Après avoir passé près d’une année dans la Téva, Noah découvre à sa sortie un Monde nouveau. La première chose qu’il décida de faire fut de planter une vigne et suite à un abus d’alcool s’enivra puis se dénuda. Ham, fils de Kénaan, vit la nudité de son grand-père.
A l’issue de cet épisode quelque peu dégradant, Noah bénit ses deux enfants, Chem et Yefet, restés fidèles au respect parental. Cette bénédiction se résume en ces termes : » que Dieu agrandisse Yefet ! Qu’Il réside dans les tentes de Chem et que Kénaan soit leur esclave ! » (Béréchit 9,27).
Nos Sages dans le traité de Mégila (9b) analysent cette brah’a de la manière suivante : Que la beauté de Yefet réside dans les tentes de Chem, la racine agrandir » est interprétée « Yoffi » beauté. « Yaft
Le message est le suivant : faire résider la somptuosité du monde occidental dans les maisons d’étude et de prière de Chem (Am Israël).
Qu’elle est la beauté particulière de Yefet ? Et que vient faire cette beauté dans les Tentes de Torah ?
D’une façon superficielle, nous serions tentés de décrire ce souhait comme l’association de deux notions antagonistes ; concilier d’un côté le développement esthétique que la culture occidentale met à notre disposition, avec, de l’autre, nos valeurs spirituelles, propres à notre identité juive.
Certains d’entre nous ayant grandi dans cette « douce France, cher pays de notre enfance », qui, inutile de le rappeler, est reconnue mondialement capitale de la mode, de l’esthétique ou encore de la gastronomie, s’identifient parfaitement (quand cela nous arrange) avec le message de nos Hahamim.
Il apparait donc, a priori, que cette utopie soit réalisable. Profiter des bonnes choses de la vie avec l’approbation et le « label de cacherout » de nos Sages. Que demander de plus ?! Oui, mais quelles en sont les conséquences ?
Le Talmud (Sanhedrin 39b) met en relief la contradiction entre deux versets.
D’une part le Prophète blâme le Peuple Juif » tandis que vous vous êtes conformés aux lois des Peuples qui vous entourent » (Yehezkel 11,12) et de l’autre lui adresse le reproche « de ne pas avoir agi selon les règlements des Nations qui vous entourent » (Yehezkel 5,7). Décidons-nous, faut-il reproduire le modèle des Nations ou pas ?
La réponse apportée par nos Sages est quelque peu inédite : Vous n’avez pas agi comme les bons des Nations, mais en revanche vous avez parfaitement adopté leurs mauvaises actions.
Le Rav Kook dans son commentaire Ein Aya apporte la précision suivante : même lorsque nous devons agir comme les bons des Nations, il nous faut redoubler de vigilance afin de ne pas se laisser entrainer, de fil en aiguille, vers leurs mœurs contraires à l’esprit de notre Torah. Le baromètre de cette épreuve est le suivant : est-ce que nous assimilons, au-delà des actions, le mode de vie, la culture ainsi que le comportement de ces derniers ? Lorsque nous importons l’esprit et la mentalité de nos ennemis, il nous est quasiment inévitable de ne pas se laisser entrainer vers le pire.
Dans l’absolu, le peuple Juif donne et apporte aux Nations du Monde beaucoup plus que les choses mineures et secondaires que ces derniers daignent nous laisser prendre de chez eux (Orot Israël 5,2).
Pour ce faire, nous devons absolument adapter cette attitude selon nos propres règles, en veillant scrupuleusement à ne surtout pas adopter leur culture. C’est exactement l’erreur qui s’est produite à l’époque de Hanouka ; le Am Israël sympathisant avec le mode de vie grec en a oublié ses valeurs. Pas étonnant qu’une partie de notre peuple a vu en l’hellénisation l’apogée et la symbiose entre Judaïsme et modernité. Malheureusement l’Histoire a pu nous révéler combien cette erreur nous a été fatale…
De manière semblable nous retrouvons cette notion, dans un autre contexte du Houmach : Yitro, beau-père de Moché Rabénou, lui conseille de décentraliser l’attribution des pouvoirs rabbiniques à de plus petits comités. Conseil pour le coup judicieux que Moché suivra. Cependant, lors de la mise en pratique de ce conseil, le Maitre de tous les Prophètes devra réadapter ce concept selon les valeurs de notre Tradition. En effet, Yitro différencie les « grandes affaires » qui seront jugées par Moché, des « petits dossiers » sur lesquels les juges en question pourront se prononcer. Pour Moché il n’existe pas de dossiers importants et d’autres qui le sont moins, toute la Torah est importante au même titre. Moché change donc délibérément les termes de Yitro en « cas complexes » et « cas d’école ».
A nous d’apprendre des erreurs de notre passé, à nous de prendre avec vigilance et subtilité, le bien qui se trouve chez les autres, sans pour autant s’assimiler à eux.
Demandons au Tout Puissant de nous envoyer Ses lumières de Délivrance et de nous éclairer, et que nous puissions assister, très prochainement, à Ses miracles, tels qu’Il l’a fait avec nos Pères,
בימים ההם בזמן הזה
Hanouka Sameah’
Rav Yirmiyah Achéroff
Yechivat « Or Vichoua », Haifa.