Résumé épisode 8 :
Un drone militaire vient chercher Moïse sur une plage près de Tel-Aviv. Très réticent au début, Moïse finit par accepter de monter dans l’engin. Le pilote conduit le Kiboutznik en survolant la ville blanche. Arrivé à l’appartement de David, Noah annonce à Moïse que son ami a été enlevé.
B’Ezrat Hashem
Park Tzameret, Tel-Aviv, appartement de David, 14h
Moïse est assis sur le canapé du salon. Il reste fixe, sans rien dire, comme s’il s’attendait à ce que David sorte de la cuisine pour lui servir une infusion. Mécaniquement, il caresse le chat. Le félin ronronne à tout rompre.
– Tu es vraiment très bon public, dit Moïse d’un ton monocorde, en lui chatouillant la moustache.
Se sentant encouragé, le chat vient se lover contre son oreille. Moïse attend les explications de Noah. Il est impassible, en apparence. Ceux qui le connaissent savent que le volcan est en ébullition. Ils devinent cette douleur, cette démesure, cette folie sourde qui gronde en lui, prête à entrer en éruption à tout moment. « Moïse le gentil Kiboutznik », une façade ? Un leurre ? Sous l’apparente force tranquille « Moïse le protecteur » n’est jamais loin. David enlevé, ce n’est pas envisageable. On ne touche pas à sa tribu. Le ronronnement du chat monte en intensité. Les chats ressentent l’anxiété.
Moïse plisse les yeux. Il cherche du regard l’écran du téléphone portable de Noah. La jeune femme qui semble excédée, envoie et reçoit des messages, souffle à cadence régulière, au rythme des bips de notifications. Elle a un chignon et une mèche qui tombe. Elle remonte la mèche de ses cheveux dans un mouvement circulaire et souffle à nouveau. « Bip ». « Pffffff…. »
– Vous pourriez-faire votre truc ?
– Mon truc ? demande Moïse.
– Oui, votre truc avec les langues ? Il parait que vous êtes un dictionnaire universel, dit Noah en le questionnant de son regard bleu-vert. Moïse sait que des propos aussi anodins, n’ont rien d’innocent dans le contexte. « Je gère l’affaire de David », semble dire l’agent du Mossad. Moïse marque un temps. Son expression corporelle semble dire : « Ça ne va pas me suffire » mais son propos est différent :
– De quoi avez-vous besoin ?
– Vous parlez turc ?
– Oui.
– Logique c’est une langue arabe.
– « Ouralo-altaïques » comme le hongrois et le japonais, avec du perse et de l’arabe.
– Vous parlez combien de langues ?
– Vous comptez me donner des nouvelles de David ? demande Moïse, bientôt ?
– Combien parlez-vous de langues ? Répète plus doucement Noah. Elle est presque souriante.
– Une soixantaine, les autres je les devine.
– Vous êtes une sorte d’autiste ? demande Noah.
– De quoi avez-vous besoin ?
– J’ai un problème de réservation dans un hôtel à Ankara.
– Il n’y a pas de cours d’anglais au Mossad ? ironise froidement Moïse.
– Nous avons besoin de trois chambres, donnant sur la rue. Ils ne parlent pas anglais.
– Pourquoi cet hôtel ? demande Moïse.
– La mission,… Noah hésite,… la mission exige de voir ce qui se passe dans la rue.
– Un rapport avec David ?
– Ken !
– Notez les informations et appelez.
Noah va dans la cuisine et revient avec un bloc de papier et un stylo. Elle écrit, tend la feuille de papier à Moïse et compose un numéro.
Moïse inspire. Merhaba, Madame Benhamou adına bir rezervasyonunuz var. Evet, bu o. 3 yatak odasının da sokağa bakması gerekiyor. Bu iyi ? Çok teşekkür ederim.
Moïse rend son téléphone à Noah.
– C’est bon. Ils vont vous confirmer par e-mail.
Noah se lève.
– Je vous dirais tout pour David, quand je reviens.
– Vous plaisantez ?
– Vous êtes en danger. S’ils vous prennent… vous ne devez rien savoir !
– Oy Vaï ! Que se passe-t-il enfin ?
– David a été enlevé et vous devez rester dans cet appartement jusqu’à mon retour.
– Je suis prisonnier du Mossad ? S’exclame Moïse.
– Je vous protège, je protège David et je protège nos autres agents.
– Je ne peux pas…
– Vous devez ! L’interrompt Noah. Vous ne bougez pas d’ici tant que vous n’avez pas de mes nouvelles.
– Vous allez le libérer ?
– Attendez mon appel.
– Allez-vous le libérer ?
– B’Ezrat Hashem, répond Noah.
– B’Ezrat Hashem, répète doucement Moïse. Si le divin et le Mossad n’y arrivent pas, je m’en chargerai.
Noah accueille avec surprise la dernière réponse de Moïse. Elle sort de l’appartement puis ferme à clef derrière elle, enfermant Moïse dans l’appartement.
Moïse a toujours le chat dans les bras. Il se dirige vers la fenêtre, regarde, revient vers le canapé, pose le chat et compose un numéro sur son téléphone.
– Shalom Dora, ma nishma ?
– Shalom Moïse, be-seder. Ve ata ? répond Dora.
– David a été enlevé.
– Ohhhhh ! Des terroristes ?
– Peut-être…
– Ben kélèv ! lance violemment Dora. Comment ?
– Je ne peux pas te répondre.
– Mais Pourquoi ?
– Je n’en sais pas davantage.
– Mais comment ? Questionne à nouveau Dora.
– Je ne sais vraiment rien, dit Moïse qui visiblement excédé.
– Tu sais quelque chose tout de même ?
– Bon Dora… Pourrais-tu me rendre un service ?
– Moïse ? C’est possible de retirer le téléphone de ton oreille ?
– Pardon ?
– Tu me téléphones en vidéo.
– Oy Vaï ! dit Moïse en regardant son téléphone. Dora lui fait un signe de la main. Moïse pose le téléphone sur la table, en l’appuyant sur un verre. Il croise les bras et s’enfonce dans le canapé.
– Tu parlais d’un service ? demande Dora.
– Ken. Il faudrait que tu prennes contact avec ton frère.
Dora ne répond pas.
– Il est toujours en poste à Netanya ?
– mmmhm, marmonne Dora.
– écoute je sais que c’est difficile…
– C’est rien de le dire ! Siffle Dora.
– Je sais. Mais c’est en rapport avec l’expulsion.
– Tu as du nouveau ?
– David pense qu’il y a une arnaque, il devait vérifier, répond Moïse.
– Mon frère…
– Dora, ton frère est policier.
– Oui mais je ne lui ai plus parlé depuis des années, se désole Dora.
– Regarde sur le papier d’expulsion les coordonnées de l’entreprise.
– D’accord je m‘en occupe. Et pour David ? Ils vont le retrouver ?
– B’Ezrat Hashem, répond Moïse.
– B’Ezrat Hashem, répète Dora
– Je te rappelle, dit Moïse en coupant le téléphone.
Moïse caresse le chat, prend la télécommande sur la table et allume la télévision. Il passe d’une chaîne d’information à l’autre et s’arrête sur un reportage. Le présentateur montre la photo de sept personnes. Il explique que l’agence de renseignement turque MIT a affirmé qu’après des mois de surveillance, elle avait démantelé un réseau fantôme de 56 agents, opérant en Turquie, au service du Mossad. Sept agents auraient été arrêtés et avoué les faits qui leur étaient reprochés. Les autorités turques pensent que les agents sont affiliés à neuf différentes structures sous le contrôle du Mossad, basé à Tel-Aviv, et opéraient dans différents pays.
Moïse change de chaîne et s’arrête sur autre reportage qui parle du démantèlement de la cellule du Mossad. Moïse voit une vidéo turque assez floue. Le journaliste explique que les agents du Mossad suivaient des étrangers à Ankara, en pistant leurs véhicules avec des balises GPS, des filatures et du piratage de site.
Les agents du Mossad seraient des arabes, israéliens et palestiniens, formés par le Mossad en Corse, d’après les autorités turques. Les renseignements turcs ont également révélé que les agents étaient envoyés depuis Ankara et Istanbul vers des pays comme la Syrie et le Liban pour recueillir des informations. Le chef du réseau israélien serait un certain Jonathan Abner, toujours en fuite.
Moïse réfléchit.
(flashback)
Trois enfants marchent dans un souterrain, deux garçons et une fille. Moïse, 15 ans, ouvre la voie avec une torche, suivie par Dora et David.
– C’est quoi ton nom d’espion, demande Dora en chuchotant.
– Mon nom d’espion ? Je ne sais pas et toi ?
– Moi Yolla !
– Qui ?
– Yolla… comme Yolanta Reitman, l’espionne.
– Moi je suis Jonathan Abner !
– C’est un espion ? Demande Dora en chuchotant.
Moïse écoute. Il cherche son chemin dans l’obscurité.
– Non c’est moi l’inventeur. Les trois chefs de l’armée de Samuel étaient son fils Jonathan, le général Abner et David qui dirigeait les gardes.
– Oui ce serait idiot que tu t’appelles David en espion, dit Dora en riant.
Moïse rappelle ses amis à l’ordre : – Chuuuutttt….
– On ne « chut » pas Jonathan Abner ! dit David en se saisissant de la torche.
Moïse tente de lui reprendre le bâton enflammé, en vain.
– Arrêtez ! J’entends du bruit ! lance Dora en tirant David et Moïse par le bras.
Moïse et David s’immobilisent. Moïse prend la torche et l’éteint dans une flaque d’eau. Les trois orphelins se serrent les uns contre les autres derrière une arrête rocheuse. Une faible lumière bleue éclaire le tunnel. Des pas résonnent d’un mur à l’autre comme une boule de billard. Quelqu’un vient dans leur direction. La démarche est légère, élastique mais pas moins menaçante. Les enfants retiennent leur respiration quand la personne s’arrête à leur hauteur.
– Où vous êtes ? Interroge l’intrus d’une voix fluette.
Dora lève la tête.
– Ohhhh vous êtes où ?
Dora et les garçons sortent de leur cachette.
– Je vous avait vu.
– Shoshana qu’est-ce que tu fais ici ?
– J’ai faim, répond la fillette de huit ans.
– On cherche à manger. Mais qu’est-ce que tu fais ici ? demande à nouveau Dora
– Je vous ai suivi. Et après comme il y avait des militaires, je suis descendu.
– Il y a des militaires, demande Moïse.
– Ken, il y a même un camp, confirme Shoshana.
– Montre-nous, dit Moïse.
David s’interpose : – Tu es fou ? Ils vont nous trucider.
– Nous sommes quinze et il n’y a plus à manger, dit Moïse, ajoutant, il faut y aller.
Moïse donne la main à Shoshana, qui saute d’un pied sur l’autre.
– chuuuutttt ou je te livre à Jonathan Abner ! dit Moïse à la fillette.
– C’est qui ?
Moïse pointe son doigt vers David. Shoshana se met à rire : – Même pas peur.
– Chuuuutttt !
Shoshana guide le groupe jusqu’à un camp militaire. Les enfants restent un moment, dissimulés derrière des buissons. Moïse et David ne quittent pas le camp des yeux. Il semble relativement vide. Des hommes habillés de tenues kakis s’affairent autour d’une quinzaine de tentes de couleur terne, avec des motifs de camouflage. Certaines sont plus grandes et servent probablement de zones communes. À proximité des tentes, les enfants voient des soldats au repos. Ils remarquent le scintillement du métal des armes à feu, reflétant la lumière du soleil à travers les arbres.
Deux militaires s’approchent des enfants. Ils ont des gants noirs et un fusil à la main. Moïse écoute attentivement. Un des hommes dit à l’autre : – C’est l’histoire d’un déséquilibré qui entre dans un magasin avec un couteau et qui crie, Dieu est Grand. Le marchand juif lui répond : ne vous inquiétez pas, nous faisons des grandes tailles !
Moïse sourit. Les deux hommes rient bruyamment. Ils s’éloignent vers l’extérieur du camp.
David regarde Moïse et lui dit à voix basse : – Tu as fait ton truc ?
– Quoi ?
– Ils parlaient quelle langue ?
– Je ne sais pas.
– mais tu as compris ce qu’ils ont dit ?
– Ken. Regarde ça, dit Moïse en montrant une caisse.
– C’est quoi ?
– De la nourriture, attendez-moi là.
Moïse sort du buisson et se faufile derrière les tentes, attrape un sac en toile vide et se dirige subrepticement vers la caisse. Il reste quelques secondes derrière la tente, puis s’approche de la caisse qui est ouverte. Il remplit le sac avec des petites boites en métal et balance le sac sur son dos. Plié en deux, il s’éloigne à pas lents. Les trois enfants retiennent leur souffle. Arrivé à hauteur du buisson, David attrape un coin du sac et ils se mettent à courir en direction du tunnel.
Bruit sourd.
Moïse émerge de son souvenir. Il entend un bruit dans la porte. Sans doute Noah qui revient lui donner une information. La porte s’ouvre, un homme entre.
– Qui êtes-vous ? Demande Moïse.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY ».
https://www.facebook.com/les.aventures.extraordinaires.de.Moise.Levy
Résumé des premiers épisodes : https://moiselevy.fr/2023/07/06/resume-des-7-premiers-episodes/