Une crise qui est en train de prendre de l’ampleur entre Israël et la Russie. Il y a un mois, le ministère de la Justice russe informait l’Agence Juive sur son territoire de son intention de procéder à sa fermeture pour des raisons de non conformité avec la loi russe.
Ces dernières années, les bureaux de l’Agence Juive dans les villes russes de province ont été confrontés à plusieurs reprises à des accrochages avec les autorités locales. On leur reprochait de »collecter illégalement des informations sur les citoyens russes ». En réalité, ces informations collectées étaient celles dont l’Agence Juive a besoin pour mener ses activités face à ceux qui sollicitent ses services: noms, coordonnées, e-mail. Ces informations concernaient les jeunes qui voulaient s’inscrire aux camps d’été de l’Agence Juive ou des Juifs qui demandaient à s’inscrire aux cours d’hébreu ou autres activités proposées par l’organisation, en plus des services liés à l’alya.
L’Etat d’Israël a décidé de ne pas faire trop cas de ces incidents, considérant qu’il s’agissait de volontés ponctuelles et locales de perturber le quotidien de l’Agence Juive.
Mais lorsque la lettre du ministère russe de la Justice est arrivée au bureau principal de Moscou, les signaux d’alerte se sont allumés. L’affaire devenait plus sérieuse. La Russie veut faire cesser les activités de l’Agence Juive.
Les citoyens russes juifs s’en inquiètent et pour plusieurs raisons. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les demandes d’alya de Russie ont augmenté, les libertés individuelles déjà mises à mal avant, sont de plus en plus limitées. Par ailleurs, l’Agence Juive joue aussi un rôle de promoteur de l’identité juive sur place. Les Juifs de Russie craignent de perdre leur lien avec Israël et le judaïsme.
D’après les observateurs, il n’est pas certain que Poutine soit derrière cette crise. En effet, il faut rappeler que certes Poutine est un dictateur autoritaire, mais il ne règne pas en maitre incontesté sur toute la Russie, certains gouverneurs locaux ne laissent pas leur part de pouvoir. Si le maitre du Kremlin est connu pour ses positions plutôt pro-israéliennes et philosémites, il n’en demeure pas moins que les hauts responsables russes sont, pour beaucoup, antisémites.
Plusieurs raisons sont avancées à cette crise qui grandit de jour en jour. La première est le mécontentement de la Russie face aux prises de position d’Israël, par la voix de son Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, en faveur de l’Ukraine dans le conflit qui l’oppose à la Russie.
La seconde serait l’exaspération de certains haut-placés en Russie face à la liberté d’action de Tsahal en Syrie. Les actions répétées sur le sol syrien seraient vues d’un mauvais oeil et il s’agirait de faire payer Israël pour cela. Les instructions viendraient donc du ministère de la Défense.
La troisième raison évoquée est la stagnation du transfert de la Cour d’Alexandre à Jérusalem, sous autorité russe comme cela avait été promis par le gouvernement israélien, au moment de la libération de l’otage Naama Issahar. Bien que la décision ait été avalisée par le niveau politique, la justice israélienne l’a invalidée, retardant ainsi le processus.
Est-ce une de ces raisons ou la combinaison des trois qui poussent les autorités russes à s’en prendre à l’Agence Juive?
Le Premier ministre Lapid envoie aujourd’hui (dimanche) une délégation des ministères de l’Alya et de la Justice afin de discuter avec les autorités russes du problème. Israël a décidé ainsi de jouer le jeu des Russes et de considérer la crise comme une crise juridique, lorsque tout le monde sait qu’il ne s’agit pas de cela. Les arguments juridiques ne sont qu’un prétexte à une crise qui est profondément diplomatique et géopolitique.
Une réunion doit aussi se tenir aujourd’hui entre Lapid et sa ministre de l’Alya et de l’Intégration, Pnina Tamano Shata. Sont également invités à y participer, les ministres issus de l’ex-URSS: Avigdor Liberman, Zeev Elkin et Yoël Razvozov. Ils doivent permettre aux autorités israéliennes de mieux comprendre le système de fonctionnement en Russie et on espère aussi que les liens privilégiés d’Elkin avec le Kremlin seront d’une quelconque utilité.
Le Jerusalem Post en anglais révèle, par la plume de Tsvika Klein, qu’à Jérusalem, on songe à transférer les bureaux de l’Agence Juive en Russie, en Israël. L’idée est de continuer à proposer les services de l’administration mais à distance. Cette solution n’est que partiellement satisfaisante, pour les raisons évoquées plus haut, liées au rôle que remplit l’Agence Juive pour la préservation de l’identité juive sur place, par des cours d’hébreu et d’autres activités de ce genre. Elle ne répond pas non plus aux besoins des personnes âgées qui auront du mal à se faire à une solution digitale, sans face-à-face et contact humain pour réaliser les démarches nécessaires pour l’alya.
A Jérusalem et à Moscou, les services israéliens promettent de tout faire pour éviter la fermeture de l’Agence Juive en Russie.