Lettre adressée aux éminents rabbins chli’ta signataires d’une déclaration appelant chacun à agir contre les actions de ce nouveau gouvernement et à tout faire pour le renverser.
Chabbat dernier j’ai retrouvé mes élèves pour le « Oneg Shabbat ». Ils m’ont raconté avoir lu la déclaration appelant à appliquer la « mitsva » d’agir pour renverser le gouvernement et m’ont interrogé pour savoir comment l’observer.
Nous avons procédé ensemble à la lecture de ce texte. Et bien que vous ayez écrit que c’est une mitsva de tout faire pour renverser le gouvernement, et que quiconque ne participe pas à cette importante entreprise n’est pas moins qu’ « associé lui-même à un acte de corruption », vous n’avez donné aucun conseil pratique sur la façon de procéder.
Aussi avons-nous essayé de réfléchir par nous-mêmes :
Vous voudriez peut-être que nous priions pour le renversement du gouvernement ? Mais vous ne nous avez pas proposé de formulation spécifique pour cette prière. En effet on se souvient que, même à l’époque du Talmud, seul Samuel le petit était capable de composer une prière contre les Méchants.
Ou bien nous avez-vous demandé de nous renforcer dans l’étude de la Torah ? Cela ne semble pourtant pas être le cas car vous exigez une action or agir implique que les étudiants sortent du Beit midrash.
Du coup nous avons pensé que vous vous voulez peut-être que nous bloquions les routes mais nous avons d’emblée écarté cette option ; en effet vous nous avez ordonné d’agir uniquement de manière légale.
À moins que vous ne vouliez que nous saisissions la Cour suprême, en effet vous évoquez la possibilité d’agir « par la voie judicaire » ? Mais nous sommes de simples étudiants et nous ne savons pas comment nous y prendre. Du reste, vous avez toujours appelé à s’abstenir d’avoir recours aux tribunaux civils.
Finalement peut-être souhaitez-vous que nous fassions honte à un député de Yamina lorsqu’il vient prier dans sa synagogue ou que nous le mettions à l’écart s’il vient y assister à une fête ? Non ce n’est vraiment pas possible : l’épisode Kamtsa / Bar Kamtsa nous a largement suffi.
Peut-être au fond pensez-vous qu’il faut que nous insultions un ministre qui vient se recueillir sur une tombe au cimetière ? Cela non plus n’est pas envisageable : ne nous avez-vous pas toujours éduqués à respecter l’État et ses représentants ? Ne nous avez-vous pas enseigné qu’Elie devait honorer Achab même si celui-ci a reçu son royaume dans le péché et qu’il était lui-même un meurtrier et un escroc.
Comme nous n’avons rien trouvé, j’ai expliqué aux élèves qu’il s’agissait probablement juste d’un dérapage écrit, un lapsus calami. Les rabbins ont cherché à exprimer leur colère et leur frustration envers le nouveau gouvernement, leur ai-je dit, mais ils n’ont donné aucune directive pratique d’aucune sorte pour les convertir en action.
Et pour que nous, étudiants, ne soyons pas embarrassés, nous demanderons à nos éminents rabbins et maîtres de réduire un peu les flammes car nous ne sommes après tout que de simples étudiants qui ne comprenons pas toujours la langue pointue du Beit Midrash.
Et à mes étudiants je conseillerai ceci : continuez à étudier la Torah, aidez vos amis, honorez vos parents, sanctifiez le Très-Haut et rappelez-vous qu’un peu de lumière repousse toujours de profondes ténèbres.
Bref, chers étudiants, il n’y a pas de nouvelle mitsva. C’était juste un « lapsus calami »