1ère histoire.
Il y a quelques semaines, dans la prestigieuse Yechiva de Merkaz Harav, l’établissement phare du sionisme religieux, rabbanim et élèves étaient réunis pour commémorer les 40 ans de la disparition du rav Tsvi Yehouda, le fils et continuateur du célèbre Rav Kook, à qui l’on doit notamment d’être à l’origine des premières localités juives en Judée-Samarie. Le président de l’Etat, Itzhak Herzog, a tenu à honorer la cérémonie par sa présence. Durant l’hommage soutenu qu’il rendit à ce grand maitre, il choisit de lire un passage du Rav appelant à la tolérance envers tout être humain. C’est à ce moment que certains jeunes kippotés crurent bon de manifester leur mécontentement : l’un cria : “tu devrais avoir honte”, d’autres sifflaient l’orateur. Toute personne connaissant un peu l’esprit très respectueux de l’Etat et de ses représentants de cette Yéchiva, devrait se demander comment en est-on arriver à siffler le président à Merkaz Harav!?
2ème histoire.
Quelques jours plus tôt, le président d’une association religieuse (“hotam”, pour ne pas la nommer) refuse de serrer la main d’un ministre controversé (par ailleurs également kippoté) et se félicite ensuite sur Twitter d’avoir ainsi humilié publiquement le représentant du gouvernement, coupable de ne pas partager la même vision du judaïsme que lui. Pas de quoi pourtant se vanter….
3eme histoire.
Rav Eliezer Melamed est un géant de la Thora. Disciple de Rav Tsvi Yehouda, rav de Har Berakha en Samarie et Roch Yechiva. En publiant ses fameux livres “Pniney Halakha” , il révolutionne le monde de la halakha! Les 20 volumes sont traduits en 4 langues (dont le français) et vendus à près d’un million d’exemplaires!! Du jamais vu! Or, il y a quelques semaines , certains rabbanim publient une lettre sévère contre rav Melamed. On lui reproche d’avoir rencontré Delphine Horwiller, rabbine française du courant libéral et d’avoir été trop audacieux dans l’une de ses prises de position hilhatiques. Ce sont en tout cas les raisons officielles stipulées dans la lettre (certains pensent que le soutien qu’il apporte aux reformes proposées par le ministre controversé du paragraphe précédent y est aussi pour quelque chose). Or, si afficher publiquement les désaccords est une habitude rabbinique traditionnelle et absolument légitime, ce qui l’est moins, c’est l’appel au boycott en fin de lettre:
“C’est pourquoi nous appelons tout celui qui voudrait connaitre le chemin de la halakha, de le rechercher dans d’autres livres restés fidèles, eux, à la façon traditionnelle de trancher la Loi” En conséquence de quoi, nous avons ainsi pu voir certaines yéchivot sortir les livres de rav Melamed du beth hamidrach! Triste spectacle!
Depuis quand utilise-t-on chez les “kippot tricotées”, entendez: les sionistes religieux, l’arme du boycott suite à un simple désaccord ? Comment en est-on arrivé là ?
Dans les années 70, le célèbre humoriste et metteur en scène, Ephraïm Kishon, écrivait un article qui fit à l’époque sensation. Lui qui, de son propre aveu, avait pour habitude de prendre pour cible de ses récits satiriques les pratiques religieuses et leurs adeptes, se vit contraint de faire l’éloge des “kipot tricotées”.
” Le bonhomme regarde autour de lui, assis dans la salle obscure du cinéma, et se demande d’où sort cette jeunesse vulgaire et criarde qui n’existait pas il y a une quinzaine d’années… et il ne leur trouve finalement qu’un point commun: ils ne portent pas la kippa tricotée. Jamais. Ni au cinéma, ni ailleurs. Dans une société en train de perdre son visage, les leurs, sous leur petite kippa, n’ont pas changé… Sous la kippa tricotée, il y a encore de la place pour la politesse, le sérieux. L’amour de la patrie. La sérénité…”
Si Kishon devrait revenir aujourd’hui parmi nous, je ne suis pas sûr qu’il écrirait le même article. La kippa tricotée est-elle en train de s’effilocher ?
Il serait temps en tout cas que quelqu’un s’en inquiète et remette les pendules du “derekh erets”, du savoir-vivre, à l’heure. Ne dit-on pas de lui qu’il devrait précéder la Thora?
Arrêtez-moi si je dis des bêtises….
Photo: galit hadari Pikiwiki Israel