Pour parler de la mission très spéciale que remplissent les chiens guides d’aveugles, nous avons fait la connaissance de Daniel Attal, aveugle depuis une douzaine d’années. Daniel est kinésithérapeute à Netanya, et continue à exercer sa profession malgré son handicap ; il forme même des étudiants. Il est toujours accompagné par son chien, un labrador, et fait partie du Centre de chiens guides pour aveugles en Israël situé près de Rehovot. Il nous emmène à la découverte de ces chiens pas comme les autres.
Une sélection très sévère
« Être un chien guide pour aveugle n’est pas de tout repos. Le chien doit fournir un travail physique très intense, être capable de se concentrer sans relâche, être toujours aux aguets. Il doit pouvoir rester calme et avoir une bonne dose de courage », explique Daniel. Les races les plus aptes à remplir la mission sont les labradors et les goldens. Seuls six chiots sur dix sont sélectionnés pour être des chiens guides.
Ces chiens suivent un dressage très particulier dans l’enceinte du Centre de chiens guides pour aveugles. « Les chiens que nous formons proviennent pour la plupart de notre élevage de chiots, bien que certains soient généreusement donnés par des membres de la Fédération Internationale du Chien Guide. Les chiots sont sevrés et confiés aux familles d’accueil à l’âge de 2 mois pour une période d’environ 10 mois. On trouve des familles d’accueil sur l’ensemble du territoire israélien, y compris des étudiants de différentes universités. Pendant cette période les chiots apprendront tout ce qu’un chien « bien élevé » doit savoir faire ainsi que les bases nécessaires à l’apprentissage de leur futur « métier ». Ils seront aussi confrontés à un maximum de situations différentes : être exposés au trafic, rester assis calmement pendant un certain temps, rencontrer de nouvelles personnes, aller au travail, faire les magasins ou aller au supermarché, rendre visite à des amis ou aller au restaurant, voyager en bus et en train. Les familles d’accueil investissent du temps, des efforts, de l’amour, des soins, et enseignent aux chiots à socialiser : le côté droit et le côté gauche, le bien et le mal, tandis que le Centre prend en charge la nourriture, les soins vétérinaires et le suivi à domicile. À l’âge d’un an les chiens sont testés pour évaluer leurs aptitudes en tant que Chiens guides. Ceux sélectionnés resteront au Centre pour y être éduqués pendant cinq mois ».
Un couple sur-mesure
Au terme de la phase de dressage le chien est attribué à un aveugle mais pas au hasard. « Chaque aveugle ne peut pas avoir le même chien », explique Daniel, « moi, par exemple, je mesure 1,85m et je pèse 75 kg. Je marche vite. Mon chien pèse 40 kg et est un mâle. En effet, il doit être capable de marcher à mon rythme mais aussi de me freiner en cas de danger ». Ainsi, chaque aveugle passe une phase de formation sur place, au Centre avec le chien qui lui est attribué. Pendant trois semaines la personne apprend à « conduire » son chien. Une fois le lien créé, un suivi à domicile est encore exercé pendant deux semaines. « Le centre reste toujours joignable pour toute question ou problème. Un dresseur se déplace s’il le faut », explique Daniel. Comme le travail est très physique, un chien ne peut pas être guide d’aveugle plus de 10 ans. À ce moment-là l’aveugle reçoit un nouveau chien.
Le pilote
« Mon chien est le pilote et je suis le co-pilote », affirme Daniel. En effet, le chien va éviter les obstacles, les flaques, tout ce qui peut se mettre en travers de la route du non-voyant. « Je lui indique la direction à prendre – droite, gauche, tout droit. Si je lui dis « porte », alors il m’amènera jusqu’à la poignée de la porte. Si je lui dis « escalier », il me conduira jusqu’aux escaliers ». Il sait aussi qu’il faut rejoindre un passage piéton pour traverser, mais ne prendra alors aucune initiative. « Les feux de signalisation sont difficiles à décrypter pour lui, il y a beaucoup d’autres signaux lumineux dans la rue susceptibles de l’induire en erreur », explique Daniel, « donc il amène jusqu’au passage clouté et attend qu’on lui donne l’ordre d’avancer ». Là intervient toute l’intelligence du chien guide puisque celui-ci doit être capable de refuser l’ordre si une voiture arrive. Cette capacité à refuser doit être toujours présente, il doit être capable de ne pas s’exécuter si le moindre danger surgit.
« Je sens alors que le chien me fait prendre un détour, mais je ne sais pas ce que l’on a évité », ajoute Daniel. Le chien a de telles compétences qu’il est même capable d’évaluer les obstacles en hauteur et ne fera pas passer son maître dessous s’il est trop bas pour lui. « Cette capacité est plus difficile à apprendre pour le chien, mais il peut y arriver ». La confiance de l’aveugle envers son chien est totale : « il ne ment jamais », a pu constater Daniel. « Si un jour il se mettait à me parler, cela ne m’étonnerait même pas », sourit Daniel.
Un outil indispensable
Le chien est devenu un indispensable pour tout non-voyant. En effet, Daniel explique qu’il présente des avantages considérables sur la canne blanche : « Quand on marche avec une canne, il faut rencontrer l’obstacle pour en être conscient et le contourner. Le chien le voit venir. On marche beaucoup plus vite ».
À vrai dire, chaque non-voyant devrait pouvoir posséder un chien guide. Le Centre de chiens guides pour aveugles d’Israël est le seul Centre accrédité au Moyen-Orient remettant des chiens guides – gratuitement – aux personnes aveugles et malvoyantes en Israël. Le coût total d’un chien guide, depuis sa naissance, sa formation, le suivi du binôme et jusqu’à sa mise en retraite est de 25000$. Cependant les coûts réels sont deux fois plus élevés. Pour bénéficier d’un chien guide il faut avoir une déficience visuelle évoluée, ce qui signifie que l’on ne doit pas obligatoirement être totalement aveugle. Par ailleurs, comme « conduire » un chien de ce type requiert une certaine rigueur, une certaine discipline, seules les personnes mal ou non-voyantes de plus de 17 ans peuvent prétendre à en recevoir un. Mais, faute de moyens, pour 23000 non-voyants recensés en Israël, il n’y a que 220 chiens guides. « Une structure comme le Centre de chiens guides pour aveugles est très importante », souligne Daniel.
Pour une meilleure intégration dans la société
S’il est important de soutenir le Centre de chiens guides pour aveugles c’est aussi parce qu’il permet, grâce à son action, aux personnes non-voyantes de maintenir une vie sociale. Daniel reconnaît qu’il y a encore des progrès à faire pour que les aveugles soient mieux intégrés socialement. Mais de son point de vue, en Israël, il y a une relation très belle aux handicapés. « Je suis très rassuré ici, je sais qu’il y aura toujours quelqu’un pour m’aider si je suis en difficulté. Dans le supermarché où j’ai l’habitude de faire mes courses je me suis présenté la première fois et depuis, chaque fois, une personne du magasin m’assiste dans mes achats. Nous ne devons pas avoir honte, le gens aiment qu’on leur demande de l’aide, la plupart du temps ils ne demandent qu’à aider mais ne savent pas comment. Les gens nous acceptent à condition que nous nous acceptions nous-mêmes ». Et Daniel est un exemple de dynamisme et de joie de vivre : « la vie vaut le coup d’être vécue. C’est une merveille » !
Pour aller plus loin :
Israel Guide Dog Center for the Blind
Ha’Sadot 6
Beit Oved 7680000, ISRAEL
Tél : +972-8-940-8213
Email : [email protected]
Guitel Ben-Ishay