Les tensions au nord et au sud nous donnent l’impression que nous sommes au bord de la guerre régulièrement. Nos dirigeants font preuve d’une certaine retenue pour éviter un embrasement total. En effet, la guerre n’est pas une mince affaire. Elle a un coût financier bien sûr mais avant tout humain.
LPH a voulu se pencher sur ces combattants, qui ont vécu des guerres et qui en sont revenus la tête remplie d’images et de sons qui les accompagneront toujours.
Nous vous proposons de découvrir le témoignage de Shlomo Askira, ancien officier combattant au sein de l’unité Nahal, il a fait la deuxième guerre du Liban en tant qu’officier réserviste. Il a tenu ces propos lors de la cérémonie de Yom Hazikaron, en 2018, organisée par l’association Ressissim où il est bénévole. Cette association a précisément pour but de libérer la parole des combattants de Tsahal.
“Cela m’a pris du temps avant de comprendre qu’il fallait que je raconte ce que je ressens. Pendant longtemps, je me suis tu, parce que c’est ainsi qu’il fallait faire. Puis je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul. L’armée sait gérer des combattants, c’est son rôle, elle forme des soldats qui défendront le pays, ses citoyens. Elle ne sait pas gérer des hommes. On ne parle pas de ses sentiments à l’armée, on a honte de le faire, on ne veut surtout pas passer pour une mauviette.
Quand on devient officier, on passe à l’étape supérieure : si nous ne voulions pas être une mauviette en tant que soldat, alors on ne veut pas que ceux qui seront sous nos ordres le soient. Ma mère m’avait pourtant mis en garde, quand je suis devenu officier : ”N’oublie pas d’où tu viens”. Il m’est arrivé souvent d’avoir des moments difficiles, d’être même sur le point de pleurer, quand j’étais un simple soldat. A mon grand regret, j’ai échoué en tant qu’officier, je n’ai pas su prendre en considération, les peurs et les sentiments de mes soldats”.
Après cette introduction, Shlomi Askira raconte l’expérience décisive de sa vie de soldat et d’officier, la deuxième guerre du Liban.
”J’étais officier réserviste, en poste à Djénine. Un matin, on nous annonce qu’une guerre s’annonce dans le nord. Quelques jours après, nous sommes transportés à la frontière avec le Liban. A cet instant, je me suis rappelé la phrase de ma mère. J’ai donc demandé à mes soldats si l’un d’entre eux avait peur de partir à la guerre. Aucun ne s’est manifesté. J’ai formulé alors différemment ma question : avez-vous des craintes pour partir au combat ? Aucun ne s’est manifesté. Mon officier m’a rappelé à l’ordre : ce ne sont pas des questions que l’on pose. J’ai retenu la leçon.
Pourtant, à la veille de notre entrée au Liban, j’apprends que certains des soldats refusent d’y aller. Je me suis fâché, j’ai renvoyé ceux qui avaient des doutes. Je n’ai compris qu’après que ce n’était pas si simple. L’un de mes soldats en patrouille a été, un jour, doublé par une voiture de terroristes. Ils ont ouvert la fenêtre et ont commencé à tirer sur la jeep. Comme elle était blindée, mon soldat est sorti indemne. Quand il est rentré, on lui a demandé s’il allait bien, il a répondu oui, et nous avons continué. Puis quand il est venu me dire qu’il avait besoin d’aide, après cet événement, je l’ai accueilli froidement”.
A cet instant de son discours, Shlomi a la voix qui tremble. Puis il poursuit.
”Quelques jours après, nous entrons dans un village du Liban, rempli de terroristes. On nous donne l’ordre de maitriser une maison, ce que nous faisons. Soudain, j’entends à la radio des officiers des cris : ”Aidez-moi ! Maman !!”. Je me dis, ce n’est pas possible, cette radio est réservée aux officiers, comment un officier peut-il craquer ainsi ! Nous sommes envoyés pour le sauver. Nous courons à travers un village hostile, en plein jour. Nous avons réussi à le sortir mais dans une tension énorme. Puis nous allons faire une autre mission. Les forces devant nous sont en difficulté, j’entends encore des cris à la radio. Il y a des blessés. On nous demande d’aller les évacuer. Mes soldats courent à toute vitesse avec les brancards pour mettre les blessés à l’abri. Le nombre de blessés est impressionnant. Je vois alors certains de mes soldats qui tiennent un brancard mais ne bougent pas. ”Qu’attendez-vous, on a des blessés !”. Mais ils sont paralysés. J’y vais à leur place, j’ai alors compris pourquoi ils ne voulaient pas y aller. Mon histoire de la guerre du Liban se termine un soir, lorsque je rentre au camp et que je m’écroule, en larmes. Je n’ai jamais pu parler avec qui que ce soit de cela.
Pendant toute la guerre, j’étais en conflit avec mon sous-officier. On m’avait prévenu qu’il était sensible et qu’il préfèrerait toujours préserver ses soldats. Cela m’a plu. Tout se passait bien jusqu’à la guerre. J’ai commencé à lui reprocher de ne pas prendre ses responsabilités, d’être trop à l’écoute. J’ai eu des mots durs envers lui. Je n’ai pas compris que nous étions plus qu’une équipe d’officiers, nous étions des amis.
A l’armée, on fait le lien entre être un bon combattant et être un bon copain, un mec bien. Cela crée une tension permanente entre le fait d’être combattant et celui d’être un être humain. Je n’ai réalisé que tout était beaucoup plus compliqué que lorsque mon sous-officier, s’est suicidé, il y a quatre ans”.
Shlomi conclut en larmes : ”Ce serait tellement mieux, si l’on pouvait se scinder entre le combattant dur et l’être humain sensible, qu’il n’y ait aucun contact entre ces deux aspects de notre personnalité”.
Enfin, un azrallhien qui reconnaît que Tsahal, l’armée ” la plus morale ” , a dans ses rangs une majorité de baltringues, portant des couches
Des lions qui se cachent derrière des enfants et des femmes… Nos soldats ont du coeur, contrairement à vos terroristes. Et cela nous a plutôt bien réussi jusqu’à présent !