Sous prétexte qu’avant le XIXe siècle, il n’y avait pas eu d’artistes juifs de renommée mondiale, on a longtemps pensé qu’il n’existait pas véritablement d’art juif. Or, il y avait bien des artistes, mais ceux-ci exerçaient leur art sur des objets de culte.
Mais le summum de l’art juif se trouve dans les manuscrits. On a d’ailleurs imprimé d’anciennes hagaddot écrites et décorées à la main qui montrent bien l’adresse et le savoir-faire des enlumineurs.
Dans de nombreuses familles juives, fortunées ou non, on possédait au moins un objet de culte décoré comme une œuvre d’art : la kétouba. La plus ancienne kétouba illustrée conservée, un fragment retrouvé en Egypte, est datée du Xe siècle.
Cette antique tradition de la kétouba faite sur mesure, illustrée à la main et écrite par un sofer stam sur du véritable parchemin, c’est ce que Michèle entend préserver et perpétuer.
Quand avez-vous commencé à réaliser des kétoubot ?
Michèle Cohen: Au début, je n’en faisais que pour des membres de ma famille ou pour des amis très proches. Puis j’ai commencé à recevoir de temps en temps des commandes de personnes qui avaient vu une de mes kétoubot à l’occasion d’un mariage, ou encadrée en tableau chez des amis
Mais pourquoi pas avant ?
M.C.: D’abord, parce que cela demande énormément de travail. De plus, je devais à chaque fois trouver un sofer stam compétent et libre dans les délais imposés.
Michèle, qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans ce travail ?
M.C.: C’est toujours très agréable de travailler avec des personnes qui préparent un mariage, parce que c’est forcément émouvant et réjouissant. Généralement, ce sont les parents d’un des mariés qui décident d’offrir la kétouba, parfois des parents ou des amis proches. La conception et la préparation se font toujours dans la joie. J’adapte chaque décor à la demande et aux goûts des mariés. Certains demandent des décors floraux, d’autres veulent voir figurer shivat haminim, ou encore une esquisse de Jérusalem. On m’a même demandé une fois de dessiner un voilier ! Il y a toujours de nouveaux défis, c’est ce qui me plaît.
On ne peint pas sur le parchemin comme sur du papier ou sur une toile, n’est-ce pas ? En quoi est-ce différent ?
M.C.: J’ai toujours aimé travailler la couleur. J’ai beaucoup peint sur la soie, qui est un support sur lequel les couleurs sont chatoyantes et vives. On peut aussi obtenir sur du parchemin des couleurs vives, selon la façon dont on traite le matériau. On ne peut ni effacer ni corriger ce qui a été peint. Cela demande donc une longue préparation, beaucoup de patience et de concentration et surtout de la délicatesse dans le trait.
Pourquoi à notre époque, continuer à exécuter une kétouba sur parchemin ?
M.C.: Il n’y a aucune obligation en ce sens. Cependant, la valeur du support correspond à la valeur du texte qu’on y transcrit. Le parchemin est pratiquement indestructible. En retranscrivant le contrat de mariage sur ce support, on signifie symboliquement la valeur sacrée du lien marital.
Combien de temps demande la création d’une kétouba ?
M.C.: Entre le travail du sofer stam et l’enluminure de la kétouba, il faut compter au minimum cinq semaines.
Vous vivez et vous travaillez à Jérusalem. Vous arrive-t-il de recevoir des commandes en dehors de la ville ?
M.C.: Oui, bien sûr, mes kétoubot voyagent plus que moi ! Je communique avec mes clients par WhatsApp, je leur envoie l’esquisse par mail. Vivre à Jérusalem, c’est plutôt un atout et une source d’inspiration.
Et pour la livraison ?
M.C.: Le format standard d’une kétouba est de 40 cm sur 60 cm, mais peut être différent. Je la livre sur un support en carton rigide, doublé d’une feuille en plastique transparent:
À vous entendre, on sent bien que pour vous, faire une kétouba, ce n’est pas une occupation triviale…
M.C.: C’est un véritable métier. Non seulement du point de vue technique, mais aussi sur le plan des sources d’inspiration. J’aime bien intégrer à mes modèles des éléments modernes, mais j’essaie néanmoins de préserver l’esprit des traditions passées. En m’investissant dans la décoration d’une kétouba, j’ai le sentiment de participer, à ma manière, à la réussite de cet événement.
Michèle Cohen – Jérusalem
972 (0)52-5220669 – Mail: ketoubot.mc@gmail.com