Caroline Rebouh, enseignante du judaïsme, conférencière, essayiste et traductrice, s’intéresse aux Juifs de Chine depuis de nombreuses années. Elle publie un ouvrage aux Editions Persée: “Les Juifs de Chine. Histoire d’une communauté et ses perspectives”.
Le P’tit Hebdo: Quelles sont les principales découvertes que vous avez faites?
C.R.: Certains chercheurs font remonter l’arrivée des Juifs en Chine au 13ème siècle alors que nous possédons des livres de selihot et des fragments de lettres et de documents datant du 8ème siècle.
Des témoignages que l’on doit à des missionnaires chrétiens (dont certains étaient français) ont eux aussi confirmé et même avancé que les Juifs sont arrivés en Chine dès après l’exil de Salmanasar en -770 !
D’ailleurs on trouve de nombreuses traces de la culture juive dans la culture et la pensée chinoises. Le fameux philosophe chinois, Lao Tse a notamment déclaré que l’homme fort est celui qui sait sublimer ses penchants – une allusion claire aux Pirke Avot – et sa pensée reprend encore beaucoup d’autres de nos principes.
On trouve aussi d’autres influences juives dans d’autres cultures en Extrême Orient. Les shintoïstes, par exemple, ont placé devant leur temple, une louche en bambou avec une source d’eau, pour les ablutions des mains, avec au-dessus l’inscription ”D ieu est un”. Ce culte ne possède pas de statut et les pratiquants observent des règles semblables à celles de nida ou du deuil chez les Juifs.
Lph: Comment vivaient les Juifs de Chine?
C.R.: Les Juifs étaient essentiellement installés à Kaïfeng. D’autres communautés ont existé mais elles n’ont pas résisté: beaucoup se sont convertis, notamment à l’Islam. En Chine, les Juifs n’ont jamais été persécutés et c’est le seul pays où ils pouvaient pratiquer toutes les professions. Pendant la Shoah, des Juifs de Russie se sont même refugiés dans ce pays, mais ces communautés aussi n’ont pas résisté aux influences extérieures.
Lph: Et aujourd’hui?
C.R.: La communauté de Kaïfeng existe toujours. J’ai d’ailleurs enseigné par Skype l’hébreu et le judaïsme, à des étudiants. Aujourd’hui cette communauté est en souffrance car le judaïsme n’est pas reconnu comme une religion en Chine d’une part et d’autre part, l’Etat d’Israël ne leur accorde pas de droit au retour, car leur judaïté est difficile à prouver. En effet, depuis 150 ans, on leur interdit de célébrer les mariages suivant la loi juive et de pratiquer la brit mila. Aujourd’hui on compte environ 1000 Juifs chinois auxquels s’ajoutent ceux qui sont européens à Shangaï ou Pékin. Mais ils ne peuvent pas entrer en contact avec ces derniers, puisque la loi chinoise interdit de fréquenter des étrangers. Les Juifs de Kaïfeng ne peuvent donc pas se rendre à Pékin pour acheter des matsot ou de la viande aux Habad, souvent américains. Ils sont convaincus que leur avenir est en Israël, mais le chemin pour y parvenir est très compliqué. En attendant, ils essaient de tenir bon, ils mangent du poulet ou de la viande halal, pour se rapprocher le plus possible de l’alimentation cachère, ils se réunissent pour le Shabbat, Pourim et Pessah ou encore ont édité leurs livres de prières suivant un rite judéo-persan. Je souhaite vraiment que ce Pessah soit aussi le signe pour ces Juifs de sortir de Chine!
“Les Juifs de Chine”, Editions Persée, 2016
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Guitel Ben-Ishay