Logement, éducation, emploi sont les principales questions évoquées lorsque l’on parle d’alya et d’intégration. N’en aurait-on pas oublié la cause, les motivations à ces démarches de retour sur notre terre ? C’est la question que se sont posés plusieurs rabbins francophones, réunis shabbat Shoftim, sous l’égide du mouvement Alya Latorah (rabbanim pour les olim). Initié par Gabriel Lévy, Arié Abitbol et le Rav Avraham Derhy, Rav des insitutions de Gomel Hessed à Ashdod, ce projet veut investir et surtout organiser les rabbins pour une véritable action qui encouragerait l’alya et favoriserait l’intégration.
Un vide à combler
Le Rav Avraham Derhy est arrivé en Israël, il y a plus de 30 ans. ”Après mon alya, j’ai été envoyé en chli’hout par l’Agence Juive en France, auprès des communautés de Marseille”. Il fut l’un des derniers rabbins à mener ce genre de mission. Ces 20 dernières années, le modèle d’envoyés depuis Israël afin de transmettre certaines valeurs, une certaine identité et un certain lien à Israël, a disparu.
“Notre avenir se passe en Israël”, nous dit le Rav Derhy, ”Le sionisme religieux a été, en quelque sorte, victime de son propre succès en France. Ses représentants ont fait leur alya et ne se sont plus préoccupés de ce qui se passait dans leurs communautés d’origine. Ils ont laissé un vide qui a été entièrement rempli par un monde rabbinique pas forcément sioniste, dans le sens où il n’encourage pas franchement à l’alya”, déplore le Rav. Ce manque de relève après le départ des cadres sionistes a, selon le Rav, été à la source d’un manque de compréhension du lien avec Israël et par conséquent d’une baisse de la motivation à l’alya.
Rav Avraham Derhy
Gabriel Lévy, directeur du Beth Hamidrach ”Maalim bakodech” du centre Atid, renchérit : ”Le message d’une Torah consciente que l’époque que nous vivons est celle du retour des exilés est quasi-absent en France. Or c’est un message d’une importance capitale pour comprendre notre place dans l’histoire et le rôle que nous devons y jouer”.
Les deux co-fondateurs, avec Arié Abitbol, de Alya Latorah, constatent que malgré une volonté affichée de faciliter l’alya des Juifs de France, il manque un véritable moteur, un sens. ”L’alya ne peut pas se résumer à un déménagement où il suffirait de trouver un logement, un emploi ”, souligne Gabriel Lévy, ”ce sont des points importants mais cette démarche a besoin d’un sens ! Être conscient que nous avons l’opportunité de jouer notre rôle désormais sous forme de Peuple. Comme disait Victor Frankl: ”Celui qui a un ‘pour quoi’ peut faire face à tous les comment”. Nous devons créer ce ‘pour quoi’ en France et approfondir ce message auprès des olim qui veulent s’intégrer”.
Pour le Rav Derhy, ”le modèle d’identité de la communauté juive française ne place pas la centralité de la terre d’Israël en son cœur. Ainsi des établissements comme le Mahon Meïr et Hemdat Hadarom vont susciter beaucoup d’intérêt lors des salons en France mais peu de personnes vont finaliser la démarche car ils sont découragés par les dirigeants communautaires en France”.
Pourquoi des Rabbins?
Réunir des rabbins lors d’un Shabbat à Jérusalem pour parler alya et intégration signifie-t-il que le religieux s’empare de ce sujet, que le message ne parle qu’aux personnes pratiquantes ?
“Toute personne qui se définit comme appartenant au peuple d’Israël se doit de comprendre ce qu’est l’identité d’Israël et son message. Ce message n’est donc pas exclusivement réservé aux personnes pratiquantes, mais bien à tout le peuple”, nous explique Gabriel Lévy.
En fait, l’idée derrière ce projet est de reconquérir un pan oublié ou délaissé de la démarche de l’alya, ce qui en fait une immigration qui ne ressemble pas aux autres. ”Les communautés françaises sont construites autour de la personnalité du rabbin”, précise le Rav Derhy, ”ce sont eux qui ont, en priorité, une influence directe sur le lien à l’identité juive et donc à Israël”.
Et si les initiateurs regrettent le manque d’investissement des cadres communautaires français en faveur de l’alya, ils insistent sur le fait que les Rabbins francophones israéliens sont nombreux ces dernières années à vouloir agir sur le terrain. ”Beaucoup œuvrent déjà dans ce sens en Israël ou vers la France, mais nos actions sont éparpillées et donc pas forcément optimales”, nous décrit Gabriel Lévy. Il s’agit désormais de fédérer toutes ces initiatives personnelles et isolées. C’est pourquoi ”Alya Latorah” est née.
”Si l’on parle de trouver un logement ou un emploi, il est évident que les Rabbins ne sont pas les personnes les mieux placées. Les associations existantes font un travail remarquable dans ces domaines”, soulève Gabriel Lévy, ”en revanche, si le sujet est de donner un sens à notre présence ici, alors les enseignants et les Rabbanim doivent être mobilisés ”.
Et ces rabbins ne sont pas exclusivement ceux que l’on associe à la mouvance sioniste religieuse. “Toute personne qui porte un message montrant la centralité du Retour des Exilés est la bienvenue” !
L’écho de l’initiative d’Alya Latorah a été très favorable au sein des Rabbanim en Israël et pas uniquement francophone. ”Le Rav Ami’haï Eliahou, fils du Rav Shmouel Eliahou, dirige le Igoud Rabbanei Kehilot. Nous lui avons fait part du besoin des olim de France de retranscrire en Israël, le modèle communautaire auquel ils étaient attachés. Le Rav Ami’haï a tout de suite accepté d’être notre partenaire”, raconte le Rav Derhy.
Et la politique?
Alya Latorah est un mouvement apolitique mais dont la volonté est clairement de se rassembler pour avoir un poids face aux décisionnaires politiques. Le premier grand rendez-vous organisé avait été un face-à-face lors de la campagne pour les élections d’avril dernier, avec les candidats de différentes formations politiques. ”Nous voulions appuyer une demande particulière : que lors des négociations gouvernementales, l’alya des Juifs de France soit une priorité”.
”Nous ne sommes pas constitués en lobby”, précise Gabriel Lévy, ”notre rôle est d’éveiller les consciences”. D’ailleurs, leur mouvement travaille aussi en coopération avec le Mizrahi mondial, fondé au début du 20e siècle, précisément dans le but de diffuser la Torah d’Eretz Israël dans le monde et de créer des liens étroits entre les communautés juives et Israël. Le ”Igoud Rabbanei Kehilot” (rassemblement des rabbins de communautés) israélien est aussi partie prenante dans ce projet à l’intention des Juifs de France.
Quelles actions?
Le shabbat qui a regroupé les principaux acteurs du projet a aussi été l’occasion de lancer les premières grandes lignes d’actions.
”Nous avons tiré la sonnette d’alarme sur l’urgence et la gravité de la situation”, résume le Rav Derhy, ”et ébauché différents projets”.
Parmi eux, la mise en place d’un site de diffusion de ce message de Torah sioniste, qui permettrait d’atteindre les Juifs en France et en Israël. ”Nous voulons toucher une population importante en France et en Israël. Aujourd’hui, pour cela, il est indispensable d’être présent dans le monde multimédia et sur internet”, explique Gabriel Lévy. La publication d’un feuillet dans les différentes communautés en France est également prévue ou encore un jumelage entre des communautés en France et des Rabbins en Israël avec l’envoi en chli’hout de Rabbins d’Israël en France pour des longues périodes et des visites pour des plus courtes périodes. ”Le but est d’être présent au sein des olim et des candidats à l’alya afin qu’ils soient en contact avec ce message, ce lien fort entre la Torah et la volonté du Retour”, détaille Gabriel.
Des activités et initiatives sont également programmées en Israël auprès des olim, afin de renforcer ce qui les a amenés à franchir le pas.
”Nous devons entamer une révolution dans la prise de conscience que l’avenir du judaïsme se passera en Israël ”, conclut le Rav Derhy.
Guitel Ben-Ishay
Les rabbins en France et les différentes institutions (consistoire, habad …) sont confrontés à un dilemme : s ils incitent les membres de leur communauté à faire l alya ils appauvrissent en même temps leur communauté, leur association … et perdent de leur pouvoir et … de leur parnassa.
Ils ne le font donc que de façon discrète, par « obligation » mais ne montrent souvent pas le même entrain et le même enthousiasme que pour motiver les juifs a manger cachere, frequenter leur communauté et la synagogue …
De plus, certaines franges tres orthodoxes sont parfois même démotivant vis a vis de l alya avec des arguments du type : ce sera plus difficile d etre un juif religieux en israel, tu risques d y perdre plus que d y gagner… ce pays est gouverné par des non religieux, il est dangereux pour notre âme … attendons machiah …