A la fin de la Paracha de Noa’h, D. annonce qu’un déluge tel que celui qui vient de détruire le monde ne se reproduira plus. Et Il donne un signe visible, l’arc-en-ciel qui apparaîtra dans les nuages de temps en temps (Bereshit 9,13).
En général, quand on veut assurer la mémoire d’un événement, on choisit un objet concret: monument, plaque commémorative, ou autre. Parfois, on veut marquer la signature d’un accord, comme la stèle de Lavan au moment de quitter Yaacov, après une poursuite plutôt agressive (Bereshit 31,52). Mais là, un arc-en-ciel?
Un monument est destiné à durer, et un arc-en-ciel est provisoire. De plus, ce dernier n’a pas de réalité matérielle, à la limite on peut dire qu’il n’existe pas. C’est un pur phénomène optique.
La lumière visible est un cas particulier de radiation électromagnétique, comme les rayons X, les rayons infrarouges ou les ultraviolets ou les ondes radio. Ce qui différencie les uns des autres est leur longueur d’onde. Le spectre visible est constitué d’un tout petit segment de longueurs d’ondes, les couleurs étant fixées par les longueurs d’onde. Nous ne voyons pas les infrarouges, mais ils nous chauffent. Les pigeons voient les infrarouges. Les ultraviolets nous font frire la peau dans sa graisse (on appelle ça bronzer). L’atmosphère terrestre laisse passer une certaine partie de la lumière solaire: la lumière visible, les ondes radio, mais elle arrête la plupart des ultraviolets, sans quoi la vie que nous connaissons serait impossible sur Terre. A 613 nanomètres, nous avons le bleu azur des tsitsiot.
Faisons maintenant une expérience: plongeons un bâton dans un seau d’eau. Nous voyons le bâton « cassé ». C’est dû à une phénomène appelé réfraction : selon la nature des deux milieux traversés par la lumière, les rayons lumineux sont détournés, d’un ange dépendant des deux milieux concernés : air et verre, air et eau, etc. L’angle de réfraction dépend aussi de la longueur d’onde du rayonnement.
La lumière blanche contient toutes les longueurs d’onde visibles. Celles-ci sont séparées par réfraction. L’interface entre l’air et l’eau des gouttes formant un nuage sépare les couleurs par réfraction, créant (dans certaines conditions) un arc-en-ciel. Celui-ci est courbé car les interfaces le sont.
Un arc-en-ciel est donc un phénomène optique. Pour le voir, il faut réunir certaines conditions. Tout d’abord, il n’y a pas d’arc-en-ciel nocturne. D’autre part, une configuration géométrique bien précise soleil-nuages-observateur est nécessaire. Vous voyez un arc-en-ciel depuis un certain point, mais déplacez-vous et il pourra disparaître.
En quoi est-ce un signe, malgré son intangibilité? En fait, le Maître du monde envoie un signal (pas vraiment un jeu de mots, nous touchons au cœur de la question). Pour capter ce signal, il faut être placé de façon adéquate, et aussi être prêt à capter ce signal.
D. veut le dialogue avec l’homme. Encore faut-il que ce dernier le veuille aussi. La génération du déluge ne le voulait pas. Celle de la tour de Babel en voulait un, plutôt d’opposition et d’agression. Ce dialogue va commencer à s’établir avec Avraham. Tout d’abord un dialogue qui n’en est pas vraiment un: quand D. ordonne à Avraham de quitter le lieu de sa naissance, où il a vécu et œuvré pendant 72 ans, celui-ci essaie d’obéir et de partir seul, tout en prenant avec lui malgré tout les habitants de Our. Petit à petit, le dialogue s’établit mieux et s’affermit. Avant de détruire Sodome, D. indique à Avraham Sa volonté de communication; le plaidoyer-négociation pour Sodome prend alors place. Et ce n’est pas fini.
Après le déluge, D. a choisi d’envoyer un signal optique. Le lendemain de la destruction de Sodome, Avraham « observe » dans la direction de la ville. La lumière véhicule l’information que D. veut transmettre. Encore faut-il bien se placer pour la capter.
Les couleurs de l’arc-en-ciel indiquent que chacun peut suivre sa propre voie, dans un cadre général défini par D. Un signal visuel est plus calme qu’un signal sonore, mais il est possible de le capter de bien plus loin. Comme à la fin des temps: « ce jour-là », un signal sera visible (des fanions), puis sera audible (Chofar). On commence à capter de loin, et plus tard on commence à entendre.