LE KLING DU MOIS, extrait de Lph New
« Et si vous ne voyez pas de parallèle entre ce qui se passe aujourd’hui et le régime nazi, j’en suis désolée pour vous. »
C’est par cette phrase que prit fin, il y a quelques jours, le petit échange que j’avais eu sur Facebook avec une dame que je ne connais pas, à propos des mesures prises récemment par le gouvernement pour tenter de juguler la progression du virus. Il me semble qu’elle faisait référence aux avantages dont ne pourraient bénéficier que les citoyens vaccinés au détriment des autres, ce qu’elle appelait « une sélection qui n’a rien à envier au régime nazi ».
Depuis le temps que je traîne sur les réseaux sociaux, je me suis habitué à la référence systématique au national-socialisme et, malheureusement, elle me choque de moins en moins. On s’habitue à tout, même à la terrible réalité de la loi de Godwin (selon Mike Godwin, « plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d’y trouver une référence au nazisme ou à Adolf Hitler s’approche de 1 »).
Ce qui m’inquiète malgré tout, c’est qu’il me semble que le point Godwin est atteint de plus en plus tôt.
Ce n’est qu’un symptôme supplémentaire d’un phénomène nouveau et regrettable, découvert à l’ombre du Covid : pour la première fois, me semble-t- il, une crise, loin de nous rapprocher, nous éloigne les uns des autres. Face au danger, la société israélienne a généralement tendance à se serrer les coudes et les signes de solidarité se multiplient ; ce qu’on appelle ici les « me’hitsot », ces invisibles cloisons qui nous séparent, s’effondrent en silence, et l’on a alors l’impression qu’aucun défi n’est impossible à relever. Lors du tout premier confinement, il y a près d’un an maintenant, il nous semblait qu’une fois encore, c’est d’un seul élan que nous combattrions le fléau ; et la célébration de Pessah nous a fourni l’occasion de faire preuve de créativité pour que l’isolement de nos aînés soit le plus supportable possible. Mais plus le virus s’est installé parmi nous et plus cet élan de solidarité s’est estompé – il faut dire que les campagnes électorales à répétition ne nous aident pas vraiment… Mais qui aurait pu prévoir qu’un an après, nous en serions là ? Les ‘haredim sont accusés en bloc de propager le virus ; certaines personnes refusent de prendre l’ascenseur avec eux, se lèvent lorsque l’un d’entre eux ose s’asseoir près d’elles. Dans certains villages où, habituellement, tout le monde se connaît et s’entraide, un climat de suspicion empoisonne les relations entre voisins : on reproche à untel de n’avoir pas empêché ses enfants d’aller en classe alors qu’il aurait dû prévoir qu’ils étaient porteurs du virus, à tel autre de ne pas suffisamment respecter les consignes et d’avoir mis la moitié du village en quarantaine…
La droite accuse la gauche d’avoir hypocritement autorisé les manifestations anti-Bibi et interdit les rassemblements religieux. La gauche accuse la droite de ne pas avoir le courage de faire appliquer les consignes aux ‘haredim de crainte de froisser ses alliés politiques. Les anti-vaccins accusent les pro-vaccins de liberticide sous couvert de protection sanitaire. Les pro-vaccins accusent les anti-vaccins de mettre en danger leurs proches et de retarder le retour à la normale pour des motifs irrationnels et complotistes…
Pourim, que nous venons de célébrer, raconte l’histoire d’une dangereuse menace, d’une crise que nos ancêtres ont dû traverser et qui éclata alors que notre peuple était « dispersé et divisé ». Nos sages nous demandent de nous en souvenir en instituant une fête marquée par l’humour et l’entraide. C’est important l’humour, pour désamorcer une crise, cela permet de prendre du recul, de ramener les choses à de plus justes proportions, d’éviter de sombrer dans la tentation du discours extrémiste qui utilise des superlatifs déplacés. Pourquoi ne pas essayer cette même méthode pour retrouver notre unité légendaire ? L’humour et l’entraide devraient nous permettre d’affirmer nos convictions dans le respect de l’autre, sans crainte et sans excès. Pour ma part, en tout cas, vous savez, amis lecteurs, que je vous respecterai quelle que soit votre position, du moment que vous votez Bennett et que vous allez vous faire vacciner…
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
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