Article de Nathalie Hamou publié dans AJ MAG Janvier 2025
Les habitants des localités israéliennes frontalières du Liban, pour la plupart, ne devraient pas revenir chez eux avant l’été 2025. Parmi les défis : la restauration de la confiance et d’un horizon économique.
La nouvelle est tombée jeudi 5 décembre, huit jours après la signature de la trêve entre Israël et le Hezbollah. Le milliardaire et ancien maire de New York, Michael Bloomberg, dont la fortune est estimée à 102 milliards de dollars selon Forbes, a annoncé qu’il ferait don de 100 millions de shekels, soit environ 27,8 millions de dollars, pour la reconstruction des zones du nord du pays endommagées par la guerre. Ce geste est présenté comme un « investissement initial » par les responsables des autorités municipales concernées. De quoi mettre un peu de baume au cœur des 68 500 résidents des localités situées le long de la frontière libanaise, évacuées depuis plus de quatorze mois.
Les défis sont immenses. À en croire le Centre Taub pour les études de politique sociale en Israël, le coût des dégâts subis par les infrastructures et les habitations des communautés du nord d’Israël – y compris les systèmes d’eau, les égouts, les lignes électriques et les routes – s’élève à 5 milliards de shekels. Rien que cette année, Kiryat Shmona (23 000 habitants), la principale ville de la région, a subi 1500 impacts directs : un millier de maisons ont été endommagées ou détruites.
Et le traumatisme reste présent. « Il n’était jamais venu à l’esprit de quiconque qu’une évacuation serait ordonnée et qu’aucun plan n’était en place lorsque l’ordre a été donné », a confié mercredi 4 décembre Yotam Degani au pied d’un immeuble résidentiel entièrement incendié suite à une frappe directe ayant touché un entrepôt voisin l’été dernier. « Au fil des ans, nous nous étions habitués à être bombardés », a poursuivi ce responsable municipal qui fait observer que Kiryat Shmona, avec 431 abris publics, possède probablement « plus d’abris antibombes par habitant que toute autre ville au monde ».
Pourtant, à l’exception de quelque 3000 résidents (pour la plupart des forces de sécurité et des agents municipaux), tous les habitants sont partis lorsque l’ordre d’évacuation a été donné, le 23 octobre 2023. Doivent-ils d’ores et déjà envisager de rentrer ? « Le gouvernement finance les dépenses de logement des évacués. Certains ont profité de la trêve pour prendre la route et inspecter leurs habitations, dont la surveillance a été confiée à une société privée. Mais la grande majorité des familles réparties dans tout le pays attendront la fin de l’année scolaire pour se réinstaller. D’autant que la Municipalité ne peut pas encore garantir la fourniture des services minimaux. Et surtout, s’interroge encore Yotam Degani, comment faire pour qu’à l’horizon de cinq ans, le Nord puisse retrouver le chemin de la prospérité ? »
Car pour l’heure, si le calme semble être revenu, le retour à la normale n’est pas encore de mise. À titre d’exemple, la firme de défense Elbit, comme 26 start-ups spécialisées dans la « FoodTech », ont quitté la région. « Si je regarde les entrepreneurs de Galilée, 104 start-ups et entreprises opérant entre Kiryat Shmona et Rosh Pina ont dû être évacuées. Et il reste très difficile de maintenir les entreprises à l’ombre de la guerre », a déclaré pour sa part Erel Margalit, le président du fonds de capital-risque JVP, qui a toutefois décidé de rouvrir les portes de son centre Margalit Start-Up City à Kiryat Shmona.
Ce sentiment d’incertitude est également perceptible dans les allées du kibboutz Dafna, une communauté agricole située à deux kilomètres de la frontière libanaise. Le bâtiment regroupant son collège et lycée, touché par de lourds éclats d’obus en juillet, est hors service. Certaines maisons sont barricadées après des impacts directs. « Et les vergers d’avocatiers ont perdu de nombreux hectares à cause des incendies déclenchés par des missiles », a souligné de son côté l’agriculteur Magen Shenhav qui évalue à 3 millions de shekels le manque à gagner subi par cette plantation. Avant le 7 octobre, les 1050 résidents de Dafna vivaient de l’agriculture, de l’énergie solaire et du tourisme dans l’une des régions les plus pastorales et prisées d’Israël.
« Je n’ai pas parlé à une seule famille du kibboutz qui ne prévoit pas de revenir », a déclaré, avec un brin d’optimisme, le gestionnaire de la communauté, Arik Yaacovi. Pour ce dernier, il faudra sans doute une génération pour restaurer la confiance et retrouver un sentiment de sécurité. « Mais en attendant, il est impératif de faire revenir les habitants pour que la région du Nord amorce sa reconstruction », affirme-t-il.
Selon les données recueillies à la fin du mois d’août par le Centre Taub pour les études de politique sociale en Israël, quelque 68 500 résidents israéliens ont été évacués de leurs maisons situées le long de la frontière nord d’Israël. Parmi eux, 17 000 vivent dans des hôtels depuis plus de dix mois et 64 000 ont trouvé d’autres solutions de logement en dehors de leurs communautés.
Selon le ministère de la Défense, la répartition des dommages aux bâtiments est la suivante : sur un total de 2874 structures endommagées par les tirs du Hezbollah, on compte 1669 maisons résidentielles, 213 bâtiments publics, 104 infrastructures et 150 installations agricoles.
Le ministère du Tourisme a annoncé qu’il investirait 65 millions de shekels pour les infrastructures touristiques du nord d’Israël.
Nathalie Hamou, à Kiryat Shmona