L’approche herméneutique de Manitou préconise une vigilance accrue en matière de fidélité à la Sagesse hébraïque, associée au recours précautionneux aux contenus et aux méthodes d’analyse de la culture occidentale. Cela ne procède ni d’une stratégie ni d’une tactique pédagogiques, mais de sa vision de la recherche du sens.
En effet, la fidélité à la Sagesse hébraïque procède de sa conviction de l’identité entre Thora et Vérité et de la mission spécifique du peuple juif en la matière dans ses deux vocations (intérieure et extérieure). Après avoir systématiquement jugé la Sagesse hébraïque selon les critères de la philosophie et de la culture occidentale, le temps était venu d’interroger celles-ci à l’aune de la mentalité hébraïque. La « réhabilitation des intuitions immédiates de la conscience hébraïque » a été suivie de la réhabilitation de la Sagesse hébraïque en tant que partenaire de dialogue.
Le recours avisé aux contenus et méthodes de la culture occidentale s’impose en raison du caractère universel de certaines préoccupations, D-ieu étant le Créateur de toute l’humanité.
Concernant la fidélité à la Sagesse hébraïque, il n’y a pas de place pour l’ambigüité concernant celui qui est habilité à exposer « l’esprit du Judaïsme » : le Maître n’est pas identifié par son aura médiatique, « un Maître est celui qui a eu un Maître », ni au sujet du devoir de rigueur dans le renouvellement du sens « c’est un renouvellement de sens et il n’est authentique qui s’il vient à être conforme avec tous les enseignements de la Tradition. S’il y a un seul enseignement de la Tradition avec lequel cela ne « colle pas », le ‘hidouch est approximatif donc faux ».
Ces rappels sont essentiels car, provenant entre autres d’outre-Atlantique, se fait de plus en plus envahissant un néo-judaïsme « progressiste » enveloppé dans ce qu’on nous présente comme «Tikoun olam», une caricature de la vocation juive à améliorer le monde. On aura, semble-t-il, oublié la deuxième partie du principe « Tikoun olam bémalkhout Chadaï » en l’occurrence changer le monde dans la perspective du Royaume céleste – la dimension éthique ne peut pas être artificiellement détachée de la propédeutique de la Halakha et ne saurait cautionner les dérives de croyances ou de mœurs qui n’ont plus rien à voir avec la Sagesse hébraïque, même s’ils sont à la mode et semblent convenir avec une vocation universelle.
Deux dangereux processus
Grace à son érudition en matière de Sagesse hébraïque, à sa profonde connaissance de la psychologie et de la sociologie, à sa perspicacité exceptionnelle, le Rav Yehouda Léon Askénazi a discerné des processus qui se prolongent et se précisent de nos jours. A l’intérieur du monde juif : les tentatives contradictoires de désistement d’identité, d’usurpation d’autorité pour parler au nom du judaïsme, la limitation de la Halakha à un corpus de préceptes dans l’ignorance délibérée de leur vocation. A l’extérieur : une offensive contre tout ce que peut représenter le Nom d’Israël, la prise en otage, par les ennemis d’Israël, de la morale, de l’histoire et de la culture, dans le silence lâche et complice des nations. Mais aussi la propagation de l’universel du désistement cosmopolite qui a ruiné la conscience et l’identité européenne/occidentale et qui n’est que trop présent dans le champ intellectuel juif et israélien (à l’opposé de l’universel de rayonnement, celui auquel la pensée juive nous a familiarisés).
Comment y faire face ?
À nous de puiser dans la Sagesse hébraïque à travers la pensée juive qui nous a été enseignée par le Rav Yéhouda Léon Askénazi et, à l’aide de ses disciples devenus eux-mêmes des Maîtres à part entière, de nous confronter aux défis de notre génération sans perdre de vue la perspective de la durée. Le temps imparti est court et la tâche est immense, mais il y a dans notre peuple des hommes et des femmes d’une grandeur d’âme et d’une intégrité exceptionnelles.
Manitou a occupé un rôle essentiel dans ma vie et dans ma conscience des étapes importantes de ma vie : en tant que responsable de la formation de cadres du Département Educatif de la Jeunesse Juive, en tant que chargé de mission du Département de la Jeunesse de l’Agence Juive, responsable de groupe d’alyah de familles du Mouvement de l’Alyah, en tant qu’auteur d’un doctorat de philosophie sur « l’École de Paris de pensée juive ». Son enseignement m’éclaire au quotidien en tant qu’Israélien, en tant que Juif, qu’homme, en tant que père…
Dr. Raymond Fitoussi
Il faut rajouter à ce texte, malheureusement, le retour de propos discourus même au sein de synagogues pour une nouvelle façon de présenter le contenu de notre Livre, sous le couvert d’une philosophie qui plait à être entendus, mais qui n’est hélas que le développement d’une rhétorique qui avait fait des ravages auprès de la population, il y a plus de deux millénaires.
on n’hésite pas à déformer les explications de nos sages (‘Hazal), et le texte même de la Torah, pour faire coller et supporter des exemples actuels, il n’y a plus de limites à l’envie de captiver les foules.