Le juge Itshak Amit, président par intérim de la Cour suprême qui doit être nommé de manière définitive la semaine prochaine est empêtré dans plusieurs affaires qui pourraient compromettre sa nomination.
Il y a une dizaine de jours, le Yediot Aharonot révélait qu’il pesait des soupçons de conflit d’intérêt sur le prétendant au poste de président de la Cour suprême.
Le juge Itshak Amit aurait été impliqué, ces dernières années, dans plusieurs procédures judiciaires civiles concernant un appartement que lui et son frère possèdent dans le sud de Tel-Aviv dont une engagée par la municipalité de Tel Aviv contre les deux frères. Dans le cadre de ces procédures, apparait l’ancien nom de famille du juge, Goldfreind et non Amit. En outre, ses avocats ne savaient pas qu’ils représentaient un juge de la Cour suprême.
Alors que ces affaires couraient toujours, Itshak Amit a été amené à juger des dossiers dans lesquels ses propres avocats défendaient l’une des parties et d’autres dans lesquels la municipalité de Tel Aviv était partie. Cette attitude soulève des questions de conflit d’intérêt.
Le juge Amit avait pourtant le devoir de signaler ses affaires en cours afin justement d’éviter de se retrouver dans une situation de conflit d’intérêt, ce qu’il n’a pas fait.
Concernant l’affaire face à la municipalité de Tel Aviv, cette dernière a attaqué pénalement Itshak Amit et son frère pour absence de mise aux normes sécuritaires de leur appartement. Les poursuites ont été rapidement abandonnées contre Itshak Amit uniquement et par la suite également contre son frère puisque les travaux de mise aux normes ont finalement été effectués.
Suite à ces révélations, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a demandé le report de la commission qui devait nommer Amit au poste de président de la Cour suprême. La conseillère juridique du gouvernement et la police ont ensuite estimé qu’il n’existait pas d’éléments permettant l’ouverture d’une enquête contre Amit.
Seulement, depuis d’autres affaires ont été révélées. L’une, rapportée par Ishay Friedman de la chaine 14, concerne une construction illégale que le juge aurait entrepris dans sa maison à Mevasseret Tsion. Le juge a réagi à cette publication en prétendant ne pas être au courant de cette irrégularité et en s’engageant à s’en occuper. Seulement, des journalistes de la chaine Kan ont découvert que le juge avait conscience de cette infraction et a même tenté de la faire passer sous silence.
L’autre nouvelle affaire de conflit d’intérêt révélée par Amit Segal sur la chaine 12 implique encore une fois le frère du juge.
Dans ce cas, Itshak Amit a jugé d’un recours contre la suppression de la sélection des conseils d’administration des compagnies d’Etat. Cette structure avait été mise en place par Yaïr Lapid en 2013 afin de limiter les cas de népotisme dans ces conseils d’administration publiques. L’idée était de constituer un réservoir professionnel de personnes destinées à faire partie de ces conseils d’administration, postes très convoités. Les ministres n’ont le droit de choisir qu’un des membres de ce »réservoir » pour leur nomination aux conseils d’administration.
En 2017, 400 nouveaux membres sont désignés pour faire partie de cette sélection sur 9000 candidats. L’un d’eux est Hanoh Goldfreind, le frère du juge Itshak Amit.
En 2000, le ministre Dudi Amsellem décide de supprimer ce »réservoir » qu’il juge trop élitiste et qui, selon lui, exclut toute une partie de la population de postes prestigieux.
Pour les membres de cette sélection, cette décision les prive d’un avantage considérable que ce soit sur le plan professionnel ou financier. Une lutte s’ouvre donc afin d’empêcher le ministre de mettre en oeuvre son projet.
Le mouvement pour un pouvoir de qualité a déposé un recours devant la Cour suprême pour faire annuler la décision du ministre Amsellem. C’est le juge Itshak Amit qui a traité de l’affaire alors même que son frère était directement touché. Le juge Amit a ordonné la suspension de la décision du ministre, décision qui va dans l’intérêt des 400 membres de la sélection dont son propre frère.
Dans cette affaire aussi, le juge Amit n’a pas jugé utile de se mettre en retrait et n’a pas non plus déclaré la proximité personnelle qu’il possédait avec ce dossier.
Le juge Amit a réagi à cette révélation en expliquant que le conflit d’intérêt n’existait pas dans ce cas précis puisqu’il s’agit d’un jugement sur une »institution » et non sur une »personne » en particulier.
Pourtant, les exemples ne manquent pas de cas similaires ou des ministres ou des députés ont été contraints de se mettre en retrait de certains dossiers quand un de leurs proches ou eux-mêmes pouvaient en tirer un intérêt.
Dans ce contexte, le ministre Yariv Levin est bien décidé à empêcher le juge Itshak Amit d’être nommé président de la Cour suprême avant que toute la lumière ne soit faite sur ces différentes affaires. C’est ce qu’il a écrit au juge en lui suggérant de suspendre lui-même sa candidature tant que ces affaires n’ont pas été élucidées.
Le juge Amit a répondu au ministre en pointant une »chasse aux sorcières » et en affirmant qu’il ne cèdera rien.