FIGAROVOX/ANALYSE – Les accusations de viol visant Tariq Ramadan ont déclenché un déferlement de réactions antisémites de ses fans, notamment contre ses victimes présumées. Le décryptage de Barbara Lefebvre.
Barbara Lefebvre est enseignante. Elle a contribué à l’ouvrage collectif Autopsie d’un déni d’antisémitisme. Autour du procès fait à Georges Bensoussan, L’Artilleur, 2017.
A ce stade de la procédure judiciaire, il est essentiel de respecter la présomption d’innocence. Tariq Ramadan est accusé par plusieurs femmes d’actes délictueux voire criminels, puisque le viol est un crime relevant d’une cour d’assises. Les faits sont graves et méritent mieux que des tweets délateurs comme on en a connus en France dans le sillage de l’affaire Weinstein. En l’occurrence quand une plainte est déposée par une victime, c’est qu’un conseil lui a assuré que les éléments avancés peuvent suffire à solliciter la justice pour faire valoir ses droits et demander réparation. Les pièces sont entre les mains des juges, ils se prononceront et n’ont pas besoin de péroraisons médiatiques.
En revanche, il y a dans cette affaire un arrière-plan qui mérite d’être commenté avec plus de vigueur. Seul le Monde, à cette heure, en a fait état de façon circonstanciée. C’est le déferlement antisémite des fans de Tariq Ramadan contre les victimes, en particulier Henda Ayari, la première à s’être courageusement exposée. Les réseaux sociaux libèrent la parole. En effet. En lisant les tweets et les posts Facebook des défenseurs du gourou frériste suisse, j’ai pensé à la Libre Parole, le principal quotidien antisémite français entre 1892 et 1924. Je n’aime pourtant pas comparer l’antisémitisme musulman avec celui de l’Europe des années 1890-1930. Il a des singularités qui puisent dans la théologie, l’histoire politique et culturelle pluriséculaire du monde arabo-musulman. Il mérite qu’on le regarde en face, qu’on l’étudie pour ce qu’il est au lieu de le réduire à un avatar de l’antisémitisme d’avant guerre.
La judéophobie est un élément de l’inconscient collectif musulman, un marqueur culturel identitaire, comme elle le fut dans la France du XIXè et du début du XXè sicèle. Mais l’humanité est bien faite: il existe des musulmans pratiquants ou non, croyants ou non, qui ont su déraciner de leurs cœurs et leurs esprits cet antisémitisme primaire qui gangrène les sociétés musulmanes. Les hommes sont pourvus d’un cerveau qui peut se déprendre de lui-même, par l’exercice de la raison, par l’effort de penser qui arrache les ferments d’une haine transmise par l’éducation familiale, institutionnelle ou populaire. La famille Merah en est un exemple: élevé par des parents antisémites obsessionnels, Abdelghani a su s’extraire de ce magma de haine où se complaisaient Abdelkader, Souad et Mohamed. On peut donc parler d’antisémitisme musulman sans viser tous les musulmans, comme on parlait de l’antijudaïsme chrétien sans oublier les chrétiens amis des juifs. L’antisémitisme est un phénomène qui a une réalité historique, sociale, culturelle. Un individu croit qu’en accusant les juifs de tous les maux de la terre ou de tous ses maux à lui, il trouve la réponse à ses problèmes, ses doutes, ses interrogations. Mais il n’a pas choisi le sujet juif au hasard, il a baigné dans une culture de préjugés qui a mis les juifs à cette place d’accusés éternels. Il faut être aveugle et sourd pour ne pas voir combien l’animosité antijuive irrigue les sociétés arabes contemporaines. Qu’on y parle alternativement «des juifs» ou «des sionistes», cela ne fait aucune différence. Mais la bien-pensance qui règne en France oblige à dire que seuls les islamistes sont antisémites, que l’antisionisme n’a rien à voir avec l’antisémitisme, que c’est l’antisémitisme occidental qui a été importé dans le monde arabe, et même depuis peu que les actes antisémites sont le fait de psychotiques. Négation de l’histoire. Aveuglement fatal.
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Par Barbara Lefebvre
Triste affaire ! Et la religion n’a rien à voir ou à faire ici. Tous ceux qui ont abusé et même pire violé des femmes ne respectent rien pas même leur religion ! On a le droit de penser qu’ils utilisent la religion comme un moyen d’abuser encore plus ! Triste constat.