Notre entretien avec Sarah L. Singer est un voyage dans l’espace et dans les profondeurs de l’art. Son parcours, son rapport à sa passion et le dialogue avec le public qui en ressort, expliquent certainement la beauté de ses œuvres.
Aujourd’hui, elle expose ses photos du Ghetto de Venise et prépare une prochaine exposition sur Jérusalem. Nous vous invitons à découvrir cette artiste.
Le permis de conduire ou un studio de peinture
“Ce qui a déclenché ma vocation et qui m’a sauvée, c’est l’instinct maternel”, nous lance Sarah L. Singer, en guise d’introduction. ”Ma mère avait détecté quand j’étais toute petite que j’avais un potentiel dans la peinture. Du coup, au lieu de m’acheter des friandises pour me récompenser, elle m’emmenait dans les boutiques d’art de Paris et je choisissais du matériel”.
Lorsque Sarah atteint sa majorité, sa mère la place à la croisée des chemins. Elle lui propose soit de lui payer le permis de conduire, soit un studio de peinture. ”J’ai choisi le studio. C’est ce qui m’a protégée. Je me suis connectée à mon expression artistique”.
Elle devient alors le peintre de la famille et des amis, ce qui lui permet de se faire un peu d’argent de poche. Elle progresse seule, son père lui ayant interdit de rentrer aux Beaux-Arts – ”Barou’h Hashem”. En effet, le milieu artistique est difficile pour une jeune femme qui tient à certaines valeurs. ”Drogue, mœurs, je me sentais isolée dans ce milieu”. Elle part alors pour les contrées anglo-saxonnes : l’Angleterre puis les Etats-Unis, où le monde de l’art est plus respectueux de l’individu, nous explique-t-elle.
De l’Amérique à l’Afrique : l’appel de la nature
Aux Etats-Unis, elle peut enfin intégrer des écoles d’art prestigieuses comme UCLA. ”J’étais enchantée d’y être. J’y ai découvert la technique de la photo et surtout de la gravure”. Pendant deux années, elle possèdera un studio de gravure en Angleterre et exposera au Grand Palais, mais aussi à Los Angeles.
Les œuvres de Sarah sont ”surréalistes” : ”Je m’interrogeais sur le monde qui m’entourait. C’était un peu une façon de le fuir”. Puis, elle se voit proposer d’aller faire de la photo en Afrique, dans le cadre d’un projet de réhabilitation des lions dans la vie sauvage. ”J’ai abandonné le surréalisme, lorsque j’ai été confrontée à cette nature splendide. Je suis devenue, en quelque sorte, une émissaire chargée de diffuser la beauté de ce qu’Hachem a créé”.
Dieu est présent dans la bouche et dans l’esprit de notre artiste. Lorsqu’elle était à Los Angeles, elle a fait la connaissance du Rabbi Shlomo et de la Rabbanite Olivia Schwartz. ”Une famille hors norme qui m’a ouvert la voie vers une techouva”. C’est là aussi que Sarah commence à développer un intérêt pour Israël. Mais la route sera encore longue avant d’y arriver.
Le coup de foudre pour Venise
Sa mère étant très malade, Sarah regagne la France pour être à ses côtés. ”Ce fut sa dernière année, une période très difficile pour moi”. Parallèlement, elle continue à peindre, à graver, à exposer. Mais le cœur n’y est plus vraiment. ”C’était, il y 35 ans. Un jour où je me sentais particulièrement mal une amie tape à ma porte. Elle me propose de l’accompagner à Venise”. ”Tu es folle”, a été la réaction de Sarah, mais c’était déjà trop tard, l’amie avait tout réservé, ne lui laissant pas d’autre choix que de partir.
”Nous sommes arrivés à Venise à 6 heures du matin et j’ai eu un coup de foudre”. Cette première découverte sera un tournant dans sa vie d’artiste. A partir de là, elle passera toujours par Venise lors de ses voyages.
La recherche de la lumière
Sarah entreprend alors de photographier le Ghetto de Venise, un lieu historique hautement symbolique. ”Tous les Juifs y ont vécu en parfaite harmonie pendant 300 ans. Ce Ghetto était un refuge pour les Juifs européens victimes de persécutions”, nous décrit-elle. Comment passe-t-on de la photographie de paysages à celle de décors urbains ? “La question de fond est de savoir ce que je recherche dans la photographie. La réponse est la lumière, l’étincelle divine dans chaque détail, même dans les coins les plus obscurs”.
Ses photos du Ghetto de Venise, elle les a prises en se levant très tôt et en sillonnant tous les recoins. Elle capte, effectivement, une lumière envoûtante.
Lors d’une exposition dans un hôtel en Italie, le manager lui a demandé à voir ses photos du Ghetto, à l’approche des 500 ans de ce lieu. Le coup d’envoi d’une de ses expositions les plus plébiscitées était donné.
Si je t’oublie Jérusalem
Cette exposition voit le jour, en Italie, au moment où Sarah fait son alya, il y a 5 ans. ”En Israël, lorsque j’arrive, je ne parle pas la langue, personne ne me connait. Cette exposition sur le Ghetto de Venise a été un cadeau”. Ce projet qui lui tient à cœur arrive en Israël, grâce à un amateur présent lors du vernissage en Italie et qui lui propose de lui prêter un local sur Yaffo pour y exposer ses photos. ”Cette offre m’a ouvert les portes”. Tout s’enchaine : exposition à la Knesset, à la Mamilla, articles dans les journaux israéliens. ”Ma collection sur le Ghetto de Venise parle aux gens et à notre histoire en Israël. La présenter à la Knesset a été très émouvant pour moi”.
Aujourd’hui, elle se concentre sur des clichés de Jérusalem, notre capitale de cœur éternelle, pour une future exposition. Elle voudrait aussi lancer, ici, un projet qu’elle a initié et développer aux Etats-Unis : un centre d’art juif où elle enseigne aux jeunes passionnés. ”Nous devons nous défaire de l’influence des non Juifs dans les thèmes et la façon de pratiquer notre art. Celui-ci doit s’inspirer de la lumière et de nos valeurs juives”. C’est le message qu’elle a transmis à ses élèves américains et qu’elle espère continuer à diffuser, sur notre terre, là où il peut s’exprimer dans toute sa profondeur.
Photos: @ 2016 Sarah L singer
Pour aller plus loin:
Guitel Ben-Ishay