La presse israélienne n’a jamais autant parlé de la France. Les samedis pour le moins agités sur les Champs-Elysées et aux alentours sont rapportés et commentés. Il semble même que le mouvement ait donné des idées, puisque l’on a vu apparaitre des Gilets Jaunes israéliens. Et nous, Francophones d’Israël, suivons ces événements d’encore plus près.
Afin de comprendre ce mouvement en profondeur, d’en évaluer ses retombées et son avenir éventuel, nous nous sommes adressés à un observateur averti, Yves Mamou. Ancien journaliste au journal Le Monde, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’état de la France et contribue à différents médias avec ses analyses pertinentes et originales.
Le P’tit Hebdo: Dans votre dernier ouvrage, ”Le Grand Abandon. Les élites françaises et l’islamisme”, vous évoquez une révolution par le haut. Les élites chercheraient à imposer à la masse un modèle de société. Le mouvement des Gilets Jaunes peut-il être défini comme une révolution par le bas?
Yves Mamou: Les Gilets Jaunes sont la traduction en France de cette colère qui a saisi le peuple britannique en 2016 et l’a amené à voter le Brexit en signe de réappropriation de son sol et de son autonomie juridique. Cette colère du peuple britannique s’est propagée progressivement aux Etats-Unis (élection de Donald Trump) et à une grande partie de l’Europe (Pologne, Hongrie, Allemagne, Italie, Suède, Danemark…). Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il était bien naturel que cette colère ait une traduction en France.
Dans cette perspective, les Gilets Jaunes ne sont pas une révolution. Ils marquent au contraire une volonté de restauration nationale du peuple français. Si les Gilets Jaunes brandissent le drapeau français et chantent l’hymne national, la Marseillaise, dans toutes leurs manifestations c’est précisément pour protester contre l’invraisemblable relégation dont ils ont été victimes. Pendant près de 40 ans, les gagnants de la mondialisation – « ceux qui sont bien partout » comme dit l’essayiste britannique David Goodhart – ont fait alliance avec un mercenariat musulman importé à grands frais pour organiser la relégation de ceux qui « sont bien là où ils sont nés ».
Les Gilets Jaunes sont les victimes des flux migratoires et de la concurrence organisée sur le marché du travail par cette main-d’œuvre importée massivement d’Afrique du Nord et d’Afrique sub-saharienne. Les Gilets Jaunes vivent loin des grandes villes où est produite l’essentiel de la richesse; ils ne profitent pas des nouvelles technologies et ne comprennent pas le sens de réformes qui, au nom de la compétitivité, leur paraissent sacrifier leur identité nationale en même temps que leurs droits sociaux.
Les Gilets Jaunes marquent le retour sur la scène politique d’une population qui, au nom des droits de l’homme, au nom de l’Union européenne et au nom de la nouvelle division internationale du travail a été reléguée aux marges de la société. Le mouvement des Gilets Jaunes intervient à un moment clé, à un moment où cette opération de relativisation d’une population nationale par l’importation d’une multitude d’autres populations d’origine extra-européenne, allait devenir un fait accompli. Le mouvement des Gilets Jaunes surgit à ce moment précis où la mise en concurrence d’une population d’origine par l’importation d’une population immigrée était sur le point de devenir irréversible.
Lph: Les revendications des Gilets Jaunes sont pourtant très terre à terre. Ils parlent pouvoir d’achat, fin de mois, ras-le-bol fiscal.
Y.M.: La révolte fiscale est terre-à-terre, mais elle a une immense une portée politique. Les Gilets Jaunes disent au pouvoir : « vous ne nous ferez plus les poches impunément » et ce simple blocage fiscal bloque la politique d’assistanat qui a été mise en place pour favoriser l’immigration. Le gouvernement qui a dégrevé d’impôt les riches et les entreprises ne peut plus financer l’immigration qu’en cherchant des marges fiscales dans les revenus de la population Gilet Jaune. Continuer comme le fait le gouvernement, de promouvoir l’immigration sans comprendre qu’il est désormais privé de toute capacité de taxer à l’infini le revenu des Gilets Jaunes est générateur de crise. Laquelle aura des ramifications dans l’ensemble du corps social et jusqu’à Bruxelles.
Il faut bien comprendre que l’immigration repose sur l’assistanat et que cet assistanat « coûte un pognon de dingue » pour reprendre l’expression utilisée une fois par Emmanuel Macron. L’Etat incite les clandestins à venir en France, à déposer un dossier de demande d’asile, et pendant cette période qui va de six mois à un an pendant laquelle il faut instruire les dossiers, les clandestins sont rémunérés, logés et soignés. Entre l’aide médicale d’Etat et l’aide aux demandeurs d’asile (ADA), cela coute aux environs de 2.3 milliards d’euros. La simple prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance des 40 000 mineurs africains et nord africains qui errent sur le territoire national semant violence et désolation coûte plus de 3 milliards d’euros. Sur la seule année 2017, l’immigration a coûté entre 5 et 6 milliards d’euros.
Si l’Etat ne peut plus prendre l’argent dans la poche des Gilets Jaunes, tout l’édifice se lézarde : les communes se révoltent devant cette dépense imprévue, le ministère des Finances refuse d’appliquer la politique du gouvernement, Bruxelles impose des amendes face au déficit budgétaire et la police chargée de faire régner l’ordre est tentée de faire alliance avec cette classe Gilet Jaune d’où elle-même est issue.
Lph: La France est une démocratie. Les élections servent à désigner des représentants du peuple qui votent et prennent des décisions en son nom. En serait-on arrivé à une refonte de ce qu’est la démocratie?
Y.M.: Je trouve remarquable que cette révolte fiscale débouche sur une revendication directement politique comme le droit au Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Les Gilets Jaunes ont une conscience aigüe d’avoir été roulés dans la farine par les représentants qu’ils ont élus démocratiquement. Ils posent le problème de la trahison qui git potentiellement au cœur de la démocratie représentative. Ils ont voté pour des représentants, mais ces représentants une fois élus ont entrepris de mettre leurs électeurs en concurrence sur le territoire national avec des populations venues d’Afrique et du Moyen Orient. Une fois élus, ces mêmes représentants ont voté tous les textes qui permettent de fondre la France et son autonomie juridique dans un ensemble plus vaste qui est l’Union européenne. Une fois élu, Emmanuel Macron s’est senti le droit d’aller signe le Pacte de Marrakech qui institue un droit à l’immigration que l’on soit réfugié ou non.
La démocratie représentative n’est pas un blanc-seing. C’est un contrat. Avec une grande sagesse, les Gilets Jaunes ne proposent pas d’abolir le principe de représentation qui est au cœur de la démocratie. Mais ils veulent introduire des mécanismes de contrôle. Quand un Gilet Jaune a rencontré le premier ministre Edouard Philippe, il a exigé que la rencontre soit filmée et retransmise en direct. Et quand le premier ministre a refusé, le représentant des Gilets Jaunes a quitté la réunion. Le droit au référendum d’initiative citoyenne (RIC) que réclament les Gilets Jaunes est un patch correcteur sur la démocratie représentative. Nous sommes le peuple disent les Gilets Jaunes et nous ne nous laisserons plus déposséder de notre droit à l’autodétermination. Nous voulons pouvoir intervenir pour bloquer une loi qui nous apparait néfaste ou proposer une loi qui réponde à nos aspirations.
Les Gilets Jaunes restaurent le principe constitutionnel du peuple souverain.
Lph: Les Gilets Jaunes au-delà d’un mouvement pour le bien-être économique serait un mouvement qui incarnerait le vote blanc, l’abstention, en un mot la défiance vis-à-vis de la classe politique?
Y.M : Cette période du vote blanc, de l’abstention, du dégoût vis-à-vis de la classe politique me parait aujourd’hui révolue. Le mouvement Gilet Jaune est une révolte politique contre une démocratie dévoyée. Une élite dont les représentants sont interchangeables – certains ont fait semblant d’être de gauche, d’autres ont fait semblant d’être de droite – s’est installée au pouvoir avec la ferme intention d’y rester définitivement. Ces gens qui se croient prédestinés au pouvoir, se considèrent comme les meilleurs, les plus intelligents et ne supportent plus l’alternance qui est le risque inhérent à la démocratie.
Lors d’un récent colloque de la Fondation Konrad Adenauer consacré au « Rôle des parlements nationaux dans la mondialisation », Angela Merkel a déclaré que les parlements nationaux n’avaient plus d’utilité. Elle a proclamé que les nations devaient fondre et disparaître dans cette zone indéfinie qui porte le nom d’Union européenne. Elle a ajouté que les parlements nationaux devaient renoncer à leur rôle de législateur de la nation et que le pouvoir devait être exercé par une élite supranationale non élue.
Les dirigeants comme Merkel et Macron interprètent la persistance d’une identité nationale comme une conspiration manipulée de l’extérieur. Quand leurs peuples les contestent, ces dirigeants affirment que les peuples ne pensent pas et qu’ils ont été trompés par des fake news. La tentation de ces élites est donc de supprimer le peuple, c’est-à-dire de supprimer les institutions qui donnent au peuple le droit de changer ses dirigeants. Pour Merkel, pour Macron, la suppression de la démocratie est la meilleure solution pour faire le bonheur du peuple malgré lui.
Lph: Que pensez-vous des annonces faites par le président Emmanuel Macron ?
Y.M.: Pour le moment, le Président Macron distribue l’aumône à la manière de Marie-Antoinette jetant des brioches au peuple affamé. Mais ces tentatives d’éteindre l’incendie génèrent des révoltes au sein de l’appareil d’Etat. Le ministère des Finances se dit incapable de financer ces dépenses imprévues. La police est en colère et réclame une juste rémunération des heures supplémentaires non payées. Un récent sondage publié par le journal La Tribune (18 décembre) a indiqué que 65% des chefs d’entreprise soutenaient les Gilets jaunes contre 66% chez les Français. Un quarteron de généraux en retraite a accusé le président de “trahison” pour avoir apposé sa signature au bas du Pacte de Marrakech qui fait de l’immigration un droit de l’homme Dans certains endroits, on voit les CRS rejoindre les Gilets Jaunes. Bref, l’évènement Gilet Jaune a un caractère disruptif sur l’ensemble de la structure sociale et politique Tout ceci mis bout à bout donne une crise de régime d’une ampleur inusitée.
Le gouvernement ne donne pas l’impression qu’il analyse le naufrage qui est le sien. Il agit comme s’il était aux prises avec une crise passagère. Ainsi, le 10 décembre, le Président Macron a annoncé une grande consultation populaire, notamment sur l’immigration. Il a dit : « Je veux aussi que nous mettions d’accord la Nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter.” Quelle est cette “identité profonde” qu’il faudrait “affronter” comme une réalité peut-être déplaisante ? Pour ma part, je l’analyse ainsi : les Français n’auraient pas le sentiment, dit le Président, que quarante ans d’immigration continue de populations d’origine extra-européenne ont modifié en profondeur la démographie française. Il serait temps que les Français comprennent qu’ils sont devenus une société multi-ethnique et communautarisée à l’anglo-saxonne où la population d’origine n’a aucune prépondérance ni priorité par rapport aux populations récemment arrivées.
Si mon interprétation est juste, la “prise de conscience” proposée par Emmanuel Macron revenait à allumer un bâton de dynamite. Que ce “débat sur l’immigration” ait été évacué le lendemain même du jour où il a été annoncé, montre qu’il existe encore des gens raisonnables dans les palais de la République.
Lph: Le déni dans lequel se trouvent les classe médiatique et politique face à ces problèmes, comme on a pu le voir avec l’attentat à Strasbourg, est-il aussi un des travers que les Gilets Jaunes mettraient en lumière?
Y.M.: L’attentat islamiste de Strasbourg est venu opportunément rappeler que l’islamisation de l’immigration musulmane représente un risque sécuritaire permanent. Cet attentat aurait forcément influé sur le « débat sur l’immigration » que le Président Macron souhaitait impulser. Néanmoins, à cette occasion, nous avons vécu un moment exceptionnel de télévision. La chaîne publique France 2 est allée interviewer les parents du terroriste islamiste de Strasbourg, Chérif Chekatt. Les journalistes sont allés voir cette famille pour leur poser les questions traditionnelles : que s’est-il passé ? Pourquoi votre fils est-il devenu un tueur, etc. ?
Et au lieu de voir un père éploré, les téléspectateurs ont découvert un salafiste tranquille qui se teint la barbe au henné pour ressembler au Prophète, une mère voilée qui parle à peine le français après trente ans de présence en France, un intérieur délabré non par pauvreté mais par refus de s’installer commodément dans la société française… bref, les journalistes ont présenté le chef d’une cellule islamiste comme un chef de famille « normal ». Cette famille vit de l’aide sociale, affiche son refus d’intégration au sein de la société française et les Français ont ressenti confusément qu’ils payaient des impôts pour entretenir un ennemi intérieur. La famille Chekatt incarne à merveille cette frange croissante de la contre société islamique qui porte atteinte aujourd’hui à la sécurité des populations d’Europe de l’ouest.
Cette famille Chekatt est-elle cette « réalité profonde » de l’identité française dont le président Macron cherche à nous convaincre qu’il faudrait s’en accommoder ? Il serait intéressant de lui poser la question.
Lph: Pensez-vous alors que le mouvement Gilet Jaune peut ou doit évoluer en constituant une liste aux prochaines élections européennes, en entrant vraiment dans le jeu politique?
Y.M.: Je me garderai bien de jouer au conseiller politique. Je trouve déjà très difficile de comprendre l’évènement au moment où il se produit. Aucun parti politique n’est capable aujourd’hui de relayer la contestation. Et la défiance des Gilets Jaunes envers toute forme de représentation bloque l’émergence d’une forme ou une autre d’Etat-major politique. Nous sommes face à une situation bloquée. Le gouvernement actuel perd chaque jour en légitimité, mais les Gilets Jaunes ont une parole brouillée par une multitude de revendications, dont certaines sont fondamentales.
Nous verrons ! L’avenir s’écrit au jour le jour, et l’Histoire va tellement vite en Europe aujourd’hui qu’il serait hasardeux de se livrer à des prévisions.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Le peuple est souverain uniquement avec son bulletin de vote. Ensuite ce sont leurs représentants qui gèrent et décident. Que peut comprendre le français moyen qui n’a même pas le baccalauréat à l’économie mondiale, à l’astronomie, au réchauffement climatique, à la gestion des centrales nucléaires, aux accords politiques, aux traités internationaux etc.. RIEN BIEN SUR. Il ne comprend que sa situation de fin de mois, son loyer à payer, son emploi etc…
Donc peuple ignorant SOUVERAIN il y a de quoi être très inquiet. Si la situation dépasse ceux qui savent alors pour les autres!!!