Résumé épisode 6 :
Moïse décide de vendre ses bougies au Shuk HaCarmel. C’est là qu’il fait la rencontre de Dov, un garçon de 17 ans avec un sens aigu du commerce. C’est lui qui vend les bougies de Moïse à Jean-Marc, un maître-cirier. Moïse invite Dov au restaurant mais se rend compte qu’il n’a plus son téléphone, celui que lui a confié le Mossad.
Les mariés de l’an 2100
Une plage non loin du centre de Tel-Aviv vers midi
Moïse pieds nus, marche sur le sable fin et chaud. Il voit Nikita assise sur une chaise pliante, identique à celle des producteurs de cinéma. Sa peau claire est protégée par un des quatre parasols géants, d’un vert chatoyant. Il voit Moïse et l’interpelle : – Karagül, vient !
Moïse mesure la distance qui le sépare des parasols. Plantés côte à côte, ils forment un mur de protection ombragé contre les morsures frénétiques du soleil. Une goutte de sueur perle sur la tempe de Moïse, glisse sur sa joue et vient se perdre dans la jungle de sa barbe blanche. En marchant, il regarde un couple de jeunes mariés assis sur un banc en bois, sous le premier parasol. Pantalon noir, bretelle et nœud papillon assorti, chemise blanche, traits fins, regard malicieux, le marié est l’incarnation du gendre idéal. Sa jeune épouse semble plus sophistiquée, même s’ils exercent visiblement la même profession de mannequins.
La mariée hurle : – Je n’ai jamais donné mon accord pour un shooting avec un monstre pareil !
Moïse dévisage la jeune femme. Il est subjugué par sa beauté. Vêtue d’une tenue immaculée, elle semble appartenir à une autre époque. Sa chevelure blonde, attachée en chignon, cascade en de délicieuses ondulations autour de son visage. Ses sourcils légèrement arqués soulignent son regard azur, tandis que ses lèvres rosées, légèrement ourlées, évoquent un doux sourire. Ses épaules délicates sont mises en valeur par le décolleté de la robe, ajoutant une touche de sensualité subtile.
Autour des mariés s’affairent trois jeunes hommes, vraisemblablement les assistants de Nikita. Moïse les observe tour à tour. Le premier accroche une housse sur un portant, sans doute une veste de costume, le second semble préoccupé par le matériel photo qu’il contrôle avec soin, et le dernier maquille la jeune femme, enfin il essaye.
– Vous tournez une publicité contre le dérèglement climatique et vous violez toutes les lois de la nature ! Se déchaîne la mariée, en gesticulant.
L’assistant murmure quelques mots. La mariée hurle : – Vous croyez me faire peur ? Vous voulez avoir à faire à mon avocat ?
L’assistant semble désespéré. Nikita observe son désarroi et ne réagis pas. La mariée vocifère et grimace. Moïse la trouve moins gracieuse à présent.
– Saboteur ! Greenwasher ! C’est à cause de gens comme vous que l’on ne va plus avoir d’eau en Israël.
L’assistant murmure. Moïse ne l’entend pas. En revanche la réponse de la mariée est très claire : – Vous croyez quoi ? Ce n’est pas parce que je suis écolo que je ne suis pas une pro. On va le faire ce shooting.
Nikita ne semble pas prêter attention aux hurlements. Il relève à plusieurs reprises ses lunettes de soleil, vert-aviateur et sourit en observant ses assistants. Ils sont vêtus de simples caleçons. Incroyablement identiques, on dirait des triplés. Androgynes, des corps ciselés, muscles saillants, épaules larges semblables à des colonnes de marbre qui encadrent des bras puissants, teint olive harmonieusement doré avec des nuances de brun et de bronze, cheveux courts et barbe fine. Moïse continue sa progression sur le sable chaud. Il avance à pas lent vers Nikita en l’observant. Vêtu d’un pantalon bleu et d’une chemise hawaïenne bleu-rose-jaune, le photographe apporte des points de couleur à la scène. Dans l’eau, à un pas du bord, a été installé une table avec des nappes rouges qui barbotent dans la Méditerranée, encadrées par deux chaises en bois. Le soleil tape sur les dossiers et éblouissent Moïse qui détourne le regard. Sur la table, il aperçoit divers objets vintages, une horloge, un téléphone, un miroir et des journaux d’un autre temps.
Moïse rejoint enfin Nikita : – la sortie d’Égypte ce n’est rien.
– Tu te rends compte ? Si nos ancêtres avaient marché 10 ans de plus, nous serions à Athènes à l’heure qu’il est.
– Ou en Iran.
– mmmhmm, met toi à l’aise Karagül, dit le photographe en désignant une serviette de plage.
Moïse pose ses chaussures près de la serviette mais reste debout, en s’appuyant sur le pied du parasol.
– Mes assistants, ce sont des Druzes, dit Nikita en regardant les 3 jeunes hommes : – ils sont beaux. Le marié est Loubavitch, le fils d’un Rabbi…
– Tu essaies de pervertir toute la jeunesse pieuse de Tel Aviv ? questionne Moïse.
– Le Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson a dit : quand on s’impose des restrictions que la Torah n’a pas exigées, on finit par commettre des actes que la Torah interdit.
– tu voulais juste placer une citation du Rabbi de Loubavitch ?
– ohhh elle est féroce Karagül, dit Nikita en mimant un félin qui griffe.
– Et la mariée ? C’est la fille de quel représentant religieux ? demande Moïse.
– La Yekke ? Ne m’en parle pas, c’est LA star. Elle me coûte, presque plus cher que Golda Meir.
– Golda Meir ?
– Oui Golda Meir, répond Nikita en regardant vers un arbre sur sa gauche à une vingtaine de mètres.
Moïse tourne la tête et découvre la plus improbable des créatures : – Oy Vaï !
Le Kiboutznik ne cherche pas à dissimuler sa stupéfaction. Il ouvre grand les yeux et découvre le monstre : griffes effilées comme des lames de lune, un corps massif recouvert d’écailles rugueuses, une tête large, une mâchoire puissante équipée d’un arsenal de dents acérées, une longue queue truffée de pointes menaçantes, un guerrier d’un autre âge, un dinosaure, assoupit à l’ombre d’un palmier-dattier. Une chaîne métallique le retient par le cou à l’arbre, au moins en apparence. Moïse n’en revient pas.
– c’est quoi ce lézard ?
– Golda Meir, un dragon de Komodo… pour mon shooting.
– Un shooting ? s’exclame Moïse.
– Oui pour une publicité sur le thème du climat : les mariés de l’an 2100.
Moïse est stupéfait : – C’est insensé !
– Merci, c’est gentil Karagül.
– et dans l’eau ? demande Moïse en regardant la table.
– c’est une idée de Simon Kofé, le ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Tuvalu. Pendant la Cop 26, il a fait un discours dans l’eau pour interpeller les dirigeants du monde sur les conséquences du réchauffement climatique.
Un des assistants s’approche de Nikita et lui tend un appareil photo. Nikita l’inspecte.
– Ça se trouves où Tuvalu ? demande l’assistant.
– île Pacifique. Ne cherche pas le pays va disparaître.
– Disparaître ?
– Comme l’Atlantide.
– Quand ? demande le Druze.
– 2100.
Nikita fait un signe de tête à l’assistant et lui tend l’appareil photo. Ce dernier repart, dépose l’appareil dans une sacoche et s’empare d’un autre appareil.
Moïse ne s’est toujours pas remis de sa découverte : – tu sais que c’est un des plus grands prédateurs de la planète ?
– Golda Meir ? À côté d’elle c’est un ange, dit Nikita en regardant la mariée.
– Tu plaisantes ?
– Crois moi c’est une grosse vache.
– Golda Meir ?
– Oui Karagül. Mais crois-moi, son homonyme au gouvernement était plus féroce.
– Oy !
– Comment m’as-tu trouvée ?
– Ta vendeuse m’a conduit.
– Ah oui pourquoi ? demande le photographe en se levant.
– Tu as mon téléphone…
Nikita ne l’a pas entendu.
– Attend, attend, un instant. Les enfants, on y va tout de suite pour la lumière.
Nikita se tourne vers Moïse : – Excuse-moi Karagül, je reviens. Je te confie le trône de fer.
Toute l’équipe se dirige vers le bord de l’eau. Moïse les observe. Un des assistants porte une sacoche marron-beige, l’autre des bouquets de fleur, le troisième deux appareils photographiques.
Nikita commence immédiatement ses prises de vue. Le couple s’enlace, s’embrasse, s’ébroue, leurs corps fusionnent en une danse envoûtante de grâce et d’élégance, quand la mariée pousse un cri strident. Moïse comprend la raison de cet effroi, car il a vu Golda Meir se dresser sur ces pattes arrière et briser la chaîne.
La panique s’est emparée de l’équipe de Nikita qui s’enfuie dans un désordre indescriptible. Nikita laisse tomber un de ses appareils dans l’eau, les trois assistants courent sans se retourner talonnés par le marié. Ce dernier a jeté la mariée dans l’eau avant de prendre la poudre d’escampette. L’épouse malheureuse, retenue par sa robe et une haine féroce fait du sur place avec de l’eau jusqu’à la taille.
Moïse, fier chevalier servant se précipite pour sauver la belle. Arrivé à sa hauteur il éclate de rire. Ce n’est pas tant le désordre de la tenue de la mariée, ni sa mine déconfite qui provoque cette hilarité mais la vue de Golda Meir, qui avance millimètre par millimètre d’un pas lent et pachydermique.
La mariée jette un regard furibond à Moïse, pris d’un fou rire, et regarde vers le dragon de Komodo, qui se hâte lentement. Un homme sorti de nulle part s’avance avec nonchalance vers le dragon, et avec quelques gestes poussifs le ramène à son point de départ. Il attache l’animal avec ce qu’il reste de chaîne et disparaît à nouveau derrière l’arbre.
Moïse sort de l’eau, suivi par la mariée. Il regarde sur le sable, les pas des fuyards que les vagues successives effacent. Les deux rejoignent les parasols verts-chatoyant. C’est à ce moment que Moïse entend un vrombissement, comme si une nuée de sauterelles s’abattait sur lui. Moïse lève les yeux au ciel. L’espace d’un instant il est tétanisé. Cette nouvelle vision relègue l’histoire du dragon de Komodo, à un souvenir lointain. Moïse n’en croit pas ses yeux.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY».
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