Résumé épisode 5 :
David a recruté Moïse pour le Mossad. Noah une agent, lui explique sa mission. Il doit se rendre à New York et prendre des photos du siège de la société d’un trafiquant d’armes chinois, du nom de Karl Lee. Moïse – réfractaire aux nouvelles technologies -, a beaucoup de mal à se familiariser avec le nouveau téléphone portable qu’il doit utiliser pour sa mission. Les photos pour son passeport doivent être prises dans un studio. C’est là que Moïse fait la connaissance de Nikita, originaire de l’Oblast autonome juif, un Israël communiste.
Shuk-Playmobil
Tel-Aviv, rue Allenby aux abords du Shuk HaCarmel, à l’aube
David se gare sur un trottoir. Moïse regarde l’habitacle futuriste du véhicule : – Ils t’ont donné la voiture de James Bond, forcément.
– Qui ?
– L’Institut…
– C’est l’image que tu as de l’Institut ? dit David en souriant.
– Je n’ai jamais vu autant de gadgets dans une voiture, dit Moïse en ouvrant la boite à gants.
– Pas de rapport avec le Hamisrad
– Hamisrad ? Tu appelles le Mossad, le bureau ?
David fait un geste confus de la main pour indiquer à Moïse de se taire.
– Tu diriges bien la division Tsomet ? demande Moïse.
David refait le même geste de la main : – Noah est trop bavarde.
– c’est mon agent trouble.
David change ostensiblement de sujet : – Noah te récupère ici à 15h et t’emmène à l’aéroport. Elle aura ta carte bancaire et ton passeport.
– Oui chef ! ironise Moïse en faisant un salut militaire.
Moïse sort du véhicule. La porte arrière droite s’ouvre latéralement, donnant un air de chauve-souris à la voiture. Moïse a un petit rictus. Il tire son gros sac avec les bougies et le cale sur son épaule.
David est intrigué : – que vas-tu faire avec ces bougies ?
– Les vendre, c’est pour ça que je viens au marché.
Moïse fait un signe de la main et s’éloigne. Il se dirige à pas comptés vers le shuk HaCarmel.
Moïse inspire profondément. Les fragrances de la Marina de Tel-Aviv, teintées par les exhalaisons modernes de la cité méditerranéenne laissent tout à coup la place à une ambiance olfactive d’un autre genre. Moïse s’arrête, inspire une seconde fois à pleins poumons, s’immobilise, renifle dans un geste animal, repère un stand d’épices en vrac, s’approche. Véritable festival de couleurs et d’odeurs, les montagnes d’épices, qui sont soigneusement disposées dans des bacs en plastique, des sacs en toile et des pots en verre, proposent une symbiose de senteurs. Les monticules savamment ordonnés réunissent les tons riches et profonds du curcuma et du paprika, la toute-puissance du thym, la subtilité du za’atar et du sumac, les teintes vives et éclatantes du safran et des piments, les notes chaudes de la cannelle et de la cardamome, les accents piquants des clou de girofle et du gingembre, les arômes terreux de coriandre et de fenugrec, le mariage enivrant des graines de sésame, de la moutarde en poudre, de la muscade, de l’origan et des feuilles de thé du stand voisin. Les arômes délicats du jasmin, de la rose, de la mangue et des agrumes se disputent l’espace avec les effluves boisées et terreuses du thé noir.
Moïse avance d’un pas, mais le Kiboutznik est arrêté par une épreuve sensorielle, plutôt désagréable. Lui qui est habitué aux silences multimillénaires de sa vallée, se trouve pris au piège entre la route vrombissante sur laquelle claque avec une violence singulière le pot d’échappement d’un véhicule à deux roues, le cliquetis métallique et tranchant d’un vieux charriot poussé avec hardiesse dans la descente par un commis-livreur au pied léger et le chaos frénétique du Shuk dans lequel s’entremêlent des cris déchaînés de vendeurs, des discussions allant du bleu discret au pourpre vif, des objets qui tombent, se cassent, se coupent, s’échangent, des musiques disparates, des rires, des interpellations, des claquements de mains et de langues, des altercations, des embrassades,… bref toute la frénésie humaine et la rythmique moyen-orientale, condensée dans un lieu de négoce : le shuk HaCarmel !
Moïse se met d’instinct en mode « Shuk-Playmobil », les bras le long du corps, seul son cou pivote pour regarder les stands à droite puis à gauche. Il ne plie plus les genoux et avance à petits pas, en frottant le dessous de sa semelle contre le béton de la rue. Son gros sac empêche que l’on se colle à lui, mais certains visiteurs du marché le dépasse prestement, le bouscule un peu. Il s’arrête pour observer des étals chatoyants de fruits et légumes, véritable kaléidoscope massif et délicat à la fois, où les tomates charnues, éclatantes de rouge vif évoquent la promesse d’une saveur juteuse, où trône des Etrogs d’un jaune vif intense, des aubergines à la silhouette dodue drapées d’un violet sombre, des grenades noire-pourpre, des poivrons du rouge passion au jaune ensoleillé, des oignons à la peau fine et papyracée qui déclinent leurs couleurs du brun au jaune pâle, des sabras à la peau épaisse et rugueuse recouverte de fines épines acérées.
Moïse se baisse pour ramasser une gousse de caroubier, sans doute tombée d’un sac, manquant de provoquer un carambolage. Les touristes s’arrêtent derrière lui, les autres le contourne. En se relevant, il voit un stand quasi vide, où trône une quinzaine de « pommes de Cendrillon » à la couleur bordeaux si caractéristique. Un jeune homme fais sa prière derrière le stand. Il est habillé de vêtements occidentaux sobres. Il porte un tallit sur les épaules, une kippa blanche et bleue et des Téfilines avec un boîtier placé sur la moitié inférieure du biceps et un autre sur le front. La lanière de cuir est enroulée sept fois autour de son bras gauche et enveloppe également trois doigts de sa main. Malgré le tumulte Moïse entend le jeune réciter « V’eirastikh li b’emunah v’yadaht et Adonai » (je te fiance à moi dans la fidélité et tu connaîtras le Seigneur). Alors que le jeune retire les Téfilines Moïse l’interroge : – Boker Tov. Tu n’as plus que ça à vendre ?
– Ma chimkha. Moi c’est Dov.
– Moïse.
– Ça explique pourquoi tu as fendu la foule en deux pour me rejoindre.
– Tu es observateur, réplique Moïse.
– 150 shekels pour les dernières pommes, annonce Dov
– J’achète le pommier avec ? demande Moïse.
– C’est pour aider un orphelin, lui répond Dov.
– Je te donne 200 shekels, juste pour m’installer à côté de toi et vendre mes bougies.
– D’accord.
Moïse lui donne 4 billets de 50 shekels, et s’installe près du garçon. Il déballe tout son stock de bougies, et le dispose près des pommes.
– tu es vraiment orphelin ?
– Je vis avec ma mère, mon père a eu un accident.
– Comment fais-tu pour avoir ce stand ? interroge Moïse.
– J’ai grandi sur le marché, je connais tout le monde.
– Tu n’as que ça à vendre ?
– Je ne veux pas de stock, je les achète au fur et à mesure, dit Dov.
Moïse sort trois billets de 50 shekels de sa poche et les donne à Dov : – Je t’achète celles-ci, montre-moi comment tu fais.
– Tu n’es vraiment pas doué pour le commerce Moïse…
Moïse met les pommes dans son sac. Dov se lève et s’enfonce dans les étals. Il revient presque immédiatement les bras chargés de pommes et de grenades, qu’il dépose près des bougies de Moïse. Il lui fait un grand sourire et commence à vendre ses fruits. Au bout de 30 minutes Dov a vendu la totalité de ses fruits alors que Moïse n’a pas vendu une seule bougie. Dov se lève encore une fois, s’enfonce à nouveau dans les étals, et revient les bras chargés de pommes, qu’il dépose près des bougies de Moïse. Il jette un coup d’œil à la marchandise de Moïse : – Tu n’es vraiment pas taillé pour le commerce.
– Tu pourrais faire mieux ?
– Je prends 40% de ce que je vends, tu es partant ?
– 20%, répond Moïse.
Dov semble surpris par la soudaine férocité de Moïse mais réplique du tac au tac : – 30
– 25
– 28
– Mazal u’bracha ! dit Moïse en lui tendant la main. Dov lui fait un chek avec le poing. Moïse écrit sur un papier le prix des bougies. Deux clients achètent à Dov des pommes, tandis qu’un couple de touristes photographie le stand. Dov interpelle l’homme et lui demande en anglais sa nationalité.
– français, tu parles français ?
– Je parle 12 langues mon ami, comment tu t’appelles ?
– Jean-Marc !
– Jean-Marc, tu veux acheter des fruits ? Des bougies pour madame ?
– Elles sont très belles tes bougies, qui les fabriquent ?
– Mon patron à Jérusalem. Elles sont saintes.
– Comment s’appelle ton patron ?
Moïse intervient : – Méchoulam Chamama.
– Un homme saint, ajoute Dov : – combien tu prends de bougies Jean-Marc ? Regarde ta dame comme elle est belle, il faut l’illuminer.
Jean-Marc s’approche des bougies, en soupèse une, l’autre. Il regarde le prix sur le morceau de papier : – c’est le prix en Shekels, pas en euros ?
– Tu nous as pris pour des bandits de grand chemin ? dit Dov en riant. Son visage est lumineux et Moïse qui l’observe n’arrive pas à lui donner un âge. Peut-être 14 ans.
– C’est un prix honnête. Je t’achète tout ton stock, à une condition.
Le jeune vendeur a les yeux qui brillent. Il jette un coup d’œil aux produits et Moïse le soupçonne de calculer son gain.
– Je ne sais pas si je veux te vendre tout mon stock, quelle est ta condition ? Répond avec prudence Dov.
– Tu dois me mettre en contact avec ton patron.
– on se connaît depuis 1 minute et tu veux déjà me voler mon pourcentage ? dit Dov en fronçant les sourcils.
– Nous sommes artisans-ciriers en France, nous allons faire notre Alyah et ouvrir une usine pour fabriquer des bougies. Nous cherchons des partenaires.
– Donne-moi ton téléphone, dit Dov.
– Comment savoir si tu vas me mettre en contact ?
– Tu vas ouvrir une usine et tu es inquiet pour quelques bougies ? lui rétorque Dov.
– D’accord, répond Jean-Marc : – voici ma carte.
Il se retourne vers sa femme : – combien ?
Elle lui montre une somme sur la calculette de son téléphone portable. L’homme prend son portefeuille dans la poche de son pantalon et compte les billets : – j’ai rajouté 100 shekels pour le service. Je compte sur toi.
– Vous pouvez, sinon Méchoulam Chamama va me faire passer un mauvais quart d’heure.
Dov met les bougies dans des sacs plastiques et fait un signe de la main au couple. Pendant qu’ils s’éloignent Dov donne les billets à Moïse. Ce dernier les compte et en rend une partie à Dov : – ton pourcentage et tes 100 Shekels. Tu as fait les comptes ?
– Bien entendu.
– Tu as quel âge ?
– 17 ans, répond Dov.
– Tu veux faire quoi de ta vie ?
– J’étais inscrit dans une école de commerce international pour la prochaine rentrée scolaire. Maintenant il faut que je gagne de l’argent pour payer le loyer de notre maison.
Moïse se lève : – montre-moi un bon restaurant sur le marché, je t’invite.
– et mes pommes ? s’exclame Dov en montrant les fruits restants.
Moïse sourit, prend de l’argent dans sa poche qu’il tend à Dov, met les pommes dans son sac et fais un signe de la tête à Dov : – Je ne suis pas doué pour les affaires, mais toi oui.
Moïse plisse les yeux en cherchant quelque chose dans ses poches.
– Tu as perdu la raison demande Dov.
– Mon téléphone.
– c’est pire, enchaîne le garçon.
– Je sais où je l’ai laissé, lui dit Moïse : – Attend moi. Je reviens dans 15 minutes.
– Béézrat Hachem, dit dov en souriant.
Moïse part à grandes enjambées, doublant dans la montée deux jeunes orthodoxes qui galopaient pourtant à toute vitesse.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY».
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