La Pâque juive[1],
entretien avec le rav Moshé Botschko, z’l
– Quel est pour vous, Monsieur Botschko, l’importance de la Pâque ?
– Elle est tout à fait centrale. Lorsqu’on lit la Bible, on se rend vite compte que l’exode israélite d’Égypte constitue l’événement capital de toute l’histoire biblique, événement qui culmine, sept semaines plus tard, dans la Révélation du mont Sinaï. Tout ce qui précède, depuis la Genèse, n’en est que la préparation historique. Si les onze premiers chapitres sont consacrés à deux mille ans d’histoire (d’Adam à Abraham), trente-huit chapitres relatent les trois siècles qui vont de la naissance d’Abraham à la migration des Israélites en Égypte, et quinze chapitres entiers narrent la seule histoire de l’exode, qui, dans le temps, n’a duré qu’une année ! Aussi cet événement a-t-il été sanctionné, dans la Bible, par un très grand nombre de lois, qui ont pour but unique « que tu te souviennes du jour de la sortie d’Égypte tous les jours de ta vie[2] ». Au centre de ces lois figure la célébration de la Pâque :
« Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois[3]… »
« En ce premier mois, le quatorzième jour le soir jusqu’au vingt et unième jour le soir, vous mangerez des azymes ; pendant sept jours, qu’il ne soit point trouvé de levain dans vos maisons[4]. »
« Qu’on se souvienne de ce jour où vous êtes sortis d’Égypte, de la maison de servitude, car c’est par la puissance de sa main qu’il vous a fait sortir d’ici ; que l’on ne mange donc point de pain levé[5]. »
Quant au Décalogue, il est introduit par ces termes : « Je suis Hachem ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage[6]… »
Jusqu’à nos jours, ces lois ont été scrupuleusement observées par les Juifs du monde entier.
– Quels sont les moments principaux de cette célébration ?
– Les semaines précédant la Pâque, la maîtresse de maison est occupée à nettoyer tous les recoins de la demeure, afin qu’il ne s’y trouve plus une miette de levain, puis pendant sept jours, il n’est plus mangé que du pain non levé, de l’azyme. Le premier soir de la Pâque est célébré avec solennité. La famille entière est réunie autour de la table. Des heures sont consacrées à la lecture des passages bibliques relatifs à l’événement que l’on célèbre. C’est une fête avant tout familiale. Les enfants, même petits, y prennent une part active en posant des questions sur la signification de la Pâque. Le père de famille se donne toute la peine voulue pour y répondre savamment, comme il est dit : « Et lorsque vos enfants vous demanderont : que signifie pour vous ce rite, vous répondrez[7]… » Cette étude biblique est accompagnée de l’accomplissement des lois et des coutumes, dont il faut signaler particulièrement la consommation de l’azyme et des herbes amères, afin de revivre par le cœur le temps amer de l’esclavage. Vient ensuite le repas de l’agneau pascal – remplacé de nos jours par un mets symbolique – et qui signifie la délivrance. Il faut citer aussi les quatre gobelets de vin qui, bus pendant la soirée, commémorent les quatre phrases du salut : « Je veux vous faire sortir, je veux vous délivrer, je vais vous sauver et je vous adopterai comme mon peuple[8]. » Un cinquième gobelet est rempli, mais n’est pas bu : il signifie que nous sommes toujours dans l’attente du grand jour qui marquera la fin des souffrances, pour vous et pour l’univers tout entier.
Plus que toute autre, cette fête est vivace au fond de chaque cœur juif ; elle est célébrée par tous, même ceux qui n’observent plus toutes les lois. Il faut avoir vécu cette fête pour la saisir du dedans : ce n’est pas telle loi ou telle coutume qui la caractérise, mais son ensemble et son esprit.
– Mais quelle est donc la signification profonde de la Pâque, commémorée avec tant de ferveur et de fidélité, au long de toutes les générations ?
– Elle est d’abord le signe de l’existence providentielle du peuple d’Israël, qui défie les lois même de la nature. Déjà la naissance de ce peuple est extraordinaire et déroutante ! Il est issu d’une petite famille de soixante-dix âmes, émigrée, déracinée, puis méprisée, décimée, condamnée à mort. Pharaon multiplie les lois pour briser la croissance de ce peuple ; il fait jeter tous les nouveau-nés dans le fleuve. Mais « plus on l’opprimait, plus sa population se multipliait et explosait »[9]. Ne pouvant l’anéantir, on le mit en esclavage, pour détruire sa volonté et sa personnalité. Pendant des siècles, on l’humilia et le tortura… Cette nuit de galout (« exil ») paraissait éternelle et sans lueur !
Mais ainsi parle Dieu[10] : « Au milieu de la nuit, Je m’avancerai à travers l’Égypte, la nuit que Dieu a consacrée comme veillée, comme garde ». Au milieu de la nuit, au plus noir de la nuit, intervient la veillée de Dieu. Aux tortures, aux mesures génocides, succèdent – contre toute attente – la libération, la rédemption : la naissance de ce peuple qui a appris à souffrir. À attendre patiemment, dans la longue nuit cruelle, l’éveil de la lumière.
– S’agit-il alors d’un événement qui ne concerne qu’Israël ?
– Non. Si la Pâque est, pour nous, un message de foi dans notre avenir, elle contient aussi une signification universelle, théologique. Elle rappelle aux hommes la toute-puissance de la volonté divine. Dieu montre qu’il est le Maître de la nature, que Sa volonté prédestine le monde. Aucune obstination, vienne-t-elle du plus puissant pharaon, ne résiste à Sa volonté, qui indique clairement Sa voie, qui fera justice des tyrans, qui consacrera Son peuple méprisé et torturé. La nature entière entre en jeu, l’eau devient sang, la mer se fend en deux, afin que s’accomplisse la volonté divine.
– Quel sens donnez-vous au mot même de « Pâque » ?
– « Pâque », tiré du mot hébreu Pessah, signifie « qui agit avec discernement ». « C’est le sacrifice de la Pâque (Pessa‘h) en l’honneur d’Hachem, qui épargna les demeures des Israélites en Égypte, alors qu’Il frappa les Égyptiens[11]… » Pâque = discernement ; Justice et Miséricorde sont Ses voies. L’univers n’a pas seulement un Créateur, il a un Guide, qui connaît les actes, juge les méchants et prend en pitié les opprimés et les souffrants – qui dicte, conduit et exécute.
– Ainsi, dans la libération d’Israël, vous lisez la révélation de Dieu au monde ?
– Oui. « Je suis Hachem, ton Dieu, qui t’a fait sortir du Pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage… » : c’est cette seule « carte de visite » que Dieu présente (en introduisant le Décalogue), car Il ne se manifeste que par Ses actes. Nous ne pouvons le saisir que par Ses voies – que nous avons le devoir sacré de pénétrer afin de pouvoir les imiter – mais Dieu Lui-même reste invisible à tout œil humain. Et c’est là que réside toute l’importance de la révélation divine de l’exode d’Égypte ; malgré toute la force déployée, malgré les moyens surnaturels mis en œuvre pour faire sortir Son peuple, aucune image de Lui ne fut perçue. Nous rejoignons ici la Révélation du mont Sinaï : « Tout le peuple fut témoin de ces tonnerres, de ces feux, de cette montagne effrayante[12] », à seule fin de mieux percevoir Sa voix – la Loi ! Nous n’avons d’autre connaissance de Dieu que Ses voies, Sa voix et Ses lois. Pâque – la sortie d’Égypte – nous a démontré les premières. Pentecôte – la révélation du Sinaï – nous a donné les secondes. Moïse en est l’interprète fidèle : « Moi, je me tenais en ces temps entre Hachem et vous, pour vous transmettre la parole d’Hachem[13]. »
Quarante jours plus tard, comme Moïse tardait à redescendre de la montagne, les Israélites s’adressèrent à Aharon : « Crée-nous une image divine, car cet homme Moïse, nous ne savons pas ce qu’il en est advenu[14]. » Ne voyant plus revenir Moïse, ils en déduisirent que ce Dieu invisible, caché, exprimé en Lois, trop lointain pour être perçu et saisi, que ce Dieu dont Moïse était le porte-parole, avait cédé la place à une nouvelle conception du divin.
Ils crurent qu’une nouvelle ère pouvait commencer où Dieu serait créé par l’esprit humain, imaginé par lui, selon son intelligence et ses moyens, un D. tangible et accessible aux sens.
– Et c’est alors que Moïse, terrifié, jeta les Tables de la Loi à terre et les brisa…
– C’est une réaction éloquente et logique : elle signifiait qu’il n’y a pas de demi-mesure entre la foi absolue et la destruction de la Loi. D. saisit cette occasion pour redire à Moïse que « nul homme ne peut me voir et vivre[15] », que la connaissance de D. réside dans la connaissance de Ses voies, énoncées clairement : « Tout-Puissant, clément, miséricordieux, qui poursuit le méfait[16]… »
Dieu dit à Moïse : « Taille toi-même deux tables de pierre semblables aux précédentes, et Je graverai sur ces tables les mêmes paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées[17]. » Les pierres peuvent être brisées, les circonstances de la vie peuvent varier, l’esprit humain fléchir. Ma vérité est inaltérable. J’écrirai les mêmes paroles que j’ai écrites : « Je suis ton Dieu qui t’a sorti d’Égypte. » Dieu ne change pas, Ses paroles sont éternelles : il nous appartient de tailler les mêmes Tables pour saisir et comprendre cette vérité éternelle. Immédiatement après l’ordre donné à Moïse, de tailler à nouveau les Tables, la fête de Pâque est à nouveau énoncée, pour bien montrer qu’elle garde toute sa valeur, pour tous les temps : « Observe la fête des azymes, sept jours tu mangeras des azymes comme Je te l’ai prescrit[18]… » « Parle ainsi aux Enfants d’Israël, Hachem le Dieu de vos pères m’envoie vers vous… tel est mon nom à jamais, tel sera mon attribut dans tous les âges[19]. »
Pâque signifie la fidélité de Dieu envers son peuple, et la fidélité de ce peuple envers son Dieu. Depuis lors, les Israélites ont célébré et respecté la Pâque en tous lieux, en tous temps et en toutes circonstances, en exil et même lorsque leur vie était en danger. Ils l’ont célébrée en Espagne, au temps de l’Inquisition, dans des souterrains. Ils l’ont célébrée en Russie au temps des pogroms ; dans les bunkers et les camps de concentration de l’Allemagne hitlérienne. Ils ont juré fidélité à leur Dieu qui les a sortis d’Égypte – au milieu de la nuit. Ils savent qu’au milieu de la nuit, au plus épais des ténèbres, s’ouvre la voie de la rédemption. Cette nuit reste le signe de « la veillée d’Hachem sur tous les Enfants d’Israël à toutes les générations[20]. »
[1] Cette interview du rav Moshé Botschko a été publiée dans la revue protestante Le Lien.
[2] Deutéronome xvi, 3.
[3] Exode xii, 2.
[4] Exode xii, 18.
[5] Exode xiii, 3.
[6] Exode xx, 2.
[7] Exode xii, 26.
[8] Exode vi, 6.
[9] Exode i, 12.
[10] Exode xi, 4.
[11] Exode xii, 27.
[12] Exode xx, 15.
[13] Deutéronome v, 5.
[14] Exode xxxii, 1.
[15] Exode xxxiii, 20.
[16] Exode xxxiv, 6.
[17] Ibid., 1.
[18] Exode xxxiv, 18.
[19] Exode iii, 15.
[20] Exode xii, 42.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ”A la table de Shabbat”
Pour se procurer l’ouvrage :
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029972023
Ô c’est agréable de célébrer la pâques et de se souvient des versets Biblique.C’es très super de lire la Bible pour revoir les paroles de Dieu,les ordonnances de Dieu,les commandement de Dieu…
Merci beaucoup pour la description de la pâques.
Bénit soit Dieu,celui qui a permis son peuple Israël de célébrer la pâques et d’avoir toujours la liberté.
Vive Israël,que Dieu benit Israël infiniment et qu’il lui donne toujours la victoire sur ces ennemis.