Le 23 juillet dernier, lendemain de Ticha beav, plus de 200 olim de France sont arrivés par un vol ElAl spécialement affrété pour eux. Nous avons recueilli les impressions du directeur de Qualita, Ariel Kandel. Il nous explique aussi dans quelle direction l’association veut influencer les autorités publiques, pour une meilleure prise en charge des olim.
Le P’tit Hebdo: Vous avez une longue carrière dans le monde de l’alya. Accueillir des olim à Ben Gourion: une routine?
Ariel Kandel: Certainement pas! L’alya est une aventure humaine et s’inscrit dans un parcours incroyable. C’est toujours un moment très impressionnant et émouvant. De plus, dans cet avion, cette année, se trouvaient certaines connaissances proches, donc l’événement avait un cachet particulier. Sur place, des larmes, de l’émotion, des danses, des »mazal tov » qui fusent: l’alya est à la fois un aboutissement et un début.
On ne se lasse jamais de ces descentes d’avion, cela nous donne la force pour exécuter notre travail en faveur de l’intégration des olim et pour encourager ceux qui veulent venir.
Lph: L’alya ce n’est pas seulement débarquer à Ben Gourion, c’est tout ce qui attend les olim après. Est-ce un combat quotidien?
A.K.: Au niveau individuel, l’alya est une aventure humaine extraordinaire, c’est un tournant merveilleux. Au niveau collectif, c’est, en effet, un combat, ou du moins des questionnements auxquels nous devons apporter des réponses. Des dizaines de milliers de Juifs de France veulent monter mais ne trouvent pas les conditions nécessaires pour concrétiser leur projet. Le sentiment général est qu’à terme les Juifs habiteront hors de France et pour beaucoup en Israël. C’est pourquoi, nous devons pousser le secteur public à créer un vrai plan d’alya pour les Juifs de France.
Lph: Qu’entendez-vous par là?
A.K.: Les olim de France ne perçoivent pas les mêmes aides que les autres. Les budgets sont différents en fonction du pays d’origine. Nous devons mettre un terme à ces déséquilibres. Par ailleurs, il est évident que l’alya de France a ses spécificités et qu’il convient donc de mettre sur pied des plans adaptés dans les domaines de l’éducation, du logement et de l’emploi. Cela doit se faire en lien avec les différents ministères. J’ai, d’ailleurs, envoyé une lettre au Premier ministre en ce sens. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons convaincre les Juifs de France qui hésitent encore à choisir Israël.
Lph: Quels conseils avez-vous donné aux olim hadashim de cet été?
A.K.: Mon premier conseil est de s’adapter à la mentalité israélienne. Cette fameuse »h’outspa » peut être perçue dans le bon sens du terme. Au lieu de rejeter ce mode de pensée, apprenons à nous y faire, à accepter cette proximité de l’autre, qui a aussi du bon.
En particulier, les Français ont souvent du mal à demander de l’aide ou à prendre la main tendue. Ce n’est pas dans leur culture. Or, en Israël, cela fonctionne ainsi. Donc, je conseille aussi aux olim de profiter de toutes les aides qui leur sont proposées, dans le cadre de Qualita, et au-delà. Allez chercher ces soutiens. A l’inverse de la France, l’aide ne vient pas automatiquement jusqu’à vous, mais elle existe pour peu que l’on se donne la peine de frapper aux bonnes portes. Le tissu associatif francophone vous guidera.
Lph: Pensez-vous que la clé d’une alya réussie réside dans la préparation en amont?
A.K.: Je ne serais pas aussi catégorique. Cela dépend des personnes. Et même lorsqu’une alya est préparée, des questions demeurent sur les plans professionnels et éducationnels. L’immense majorité des olim de France n’est pas prête pour le marché du travail israélien, il y a un vrai besoin d’accompagnement. C’est la raison d’être du Hub de l’emploi qui est implanté à Jérusalem mais qui s’est étendu sur Tel Aviv et bientôt Netanya.
Des solutions sont également recherchées pour les questions de l’éducation et du logement. Préparer son alya est important mais il convient aussi de préparer son intégration, une fois sur place, et cela passe par être capable de demander de l’aide.
Lph: L’alya est un moment d’euphorie qui s’accompagne aussi d’angoisses. Que diriez-vous aux olim hadashim pour calmer ces craintes?
A.K.: Le courage qui leur a fait prendre la bonne décision, celle de faire leur alya, les aidera au jour le jour. Ils doivent d’abord croire en eux, se faire confiance quant aux décisions à prendre et aux choix à faire. En hébreu, le mot »responsabilité » (a’harayout) commence par un alef: il faut avant tout croire en soi, en son potentiel puis dans le destin collectif du peuple juif.
D’un point de vue plus terre à terre, je le répète: accepter l’aide des services de l’Etat et des centaines d’associations qui accompagnent les olim de tout âge, dans presque toutes les villes, dans tous les domaines. Faites preuve de ‘houtspa!
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay