui-ci ne conserve pas l’alliance avec D-ieu ? Si ce jugement est intenté par les autres nations, nous savons pertinemment qu’aucun être humain n’a la capacité d’entendre le discours des cieux ou de la terre. Et si ce jugement est intenté par D-ieu Lui-même, a-t-il besoin de témoins ? Ne sait-il pas tout ?
Moshé Rabbenou sait qu’un témoin doit être visuel, le témoignage auditif n’ayant aucune valeur halakhique, comment peut-il prendre à témoin le ciel et la terre, en utilisant les termes “écoutez et entendez” ?
Quant au sujet sur lequel portera le témoignage, il s’agit du don de la Torah, comme il est écrit sur la fin de notre paracha : Il leur dit : “Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous admoneste en ce jour, et que vous devez recommander à vos enfants pour qu’ils observent avec soin toutes les paroles de cette Torah.” Durant toute notre histoire avons-nous eu besoin que l’on vienne nous rappeler d’avoir reçu la Torah, d’avoir été le peuple choisi par D-ieu ?
En cas de condamnation, ce sont les témoins qui doivent commencer à infliger la punition, par exemple en cas de lapidation, ce sont eux qui jetteront les premières pierres. En quoi les cieux et la terre ont-ils la capacité d’agir de leur propre volonté ?
Le Ari Hakadosh explique dans le Otsrot ‘Hayim, que le monde fut créé par une lumière intense d’une pureté rare, un kav (axe droit) qui pénétra une zone “vide” de Sa présence. Cette lumière se transforma en cercles, alors s’agit-il d’une parole, donc d’un son ou d’une lumière ? Une partie de la réponse se trouve dans notre paracha. En effet, les bénédictions de D-ieu se concrétisent, se matérialisent par l’intermédiaire de ces témoins que sont le ciel et la terre, et ceci, uniquement parce qu’ils sont pris à témoins par le Créateur, puis par Moshé Rabbenou lui-même, comme témoins auditifs. A priori, il n’y a pas ici de contradiction ou de problème par rapport à cela car l’ouïe et la vue à ce niveau se rejoignent, et le shofar comme les voix que le peuple a vu ne sont autres que des lumières intenses en axe puis en rond, tel le shofar lui-même par sa forme, en axe puis arrondie.
Lors de la création du monde il est écrit : “Or la terre n’était que solitude et chaos ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle de D-ieu planait à la surface des eaux”.
Nous avons trois éléments matériels, la terre, l’abîme et l’eau. Les deux premiers éléments sont plongés dans le chaos et l’obscurité, le troisième élément, l’eau, étant lié à D-ieu se devrait d’être dans la lumière, or il est écrit que le souffle de D-ieu planait à la surface de l’eau. Car le souffle de D-ieu n’est autre que la lumière originelle du monde.
De fait, Moshé prend à témoin auditif ces deux éléments que sont le ciel et la terre: “Au commencement, D-ieu créa le ciel et la terre”, qui mieux qu’eux, peuvent témoigner devant le peuple d’Israël, au nom du Créateur et de Moshé Rabbenou, puisqu’ils existent grâce à la lumière de l’axe et du cercle, à la parole divine, le son et le souffle qu’ils créent, qui sont … lumière.
Lorsque, très prochainement, le Machia’h se dévoilera, se réalisera la prophétie de Yeshayahou: ’’En ce jour résonnera le grand Shofar; alors arriveront ceux qui étaient perdus dans le pays d’Achour, relégués dans la terre d’Egypte, et ils se prosterneront devant l’Eternel, sur la montagne sainte, à Jérusalem’’. Ce shofar, nous disent les Sages, se sonnera lui-même, par quel souffle ? Celui justement qui se trouvait à la surface des eaux lors de la création du monde, ce souffle dont nos Sages disent que c’est l’esprit même de Machia’h. Et en ce jour, comme le précise le Rambam, dans les derniers mots du dernier chapitre de la conclusion de son livre de Halakha, le Yad Ha‘hazaka : “Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Eternel, comme les eaux recouvrent les océans” !
“Heureux le peuple qui connaît le shofar”, ne peut se dire que du peuple qui ne fait qu’un dans la pensée de D-ieu, du peuple qui a un lien d’intimité profond avec D-ieu, et seul le peuple d’Israël peut accéder à cette connaissance, à ce son-lumière, celui du dévoilement de la lumière en axe puis en rond. A la création du monde, la vie éternelle était dévolue à l’homme, lors du don de la Torah où se dévoilent les mêmes lumières, la vie éternelle est revenue, puis disparaît à cause du veau d’or qui est la réminiscence du serpent qui est en rond comme le veau lui-même qui est appelé “eguel” en hébreu dont l’étymologie est “igoul” le rond en opposition à la Torah, qui est dans l’axe.
Cette même connaissance de la sonnerie du shofar est nôtre, comme nous l’avons lu à plusieurs reprises à Rosh Hashana et Yom Kippour : “Heureux le peuple qui connaît le shofar” qu’y a-t-il de si extraordinaire à savoir sonner du shofar? En hébreu connaître דעת signifie faire un avec la chose, comme il est écrit “Et Adam connut ‘Hava sa femme”. Le peuple d’Israël était présent dans la pensée de D-ieu avant même la création du monde.
Et lorsque Machia’h viendra “Alors chantera Moshé”, de là, nous dit Rashi, nous apprenons la résurrection des morts, donc le rond qui symbolise aujourd’hui le cycle de la vie et de la mort, se transformera en vie éternelle en axe, car il chantera se dit Yashir ישיר qui vient du mot axe יושר.
Rav Itshak Peretz