Dis Moshé, c’est qui ce type avec les cheveux longs?
Lui, c’est un Nazir!
? Un quoi
Un Nazir, c’est quelqu’un qui fait le vœu de se sanctifier, c’est-à-dire de ne pas se rendre impur au contact d’un mort, comme le Cohen, de ne pas consommer tout produit de la vigne et, enfin, de se laisser pousser les cheveux pendant toute la durée de son vœu, car ces trois éléments symbolisent la gvoura.
Il y a là une contradiction, en effet s’il s’éloigne de la mort et de la vigne, il aurait dû, en toute logique, se raser la tête et non pas se laisser pousser les cheveux !
La mort est ce qui correspond à l’expression la plus absolue de la gvoura.
Le vin symbolise la gvoura car nous dit le Talmud dans la Massekhet Sotah “toute personne qui verra une femme tromper son mari devra se séparer (nazir) du fruit de la vigne”. L’idée étant que s’il y a assisté il doit voir en cela un signe du Ciel lui indiquant qu’il doit se sanctifier et s’éloigner du fruit qui fit tant de dégâts.
Quant aux cheveux, ils sont aussi le symbole de la gvoura, et pour n’en donner qu’un exemple la femme mariée doit se couvrir les cheveux, et pourquoi uniquement après le mariage ? Car seulement à partir de ce moment-là vont se trouver en présence dans le couple deux énergies dénommées “hessed” pour l’homme qui est celui qui donne, et “gvoura” pour la femme car elle reçoit. De fait le cumul de ces énergies inhérentes, d’une part, à la femme elle-même et d’autre part aux cheveux de celle-ci qui sont toutes deux gvoura, nécessite un couvre-chef aux fins de neutraliser cette gvoura double.
Mais d’où proviennent ces éléments et pourquoi spécifiquement ceux-là ?
Pour ce qui est de la mort cela remonte à Adam Harishon. Né pour vivre éternellement, il est celui qui a tout reçu et tout perdu, du fait qu’il est passé de la vie éternelle à la mort, en mangeant du fruit de l’Arbre du Bien et du Mal. Selon le Zohar, cet arbre n’est autre que la vigne. Ces deux éléments étroitement liés, la vigne et la mort, sont, de fait, interdits au Nazir qui fait l’expérience de la sanctification suprême.
Quant au vin, cela commence avec Noa’h, qui dès sa sortie de l’Arche décide de planter une vigne, puis, s’enivre. Son fils ‘Ham va, selon certains avis, le castrer pour ne pas avoir à partager le monde avec un frère supplémentaire ou va, selon d’autres avis, le violenter. Cet acte de violence est une gvoura sans précédent. Là encore, la vigne et la mort (le déluge) se rejoignent, à la différence près que le fruit de la vigne fut mangé par Adam et que Noa’h va boire le vin. D’où l’injonction faite au Nazir de ne pas consommer des produits de la vigne.
Les cheveux correspondent à Avraham. A l’inverse d’Adam et de Noah qui connurent D-ieu, Avraham, lui, est étranger à cette proximité et grandit dans une famille cultivant l’idolâtrie et l’impureté. Ce n’est qu’à l’âge de 75 ans, qu’Abraham découvre Dieu.
La question reste de savoir pour quelle raison le Nazir, qui s’éloigne de tout élément symbolisant la gvoura, comme la vigne, le vin, l’impureté de la mort, les cheveux, ne se rase-t-il pas la tête ?
A cela deux éléments de réponses :
Le premier est apporté par le Ari zal qui nous enseigne qu’il y a trois catégories de cheveux. Celui du Nazir qui est appellé “blanc” et donc défini comme רחמים גמורים = miséricorde absolue. La blancheur fait référence à une caractéristique spirituelle et non pas à la couleur à proprement parler.
Le second élément provient du midrash tanhouma parashat ‘hayé Sarah, il est rapporté qu’Abraham demanda à Dieu un moyen de le distinguer de son fils qui lui ressemblait, comme deux gouttes d’eau. En effet, pour mettre fin aux calomnies à propos de la paternité d’Abraham, Dieu fit en sorte que le visage d’Its’hak ressemblait à celui de son père. D-ieu donna à Abraham la vieillesse (au niveau de la tête dans le langage du Midrash) c’est-à-dire que, pour la première fois dans l’histoire de l’homme, les cheveux et la barbe blanchirent !
Et c’est là le lien du Nazir avec les cheveux “blancs” d’Avraham. Car celui-ci devient l’homme qui remonte le courant contre toute une génération, contre toutes les idées reçues, et révolutionne le monde. C’est le premier juif, de lui nous puisons nos forces pour dévoiler au sein même de la gvoura la plus forte, un ‘hessed sans fin.
Et peut-être, est-ce là aussi, la source d’un antisémitisme qui toujours reproche au juif ce qu’il a de différent. Peut-être ses cheveux longs!
Ces paroles de Torah sont dédiées à la guérison complète de Ruth bat Esther Attou
Itshak Peretz