Celui-ci commence par la description de la création du monde pour se terminer par le récit du commencement de l’exil d’Egypte, exil-étalon, comme il est écrit “comme au jour de ta sortie d’Égypte, je te montrerai des merveilles”. Berechit, est un descriptif de la première étape du projet divin, à savoir la création du monde et l’enfantement d’Israël.
Quant au livre de Chemot, il constitue la seconde étape : la guéoula d’Israël laquelle ne peut avoir lieu sans un Libérateur : Moché Rabbénou.
Le lien entre Berechit et Chemot est contenu dans le verset: “Et la terre n’était que tohou et bohou, et l’obscurité s’étendait sur le Teom, et le souffle d’Elo-him planait sur la surface des eaux”.
Un éclairage nous est donné par le midrach Béréchit Rabba. Rabbi Chimon Reych Lakich explique :“Et la terre n’était que Tohou” il s’agit de l’exil de Babel (Yirmiya 4, 23) “J’ai vu la terre, et elle n’était que Tohou” (désolation).
“et Bohou” c’est l’exil de Méde (Esther 6, 4) “Ils amenèrent (ויבהילו) Haman avec précipitation”.
“et l’obscurité” c’est l’exil de Yavan qui assombrit les yeux d’Israël par leurs décrets, les Grecs disaient à Israël “ecrivez sur les cornes du Taureau que vous n’avez pas de part dans le D-ieu d’Israël.
“s’étendait sur le Tehom” il s’agit de la royauté mauvaise, qui n’a pas de limite, de la même façon que l’on ne distingue pas le fond du tehom (de l’abîme) de même la galout des réchayim (Edom).
“et le souffle d’Elo-him planait sur la surface des eaux” il s’agit du roua’h du roi Machia’h, comme il est écrit (Yeshaya 11, 2) “et se pose sur lui le roua’h d’Hashem”.
Le premier et dernier libérateur d’Israël c’est Moché appelé ainsi parce que “de l’eau il fut sorti…”. “Le souffle de D. planait à la surface de l’eau” c’est le roi Machia’h, lequel domine l’élément eau, symbole de la Torah et du Yesod, le brith. De là nous apprenons que le choix du Machia’h procède d’une pensée divine que notre esprit humain a du mal à saisir le bien fondé.
Ainsi Chmouel acceptera d’oindre David qu’après avoir été rassuré par D. (David étant roux comme Essav). Cette difficulté s’explique du fait qu’il ne pénètre pas jusqu’à la pensée première de Dieu, le lieu où seul le rouah elokim s’exprime, c’est-à-dire dans le silence, le makom hachtika.
Le choix divin concernant le Machia’h nous est difficile à comprendre, parce que pour Moché et David, D. choisit des être anonymes, voire problématiques quant à leur position vis-à-vis du peuple d’Israël. Moché est élevé par la fille de Pharaon, donc appartient au pouvoir qui asservit les Hébreux. Quant à David, il n’est même pas admis à manger à la table de son père.
Moché, ich elokim, considéré comme hébreu par les Égyptiens, et comme égyptien par les Hébreux, séparé de son peuple est choisi par D pour être le libérateur d’Israël, choix surprenant.
En effet, un libérateur doit être un élément du peuple qu’il va libérer, reconnu comme leader potentiel. Il doit surtout posséder l’art de la parole pour convaincre les autres. Or, Moché ne possède aucune de ces caractéristiques. Ne comprenant pas le choix divin, il “essaye“ de convaincre D. qu’il y a erreur sur la personne, car il est bègue, et va même proposer son frère Aaron. D. clôt la discussion par un “tais-toi” c’est-à-dire regarde ce qui se passe dans un lieu où la parole est effacée au profit du rouah elokim.
Le destin de Moché, comme celui de Yona qui s’enfuit, sont exceptionnels du fait que D. sonde les coeurs et sait qui est apte à être sauveur. Dans ce sens, une histoire rapportée dans le Talmud, est indicatrice de la puissance et de la modestie de cet homme “sorti de l’eau”.
Il est raconté que lorsque Moché Rabbénou monta recevoir la Torah il vit D-ieu poser des couronnes sur les lettres et demanda “Pourquoi donc retarder le don de la Torah pour couronner les lettres? et D-ieu lui répond : dans quelques générations viendra un homme dénommé Akiva Ben Yossef, il donnera des milliers de commentaires à partir de ces petites couronnes gravées au-dessus des lettres, c’est-à-dire au-delà même du texte. Moché surpris demande à le voir, D. l’exauce. Moché s’assoit au fond de la classe et écoute attentivement le cours de Rabbi Akiva, mais ce dernier ne comprend pas ce qui se dit et perd contenance, jusqu’à ce qu’un élève demande à son maître d’ou tiens tu cela? Et il s’entend répondre “il s’agit d’une Halakha enseignée par Moché rabbénou au Har sinaï”. Moché est rassuré, se retourne vers D-ieu et lui demande avec honnêteté: “Mais pourquoi ne pas donner la Torah par cet homme?” et il s’entend répondre “Tais-toi ! Ainsi fut décidé dans ma pensée originelle”.
Soulignons que Moché rabbénou n’entre pas en Israël pour avoir frappé le rocher au lieu de lui parler pour en faire jaillir de l’eau, Rabbi Akiva, lui, va comprendre le message silencieux de l’eau qui perce la roche et va, par là même, faire Techouva !
Le Machia’h répond à des critères précis dans le Rambam, lois “des rois et de leurs guerres”. Néanmoins le choix de D-ieu nous est étranger, et l’est également au candidat le plus important de l’histoire, celui-là même qui peut être bègue, n’appartient pas au corps de la rabbanout, n’est pas un spécialiste de la communication, mais tout simplement un homme au cœur si pur que le créateur l’a choisi malgré lui, et qui jusqu’au dernier instant demandera à Dieu “pourquoi moi?”.
Le Créateur les fit sortir de l’eau pour faire d’eux des rois, des libérateurs, des Machia’h jusqu’à notre juste Machia’h lui-même, qui est, jusqu’à l’écriture de ces lignes, dans l’ombre et attend, comme il est écrit “voici il se tient derrière nos murs, regarde par la fenêtre, observe depuis les fissures dans les murs!”.
Itshak Peretz