Nul n’attend d’un nouveau gouvernement qu’il puisse fonctionner de manière bien huilée dès ses débuts. Mais ce qui se passe actuellement au sein de la nouvelle coalition et entre elle et l’opposition de droite sur la question de la Loi de citoyenneté indique tout autre chose. Nous assistons très rapidement à la résultante directe et prévisible de la composition bancale et incohérente du nouveau gouvernement : une majorité de droite dans le peuple et à la Knesset mais une coalition gouvernementale majoritairement à gauche et qui dépend d’un parti islamique issu des Frères Musulmans.
Il n’aura fallu qu’une semaine pour que les premières failles apparaissent au sein de la nouvelle équipe en place et que les avertissements se concrétisent : il sera extrêmement difficile à ce gouvernement disparate d’appliquer une politique claire, et le vote de lois importantes risque fort d’être le théâtre de vives tensions entre ces partis aux positions aussi inconciliables, chacun détenant la capacité de le faire tomber. Le premier test est sans appel : un important texte de loi souhaité par la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked se heurte déjà à des oppositions internes catégoriques. Et que fait elle à ce moment-là ? Elle se tourne vers ceux auxquels elle a magistralement tourné le dos il y a peu de temps et les appelle à la rescousse: “Je n’ose m’imaginer que l’opposition (de droite) portera atteinte à la sécurité d’Israël au nom de considérations politiciennes. Je suis convaincue qu’ils feront preuve de maturité et soutiendront le texte. Je suis également certaine que le chef de l’opposition respectera sa parole lorsqu’il dit que pour la sécurité d’Israël il n’y a ni opposition ni coalition et que nous sommes tous sur le même front ». Tiens donc.
Sur la question du regroupement familial entre Arabes israéliens et Arabes « palestiniens », qui représente un danger démographique et sécuritaire pour l’Etat d’Israël, il serait normalement logique que tous les partis de droite votent à l’unisson, ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui sont dans l’opposition. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il s’agit d’un piège pervers aussi bien que d’une grande malhonnêteté. Un piège pour l’opposition de droite parce que ce scénario risque de se produire à chaque fois que les partis dits de droite au sein de la coalition voudront faire passer une loi à laquelle leurs associés de gauche ou arabes seront opposés. Si le Likoud, les partis orthodoxes et le parti sioniste-religieux ne peuvent décemment pas faire barrage à une loi qui va dans le sens des intérêts sécuritaires de l’Etat, au risque d’être accusés de se livrer à de la basse politique (comme le font déjà cyniquement remarquer Benny Gantz, Ayelet Shaked, Nir Orbach et d’autres, experts en la matière), doivent-ils pour autant, en tant que partis d’opposition, accepter de repêcher ce gouvernement à chaque fois qu’il sera en difficulté ?
Malhonnêteté aussi, parce que Naftali Benett, Ayelet Shaked et leurs acolytes, malgré les incessants appels et supplications, ont renié leurs engagements fermes clamés à tout va, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’idéologie, et ont rejoint un gouvernement avec Yaïr Lapid, l’extrême gauche et le parti islamique. Ils ont tourné le dos sans scrupules à leurs électeurs et à leurs alliés traditionnels et maintenant, ils courent vers eux à la première difficulté en les appelant à l’aide. « Nous ne serons pas la roue de secours de ce gouvernement », entend-t-on avec raison en boucle au sein de l’opposition de droite, et comme le dit un adage israélien : « Vous avez voulu préparer cette bouillie ? Mangez-là maintenant ! »
Qu’importe l’issue de cette première crise et quelle que soit la décision que prendront les partis de l’opposition de droite, la preuve est faite que la situation actuelle générée uniquement par la haine anti-Netanyahou est surréaliste, et que le pays va vers une période instable sur le plan politique avec des implications qui pourraient être graves. Un gouvernement validé sur le fil, par 60 voix sur 120, composé de huit partis très différents dont le seul dénominateur commun était de voir Binyamin Netanyahou quitter le pouvoir ne pourra pas gouverner sereinement et efficacement, une situation inacceptable compte tenu des nombreux défis intérieurs été extérieurs qui attendent le pays.
A Washington, à Gaza, à Ramallah comme à Téhéran on a déjà bien noté avec satisfaction que quelque chose a changé à la tête du pays.
Photo Yonatan Sindel / Flash 90