La Guémara[1] enseigne que, si la lumière de ‘Hanoucca s’éteint par accident avant que la demi-heure obligatoire ne se soit écoulée, il n’est pas nécessaire de la rallumer.
Pour quelle raison ? La Guémara explique que c’est lorsqu’on allume les bougies qu’on accomplit la mitzva. C’est pourquoi, si à ce moment-là il y avait suffisamment d’huile pour qu’elles brûlent une demi-heure, la mitzva est accomplie.
Cette halakha est étonnante. En effet l’objectif de l’allumage des bougies de ‘Hanoucca est de faire connaître le miracle. La Guémara souligne en plusieurs endroits, qu’elles doivent pouvoir être vues par les passants. C’est aussi la raison pour laquelle elles doivent être placées à l’entrée de la maison qui donne sur la rue. Il devrait donc être impératif que les lumières brûlent réellement pendant la demi-heure de rigueur afin que les gens puissent, en voyant ces bougies, se souvenir du miracle.
Dans la paracha Vayechev, nous lisons que Joseph a été vendu en Égypte. Ce jeune homme de dix-sept ans, ce garçon coquet, s’assimile dans l’Égypte qui l’accueille[2]. Lorsque la femme de Putiphar essaiera de le séduire, il se laissera tenter, dans un premier temps, par ses avances. Ce n’est qu’au tout dernier moment, alors que son vêtement se trouve déjà chez elle qu’il s’enfuira. Extraordinaire ! Où donc a-t-il puisé les forces nécessaires pour résister, au moment le plus difficile, à la tentation ? Il avait pourtant quitté depuis longtemps la maison paternelle et avait eu le temps d’être influencé par les Égyptiens au cours de ses longues pérégrinations dans ce pays !
Rachi[3] explique qu’au dernier moment, le visage de son père, Jacob, lui est apparu et que c’est cette vision qui l’a emporté sur ses instincts.
Comment comprendre que Joseph ait eu soudainement la vision du visage de son père ? Revenons au début de la paracha[4] : « Voici l’histoire de Jacob : Joseph. » Joseph est ici présenté comme le continuateur de Jacob. En effet, il existe une relation entre Jacob et Joseph qu’on ne trouve, ni entre Abraham et Isaac, ni entre Isaac et Jacob.
En effet, Abraham et Isaac ne se parlent guère. Le dialogue entre eux n’existe réellement qu’au moment de la ‘aqéda (le non-sacrifice d’Isaac). Auparavant, lorsque Dieu annonça à Abraham qu’il allait avoir un fils, Isaac, il préféra prier pour Ismaël. Après la ‘aqéda, Abraham ne donne pas directement l’ordre à Isaac de ne pas quitter Israël. C’est à son serviteur Eliézer qu’il s’adresse.
Les relations entre Isaac et Jacob sont plus étonnantes encore. Isaac préfère Ésaü à Jacob. Ce dernier, lorsqu’il se décide enfin à revenir chez son père – après une absence de vingt-deux ans – mettra plus d’une année et demie pour mener à terme son voyage.
Mais la relation entre Jacob et Joseph est tout à fait différente. On l’a vu, dès le début, le texte mentionne que Joseph est la continuation de Jacob. Plus loin, il est dit encore qu’il était « le fils de sa vieillesse »[5]. Et Rachi d’expliquer que toute la Thora que Jacob avait apprise chez Chem et Ever, il l’a enseignée à Joseph ; c’est-à-dire que, contrairement à Jacob, Joseph, lui, a pu profiter de l’enseignement de son père. Cette relation entre le père et son fils va se poursuivre tant que Joseph restera auprès de Jacob. Ainsi, c’est tout naturellement que Jacob lui demandera d’aller voir ses frères pour rétablir entre eux la paix. Et Joseph obéit tout en sachant combien cette mission est périlleuse.
Soudain cette relation idyllique entre Jacob et Joseph est interrompue brutalement par la vente de Joseph, en Égypte. Comme nous l’avons vu, Joseph est alors encore un très jeune homme et le voici brusquement privé de l’enseignement de son père ; il risque de s’assimiler à la société égyptienne à laquelle il appartient désormais, et dans laquelle il accède rapidement à des postes élevés.
Nous voyons qu’au moment le plus critique, Joseph saura surmonter ses penchants. S’il parvient à cette maîtrise de lui-même, c’est grâce à l’enseignement qu’il a reçu chez son père Jacob. Joseph a reçu les lumières de Jacob. Lorsque l’allumage a été fait comme il doit l’être, on ne doit plus avoir de soucis pour l’avenir. Et même si une éclipse se produit, celle-ci ne sera que momentanée. Pour Joseph, le visage de Jacob ne s’éteint jamais.
À l’époque de ‘Hanouka, le peuple juif a été tenté par la culture grecque. Cette fête nous rappelle que si les ‘Hachmonaïm ont été capables de ramener le peuple à la Thora, de résister aux tentations de l’assimilation, c’est parce que dans leur jeunesse, des pères ont su allumer en eux la véritable lumière.
C’est donc bien au moment de l’allumage que s’accomplit la mitzva.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ”A la table de Shabbat”
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[1] Chabbat 21b.
[2] Béréchit Rabba 84, 7.
[3] Sur Genèse xxxix, 11.
[4] Genèse xxxvii, 2.
[5] Genèse xxxvii, 3.