Le Rav Youval Sherlo dirige la yeshivat hesder Orot Shaoul. Il est l’une des figures les plus en vue dans le monde sioniste religieux en tant que membre de l’organisation Tzohar mais aussi pour son implication dans des sujets d’éthique, de société et de politique.
Nous lui avons demandé de nous exprimer son point de vue sur une éventuelle loi établissant la peine de mort pour les terroristes.
Le P’tit Hebdo: Ces dernières semaines, le serpent de mer de la peine de mort pour les terroristes a resurgi dans les débats à la Knesset et agite notre société. Quelle position le judaïsme prône-t-il à cet égard?
Rav Youval Sherlo: Sur le principe, il est clair que les terroristes ne méritent pas de vivre et qu’il n’y a aucun problème moral à les mettre à mort. Suivant la Torah, il existe des fautes pour lesquelles leur auteur ne doit pas continuer à vivre. Ce principe vient nous expliquer que puisque l’homme a été créé à l’image de D’ieu alors il se doit d’adopter un certain comportement. S’il franchit des lignes rouges, il vaut mieux qu’il meure.
Partant de là, il convient aussi de rappeler que la Torah, tout en prévoyant la peine de mort dans certains cas, a instauré toute une série de conditions à réunir impérativement pour adopter cette sentence, comme la présence de deux témoins, la mise en garde, etc. Ces garde-fous se justifient d’une part en raison de la crainte de condamner à mort par erreur, une personne innocente; les effets de la sentence étant irréversibles, et d’autre part l’idée d’éviter de verser encore plus de sang. D’ailleurs Rabbi Akiva disait que s’il avait siégé au Sanhédrin, il n’y aurait jamais eu de condamné à mort. Il s’agit ici d’un jugement de Juifs par des Juifs, mais certains principes peuvent s’entendre plus largement. La Torah nous parle donc deux langages qui peuvent apparaître paradoxaux mais qui répondent en fait à une logique de sanctification de la vie: d’un côté elle légitime la condamnation à mort sur le principe, de l’autre, elle la rend difficile à appliquer dans les faits.
Lph: Pensez-vous alors que l’Etat doit légiférer sur une telle peine pour les terroristes?
Rav Y.S.: Je pense que les terroristes méritent la mort. Pendant l’action, il ne faut pas avoir de pitié pour eux. Mais, je suis opposé à une loi établissant la peine de mort. D’abord, parce que selon les différents services de sécurité, il s’avère que cette loi serait inefficace. Ensuite, parce que contrairement à ce que préconise nos textes sacrés, la loi n’obligera pas l’unanimité pour être appliquée. Cela me dérange.
Enfin, je ne veux pas que des Juifs en Israël aient comme métier celui de mettre en application la sentence de la peine de mort. Je sais bien que certains seraient prêts à le faire sans état d’âme. J’irais alors encore plus loin et je dirais que je ne souhaite qu’aucun Juif en Israël et encore moins ces volontaires se voient confier une telle mission.
Lph: Que vous inspirent les débats actuels autour de cette loi?
Rav Y.S.: Les débats sont toujours bons au sein d’une société. Ce qui m’inspire en revanche un sentiment de malaise c’est l’impression que la peine de mort est devenue un sujet de deal politique. On marchande le soutien à cette loi contre un vote pour une autre loi. Un tel sujet devrait être épargné de toutes ces considérations politiciennes. A mon grand regret, la peine de mort n’est pas assez prise au sérieux par nos dirigeants qui semblent parfois ne plus faire la différence entre ce qui est politique et ce qui ne peut pas l’être.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Crédit photo: Arié Katz