Pour Mosaïques
« Le virus ne circule pas, ce sont les personnes qui le font circuler ». Le Gouvernement israélien a donc pris plusieurs mesures pour empêcher les personnes de faire circuler le coronavirus Covid-19. Parmi ces mesures, l’obligation de quarantaine de 14 jours imposée aux personnes ayant été en contact étroit avec un malade du Covid-19 et aux personnes arrivant de l’étranger autorisées à pénétrer en territoire israélien. Aujourd’hui, Benyamin Netanyahou demande le dépistage de toute personne venant de l’étranger, et de les placer dans des hôtels tels que le Dan Panorama à Tel-Aviv. Aux yeux de certains, ne pas respecter la quarantaine, ce n’est pas si grave, Aux yeux des autorités israéliennes, c’est un crime.
Contre ce crime, les autorités israéliennes, fortes de la création d’une nouvelle unité de police et du recours à la géolocalisation, emploient les grands moyens. Parmi ces moyens, un article de loi : l’article 218 de la loi pénale israélienne qui punit d’une peine maximale de 7 ans d’emprisonnement toute personne ayant intentionnellement commis une « action susceptible de propager une maladie » mortelle. Par le passé, cet article 218 n’a été appliqué par les tribunaux qu’à de rares occasions. Il a servi à condamner des personnes qui, dissimulant qu’elles étaient porteuses du virus du SIDA, avaient eu des rapports non protégés. Il a également servi à condamner des entreprises commercialisant des œufs sans contrôle sanitaire. La Cour suprême d’Israël a eu l’occasion de rappeler que l’infraction est constituée même en l’absence de dommage causé à autrui. La loi sanctionne un comportement : prendre le risque de propager une maladie mortelle. Peu importe donc que ce comportement soit ou non suivi d’effet : susceptible de propager, dit la loi. Ainsi, il importait peu, hier, que les consommateurs d’œufs aient été contaminés par la salmonellose. Il importait peu, hier, que des personnes aient été contaminées par le virus du SIDA. Il importera peu, demain, que des personnes soient contaminées par le COVID-19 par ceux qui n’auront pas respecté l’obligation de quarantaine. Aux yeux de la loi, même sans contaminer personne, le mal est fait.
Certes, à l’heure où ces lignes sont écrites, la violation de l’obligation de quarantaine, est, dans les cas les moins graves, d’abord sanctionnée par l’amende administrative de 5 000 shekels prévue par les mesures d’état d’urgence. Mais, face à une situation qui évolue au jour le jour, la répression pourrait bien se durcir. L’arrestation spectaculaire sur la rue Bograshov à Tel-Aviv d’un homme suspecté de ne pas avoir respecté son obligation de quarantaine puis le renvoi de cet homme devant un tribunal ont, pour toutes les personnes tenues d’être en quarantaine, valeur d’avertissement. Le risque de prison demeure. Et les juges pourraient avoir à cœur d’infliger des peines exemplaires.
On sait, peut-être ces jours-ci plus que jamais, qu’en matière de Santé, il vaut mieux prévenir que guérir. En matière de Justice aussi. Prévenir en respectant l’obligation de quarantaine. Quelques jours dans sa chambre pour sauver des vies valent mieux que quelques années dans une cellule à gâcher la sienne.
Raphaël Dokhan est avocat pénaliste au Barreau d’Israël et au Barreau de Paris. Il a collaboré auprès du Vice-Procureur du Parquet pénal près la Cour suprême d’Israël. En France, il a enseigné le Droit pénal et la Procédure pénale à l’Ecole de droit de la Sorbonne et a été Premier secrétaire de la Conférence des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ([email protected]).