Les juges de la Cour suprême ont une nouvelle fois démontré l’urgence d’une réforme de la composition de cette institution qui se détache de plus en plus du consensus juif et sioniste de la population du pays.
Jeudi matin, la magistrats ont donné raison aux requêtes déposées par le Forum Laïc et l’organisation Adala (défense des droits de la minorité arabe israélienne), et ont décrété que les hôpitaux israéliens ne pourront plus interdire l’introduction de ‘hametz pendant Pessah’ pour les malades qui le désirent!! Toujours dans l’esprit du droit de l’individu primant sur la collectivité, les juges ont considéré que l’interdiction d’introduire du ‘hametz dans les hôpitaux « porte atteinte à l’honneur des patients, à leur droit à l’autonomie et à leur liberté religieuse ». Il sera donc désormais interdit aux vigiles de fouiller les sacs des visiteurs à l’entrée pour vérifier s’ils introduisent du ‘hametz dans l’enceinte de l’établissement.
Les réactions n’ont pas tardé. Le ministre des Transports Betzalel Smotritch (Yamina) a déclaré: « La Cour suprême poursuit son entreprise méthodique de destruction des principes fondateurs d’un Etat juif au profit de valeurs soi-disant ‘progressistes’, de manière anti-démocratique et sans avoir autorité pour cela. Cela confirme aussi que c’est la Cour suprême qui dirige le pays et qui prend des décisions qui sont du ressort des instances élues par le peuple. La question est maintenant de savoir quand le peuple se réveillera et cessera de penser que ces crachats ne sont que des gouttes de pluie ».
Le député Moshé Gafni (Yahadout Hatorah) a qualifié les juges à la Cour suprême « d’insolents » (‘hatzoufim): « Ce que nous, les parlementaires, décidons après d’innombrables débats en commissions et en quatre séances de votes en assemblée plénière, ces juges le défont d’un revers de la main en fonction de leurs opinions personnelles et comme ils le désirent. Si nous voulons un Etat juif et démocratique il faut mettre fin à ce phénomène ». Presque tous les députés orthodoxes se sont exprimés avec force contre cette décision.
Le député Guidon Saar (Likoud) a qualifié cette décision « d’ivresse de pouvoir de la part des juges de la Cour suprême ».
A l’opposé, c’est la satisfaction. La députée Tamar Sandberg (Meretz), qui a pris part aux requêtes a déclaré: « La Cour suprême a rendu justice aujourd’hui contre la coercition religieuse et a mis fin à une pratique infâme de la part des hôpitaux. La ‘police du ‘hametz’ n’a pas lieu d’être dans les hôpitaux ni ailleurs. Notre prochaine étape sera la suppression de la loi du ‘hametz' ».
Le Prof. Yoram Less, de la faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, a exprimé sa satisfaction: « Voilà la sagesse qui l’emporte une nouvelle fois. Zeev Rothstein ne pourra plus faire ce qu’ils faisait à l’hôpital Hadassa. Il est inadmissible que l’on prenne et rémunère des gens pour lutter contre le terrorisme (vigiles) et qu’on leur demande de contrôler si les visiteurs ont amené avec eux du ‘hametz ou des saucisses qui n’ont pas le bon label de tel ou tel Beit Din. La question du ‘hametz n’a rien de sécuritaire. Chacun a son D.ieu et son système de valeurs mais c’est une question personnelle. On ne peut pas imposer cela et faire preuve de ‘terrorisme’ envers les visiteurs. La Cour suprême nous ramène à la raison ».
Pour le Forum Laïc il s’agit « d’une grande victoire pour la démocratie israélienne et pour le public laïc en particulier »: « Cette décision annule la politique qui prévalait et qui portait atteinte à la vie privée, à la liberté individuelle et religieuse. Les juges ont également décrété que les hôpitaux et le Grand rabbinat n’avaient aucune compétence pour décider de l’interdiction d’introduire du ‘hametz dans les hôpitaux et d’attribuer cette mission aux vigiles ».
Pour l’avocat Saoussan Zahar, de l’organisation Adalah, la décision de la Cour suprême « met fin à une pratique humiliante pour les malades, le personnel et les visiteurs »: « On ne peut pas imposer des lois religieuses à la population, et les hôpitaux n’ont pas compétence pour demander à leurs vigiles pour se livrer à un contrôle de l’entrée de nourriture. Ceux qui pratiquent leur religion doivent pouvoir le faire en toute liberté, mais ce droit ne doit pas supplanter les libertés individuelles de la population arabe ni de quiconque d’autre ».
Il serait intéressant de savoir si cette organisation adopterait le même attitude de « tolérance » s’il s’agissait d’introduction de viande de porc dans des hôpitaux arabes du pays…
C’est d’ailleurs cette étape suivante et probable qui inquiète le Prof. Aviad Hacohen, qui représentait le Grand rabbinat d’Israël devant la Cour suprême: « A mon grand regret, la Cour suprême a pris une décision qui aura pour effet que le dernier endroit où tous les gens étaient mis sur un pied d’égalité deviendra un lieu de frictions et de polémiques. Ce verdict aura aussi des conséquences significatives sur toute la notion de cacherout dans l’espace et les lieux publics, qui dépasse de loin la question du ‘hametz dans les hôpitaux ».
Photo Yonatan Sindel / Flash 90