Quelques jours après Shavouot, où le peuple Juif célèbre le don de la Torah, il n’est pas inutile de revenir sur le conflit identitaire profond qui divise actuellement la société israélienne, dont j’ai retracé ces dernières semaines différents aspects. Je voudrais l’aborder ici sous un angle différent, celui de la conception de la loi. Comme je l’explique dans mon dernier livre Quelle démocratie pour Israël ? la “Révolution constitutionnelle” menée dans les années 1990 par le juge Aharon Barak repose sur sa philosophie bien particulière du droit, que j’ai caractérisée comme une conception totalitaire et quasi-religieuse du droit.
Les manifestants qui défilent depuis des mois dans les rues des villes israéliennes se présentent comme les défenseurs de la « démocratie » et des libertés, face à une coalition qui défendrait selon eux des conceptions rétrogrades et liberticides. En réalité, la loi du Sinaï, la loi juive (halakha) et toute la culture juridique qui en découle sont, à de nombreux égards, plus justes, plus démocratiques et plus propices à la liberté que le droit laïc occidental.
Parmi les réactions suscitées par le projet de réforme judiciaire au sein du judaïsme de la diaspora, celle de Robert Badinter était particulièrement éloquente. L’ancien président du Conseil constitutionnel – devenu une icône du camp progressiste depuis l’abolition de la peine de mort – a en effet déclaré que la réforme allait « détruire » la Cour suprême et que celle-ci était le “sanctuaire” d’Israël. Au-delà de l’outrance du propos, qui trahit une ignorance manifeste des réalités israéliennes, cette comparaison est révélatrice. Ce que nous dit Badinter, en effet, c’est que la Cour suprême incarne à ses yeux – comme à ceux de dizaines de milliers d’autres Juifs en Israël et ailleurs – la dimension du sacré.
« La loi est abstraite. Aujourd’hui le sanctuaire d’Israël, c’est la Cour suprême. Le peuple de la loi doit la préserver et il est interdit de toucher aux gardiens de la loi », explique encore Badinter. Cette conception est d’autant plus intéressante qu’elle exprime une vision très éloignée de la notion juive de la loi. Pour Badinter, comme pour son collègue Aharon Barak, la loi est une abstraction et le juge est le « gardien de la loi » (Badinter) ou le « gardien des valeurs » et de la démocratie (Barak). Une telle conception est en réalité radicalement opposée à la vision juive du droit. Dans la tradition hébraïque, en effet, la loi n’est pas une abstraction, mais une réalité bien concrète. Son origine transcendante n’en fait pas une pure abstraction, comme dans la philosophie kantienne, car « elle n’est pas dans les cieux » (לא בשמיים היא).
Commentant les premiers mots de la parashat Mishpatim, Rachi explique que le droit civil, tout comme les Dix Commandements lus précédemment, a été proclamé au Sinaï. « Et pourquoi les lois civiles font-elles immédiatement suite à celles relatives à l’autel ? Pour te dire que tu devras installer le Sanhédrin près du Sanctuaire… » Ce qui veut dire, en d’autres termes, que le droit positif est d’origine transcendante, tout comme la morale, et que la Cour suprême d’Israël devrait siéger près du Temple reconstruit. Ainsi, la loi du Sinaï est certes d’origine transcendante, mais les juges ne sont pas les « prêtres » et le Sanhedrin siège à côté du Temple mais pas en son sein. L’idée d’une Cour suprême (Sanhedrin) qui serait elle-même le Sanctuaire est contraire à la fois à l’idée juive d’une loi révélée et à la notion de séparation des pouvoirs intrinsèque au judaïsme.
En réalité, la loi du Sinaï et la totalité de l’édifice juridique construit par le peuple Juif au cours de sa longue histoire incarnent une notion du droit qui est non seulement plus juste (celle du Tsedek, c’est-à-dire un droit non séparé de la notion du juste et de la morale), mais aussi plus démocratique que la conception élitiste du droit d’Aharon Barak. Dans sa vision, en effet, le juge ne fait pas partie du commun des mortels. Il est de par sa fonction le seul habilité à lire, à interpréter et même à modifier la loi. Dans une telle conception, le peuple lui-même perd toute légitimité. Seule la loi est légitime.
Mais, à la différence de la Loi du Sinaï – qui a été donnée au peuple tout entier et que celui-ci est capable de comprendre et d’appliquer – aux yeux d’Aharon Barak, le juge est seul compétent pour comprendre la loi et la « dire » au peuple ignorant. Le juge est véritablement créateur de droit et il a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation.
Dans la conception classique de la démocratie, qui est conforme à la tradition juive, la loi exprime la volonté populaire (Vox populi) et la souveraineté du peuple. Aux yeux d’Aharon Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité « éclairée », seule habilitée à la comprendre et à l’interpréter. La Loi révélée au Sinaï, au contraire, est accessible à tous, et chaque Juif est capable de la lire et de l’interpréter. Hag Chavouot Saméah !
Pierre Lurçat
Mon dernier livre, Quelle démocratie pour Israël ?, vient de paraître aux éditions L’éléphant. Il est disponible sur Amazon, Fnac, B.o.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv.
“Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.
Liliane Messika, Mabatim
“Dans ce petit livre très dense et très pédagogique, Pierre Lurçat nous éclaire sur la crise actuelle que traverse Israël”.
Evelyne Tschirhart
“On ne peut imaginer ouvrage plus clair et plus adéquat pour comprendre quel est l’enjeu de ce qui s’est passé dans le pays”.
Rav Kahn, Kountrass
Merci pour ce bel éclairage…
C’est effectivement ce que l’on constate : une espèce d’aristocratie judiciaire supérieure et suprême qui décide de tout selon la conception d’Aharon Barak et c’est cela qui devient insupportable pour le peuple obligé de subir les diktats des juges.
Le 5 Mars 1933 le peuple allemand souverain avait exprimé sa conception de la démocratie ! C’était la volonté populaire ( Vox populi ) et non pas celle d’une minorité éclairée ! FERMEZ LE BAN !
La Knesset élabore les lois. Les Juges jugent selon les lois c’est ça la séparation des pouvoirs non?
Quand les juges font de la politique ce n’est plus la séparation des pouvoirs et c’est pourquoi on en est là aujourd’hui. Tout le monde reconnaît la nécessité d’améliorer le système actuel !
Lorsque des politiques, mis en examen et condamné récidiviste élaborent des lois en rupture avec la morale, la raison, la réalité et contraires aux lois fondamentales de ce pays, il ne s’agit plus de justice mais d’une vulgaire tambouille politicarde ! À ce jour, aucun pays démocratique n’a permis à des accusés de procéder à une réforme judiciaire !
Et ce qu a fait bennet c est bien ? pourquoi il ne rend pas des comptes a la justice lui ? Avec vous, c est toujours 2 poids 2 mesures. A date, Bibi n est pas accuse quand il sera officiellement accuse on agira en consequence. Alors arretez de semer la division entre nous.
C’est faux, bibi est accusé, mais toujours présumé innocent ! Quant à Bennett il peut dormir sur ses deux oreilles !
Désolé, à ce jour bibi est accusé et présumé innocent ! BENNETT lui, peut dormir sur ses deux oreilles !
OK …mais pas trouve coupable. Apres tous ces proces, ils n ont rien trouve …. ca ne vous frappe pas un peu ? Pourquoi ces juges ne l ont pas encore trouve coupable ?
Tu es l’exemple même du gauchiste ignare qui n’a pas de cervelle mais uniquement du « »y aura qu’à « »!
Pour accoucher d’un pamphlet comme le tien la moelle épinière suffit ! A toutes fins utiles, une greffe de cerveau se pratique depuis peu et tu peux la tenter, vu le rapport bénéfice/risque, tu ne risques plus rien !
Ce commentaire insultant du erev rav local mériterait une plainte au pénal pour comparaison fallacieuse d’une démocratie avec le nazisme.
Sans parler du déni de démocratie pour quelqu’un qui soutient à n’en pas douter les vociférateurs de la DEMOCRATIA.
A défaut de fermer le ban , il ferait mieux de fermer sa gueule
David-Kevin
1/A ce jour on peut dire que les poursuites judiciaires contre le PM sont en en train de s’effondrer et procèdent davantage du procès politique pour éliminer un adversaire procédé dont la gauche est coutumière.
2/vous dites : « Lorsque des politiques, mis en examen et condamné récidiviste élaborent des lois en rupture avec la morale, la raison, la réalité et contraires aux lois fondamentales de ce pays, il ne s’agit plus de justice mais d’une vulgaire tambouille politicarde ! »
La critique grossière a l’emporte pièce approximative sans nuance en l’occurrence la
Tambouille c’est vous.
Myriam, Moi ce que sais, c’est que je ne sais pas ce qu’il en est de ces procès et des témoins frappés d’Alzeihmer durant les audiences. Contrairement à vous je ne suis pas juge et je vais donc attendre les jugements et surtout leurs attendus ! Toutefois, une réforme judiciaire entreprise par des coupables et/ou accusés n’est possible qu’en Israël ou à Moscou et dans toutes les dictatatures ! Or, je ne suis pas et ne serai jamais un résident Moscovite !
Alors si vous n etes pas juges, arretez de porter des jugements erronés !! Bibi vous le haissez tellement que vous cherchez toutes les excuses pour le faire descendre encore plus. Quant a votre ami bennett, que vous trouvez tellement bon et intelligent, apres ce qu il a fait, vous dites qu il peut dormir sur ses deux oreilles ? Avec vous c est toujours le 2 poids de mesures quii compte. Et finalement, vous pouvez tres exprimer vos opinions sans insulter.
Mon commentaire est destiné à l’internaute qui se référait à Audiard pour me qualifier, mais aussi à tous ceux qui auraient l’intention de le faire !!!
S.V.P. Faites preuve d’un peu d’imagination ! Cette citation d’Audiard est usée jusque la corde…Mais il y a pire, tous les Juifs qui ont recours à ce dialoguiste de comptoir et à son argot carcéral des taulards et autres mafiosi, crachent sans pudeur ni honte sur notre histoire et la Shoah ! HONTE A VOUS ET A EUX ! Ce triste individu est bien connu pour ses écrits antisémites et collaborationnistes durant la période d’occupation ( voir la revue Temps Noir et tous les journaux fascistes de l’époque….) . Ce faisant, vous ne m’inspirez, au mieux, que de l’indifférence et en vérité, une appréciation que mon éducation m’interdit de publier !
Très mauvaise journée.
Il est intéressant d’observer positivement que ce conflit identitaire israélien né de cette proposition de réforme judiciaire ait provoqué un sursaut de conscience chez des personnalités juives françaises telles que Robert Badinter,Anne Sinclair et Maurice Lévy.
C’est quasiment un véritable séisme qui s’et produit rentrant brutalement en conflit avec un réveil d’ une conscience identitaire juive enfouie de diaspora. Cet ébranlement du sentiment d’appartenance à une communauté juive et Israélienne est plutôt positif. Mais la mise en miroir n’a pas renvoyé l’image conforme à l’étroitesse de leurs conception sur le sujet.
Et bien entendu, le niveau inattendu de leurs outrances a été proportionnel à la violence de leurs prises de positions, le comble ayant été atteint par Anne Sinclair qui s’offre une tribune au parlement européen pour venir crier sa honte à plusieurs reprise. Depuis son expérience New Yorkaise en matière de honte, elle savait de quoi elle parlait.
L’ignorance de la loi du Sinai habite beaucoup d’intellectuels y compris ceux autoproclamés de premier plan, et c’est ici un deuxième point positif car ils ont un accès facile à la constitution en feuilletant la bible et ses commentaires.
Selon mon humble (littéralement) appréhension du statut de la LOI – j’observerai:
De la création de l’Homme à l’attribution de la Torah il y a gradation de la Loi.
Noé est remarqué par Dieu pour sa conduite qui respecte le droit de son prochain.
Les Dix commandements incluent me semble-t-il, 2 sortes de lois:
Les lois concernant l’homme et son prochain et des lois “arbitraires” au-delà de la compréhension humaine dont l’acceptation est une déclaration de la soumission de l’Homme à son créateur impliquant l’abolition de la compréhension ou logique humaines.
Le juge Barak, à mené une lutte AU NIVEAU des lois noahides qui, si elles étaient majoritairement respectées changeraient le visage de l’humanité.
BEAUCOUP DE JUIFS ORTHODOXES ACCOMPLISSENT EN PRIORITÉ LES LOIS “ARBITRAIRES” OU “TECHNIQUES” DU JUDAISME AUX DÉPENS DE
בין אדם לחברו
À SAVOIR LA RESPONSABILITÉ D’UN CHACUN ENVERS SON PROCHAIN QUE LA TORAH S’APPLIQUE À TRAITER SUR TOUS LES PLANS.
LE RÔLE DE LA COUR SUPRÊME ET DE SES JUGES EST DE S’OCCUPER AVANT TOUT DE LA DEFENSE DES LOIS NOAHIDES SANS AUTRES PRÉTENTIONS.
ET C’EST LÀ UNE MISSION SACRÉE ET DES PLUS CRITIQUES.
ARRIVER AU STATUT DE JUGE N’EST PAS DONNÉ À TOUT UN CHACUN.
LE PEUPLE DOIT ÊTRE SOUMIS À UN SEUL SYSTÈME JUDICIAIRE QUI S’OCCUPE DE L’HUMAIN AU DELÀ DE SA RELIGION OU DE SA COULEUR ET CRAINDRE LA JUSTICE.
AUTREMENT:
איש הישר בעיניו יעשה
LA POLITIQUE ET UN PSEUDO-JUDAISME SERAIENT UNE POLLUTION DU SYSTÈME JUDICIAIRE.
SI NOUS APPLIQUONS TOUTES LES INJONCTIONS DE LA TORAH ENVERS NOTRE PROCHAIN, DIEU SERA FIER DE SON PEUPLE.
AU-DELÀ -À CHACUN D’EXPRIMER SA RELATION À SON CRÉATEUR EN TOUTE LIBERTÉ.
Le ci-dessus devrait aller de soi.
Sonia Hadida, c’est avec la même humilité qui vous habite de l’appréhension du statut de la loi que je réagis à votre commentaire sur celle ci.
La portée universelle des 7 lois Noahides révélées pour l’humanité entière, précédant la réception en état d’écoute debout des Dix Paroles révélées au peuple juif sur le Har Sinai, se retrouve en écho dans ce que vous nommez deux sortes de loi. Et celles que vous qualifiez d’arbitraires sont justement d’une éthique au service de l’homme pour combattre l’arbitraire. Un monde dirigé sous l’emprise de l’arbitraire serait invivable au point qu’il ait été emporté par le déluge, . Contrairement à votre analyse psychiatrique des cinq premières « lois arbitraires « allant de la soumission au point d’abolir le discernement humain, dans le triptyque des prières quotidiennes il est formulé une demande pour nous gratifier de la bonté de l’intelligence;
Quant à arriver au statut de juge qui n’est pas donné à tout un chacun, par contre tout un chacun peut le devenir.
Le mot religion n’existant pas en hébreu, c’est le mot « dat » la loi est celle qui inspire déjà le système judiciaire et qui devrait continuer à le faire.
La politique et un véritable judaïsme, celui issu de la révélation pourraient purifier le système judiciaire.