La fête de Pourim présente un caractère exceptionnel par rapport aux autres fêtes du calendrier hébraïque. Ces dernières en effet ont beau être joyeuses, parfois même à l’extrême, il n’en demeure pas moins qu’elles s’accompagnent d’une certaine gravité. Nul doute que nous avons l’obligation de nous réjouir à Pessa’h, Chavouot et Souccot, voire parfois dans une grande mesure, mais des limites à cette joie que l’on pourrait essentiellement qualifier de “sérieuse” sont néanmoins fixées.
Certes, Pourim comprend aussi son lot de commandements : la lecture de la méguila, le rouleau du livre d’Esther, l’échange de mets, les dons aux pauvres et le festin. Et pourtant, un certain côté espiègle s’en dégage allant pratiquement jusqu’au dépassement des limites habituellement permises. La manière exacte de se comporter varie d’un endroit à l’autre, d’une communauté à l’autre, voire d’un individu à l’autre mais on retrouve partout cette même allégresse.
Si l’on veut bien s’y attarder, il y a là quelque chose de surprenant. Tout jour de joie qu’il fût, Pourim fait suite à un épisode de notre histoire particulièrement pénible et menaçant. Jusqu’alors, le peuple d’Israël avait dû affronter nombre de menaces, de souffrances et de guerres face à des ennemis qui voulaient le vaincre ou conquérir sa terre. Dans la plupart des cas cependant, tous ces évènements ne différaient pas vraiment des conflits et querelles inscrits dans l’histoire d’autres nations. Ce qui se passa à Pourim fut sans conteste beaucoup plus grave : il ne s’agissait plus d’un “simple” conflit mais d’un projet de génocide, d’une tentative d’effacer Israël de la carte du globe. En d’autres termes, il s’agit de la première manifestation dans l’Histoire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’antisémitisme, dans sa forme la plus extrême.
À l’époque de Pourim, Haman, lui-même descendant d’Amalek[1], à l’origine du décret d’extermination des Juifs, fut finalement défait et pendu à un arbre, et tous ses complices subirent un sort similaire. Cependant, au cours des générations, il s’avère qu’Haman aura laissé derrière lui un nombre impressionnant de descendants et de disciples. Si l’antisémitisme a débuté avec lui, en aucune manière n’a-t-il disparu après lui. Cette descendance d’Amalek refleurit en tout temps et tout endroit ; et rien n’indique qu’elle soit en voie de disparition dans notre monde contemporain, fût-il cosmopolite et éclairé.
Comment expliquer l’antisémitisme ? De nombreuses raisons, voire “justifications’ ont été avancées au cours du temps, qu’elles soient religieuses, raciales ou culturelles. Or le fait même que tant de raisons soient proposées témoigne de leur faiblesse et de leur caractère irréel. Il s’agit en fait d’un problème plus fondamental que l’on n’ose pas exprimer à voix haute. Le phénomène d’antisémitisme rappelle en quelque sorte celui de la survie du peuple juif pendant des milliers d’années malgré tous les tourments et toutes les détresses : il ne souffre aucune véritable explication rationnelle. Une telle haine demeure aussi mystérieuse que tangible, et toutes les raisons ne sont que superficielles, provisoires et fortuites.
Parfois, l’hostilité de nos ennemis tire son origine d’une source facilement identifiable. Dans ce cas, il est possible de mettre en place des moyens de défense susceptibles de résoudre le problème à la base, voire de conduire à une réconciliation entre eux et nous. En revanche, face au phénomène d’antisémitisme, la chose est différente. En raison de son caractère fondamentalement irrationnel, même si nous pouvons peut-être nous en défendre, il demeure impossible de l’extirper à sa racine. Malgré toutes les tentatives amorcées par les Juifs au cours des siècles précédents – depuis l’assimilation à l’extrême jusqu’à la création d’un État indépendant – le problème n’a pas été résolu, tout juste a-t-il été changé ou déplacé : l’antisémitisme, lui, n’a pas bougé d’un pouce.
Que faut-il en déduire et comment doit-on réagir ? Il ne nous reste, semble-t-il, que deux options. La première, que, en tout état de cause, nous devons mettre en œuvre, est d’organiser notre défense comme à l’époque de Pourim et de la reine Esther, afin d’obtenir un temps de répit face aux débordements de haine envers nous. La deuxième consiste simplement à rire. Rire non seulement de la chute de tous ces antisémites, fussent-ils des individus ou des groupes de toutes sortes, mais aussi du caractère absurde et grotesque de cette haine d’Israël et des contradictions qui lui sont inhérentes. Car en face de tous ces phénomènes d’antisémitisme, il est impossible de présenter de quelconques contre-arguments, de persuader ou de vaincre. Mieux vaut donc rire, rire de nos ennemis et… de nous-mêmes.
Traduit de l’hébreu par Michel Allouche, Jérusalem
[1] Amalek, chef d’une tribu édomite, avait attaqué sans raison les Hébreux à peine sortis d’Égypte (voir Exode 17 : 8-16).
Rions donc !
‘Hag
Paix,joie,victoire et bonheur toujours en Israël.
Mais malheur,honte et échec à tous les ennemis d’Israël.