Au sortir de la Shoah, le judaïsme français panse, avec douleur, ses blessures, pour la plupart irréversibles. Cette époque de l’après-guerre a fait émerger de jeunes leaders, animés par l’amour de leur héritage juif et par l’envie profonde de redonner à la jeunesse juive française, des raisons d’y croire, de se relever et de construire un avenir communautaire.
Parmi eux, un couple, peut-être moins connu du grand public, mais qui a œuvré sans relâche: Jean-Paul, dit JP, et Paulette Bader. Evelyne Pérahia les a bien connus. Dans son dernier ouvrage, ”JP et Paulette. Un couple engagé”, elle met en lumière deux personnalités au parcours impressionnant et à l’héritage toujours vivant.
Le P’tit Hebdo: Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire un livre sur JP et Paulette Bader?
Evelyne Pérahia: Depuis l’âge de quatre ans, j’ai participé aux activités organisées par JP. J’étais proche du couple. L’idée d’écrire un livre m’est venue lors de l’enterrement de Paulette. Elle était allemande, convertie au judaïsme et en entendant les éloges funèbres, j’ai compris qu’elle avait fait partie des jeunesses hitlériennes… Appartenir à un mouvement de jeunesse nazie puis faire partie de ceux qui formeront la jeunesse juive française… Un parcours intriguant. La vérité est plus complexe, puisque Paulette a, en fait, depuis son jeune âge résisté aux tentatives d’embrigadement à la jeunesse hitlérienne et a déjà, à cette époque, prouvé sa force et ses valeurs. J’ai alors voulu écrire son histoire, mais celle-ci est indissociable de celle de son mari, donc, mon ouvrage se penche sur le couple unique qu’ils formaient.
Lph: Par quel biais JP et Paulette Bader ont-ils contribué à la formation des cadres communautaires après la Shoah?
E.P.: Après la Shoah, tout était à reconstruire, à commencer, pour beaucoup, par la foi. JP a rapidement compris qu’il fallait faire preuve d’une véritable ouverture d’esprit pour que chacun se sente lié à son héritage juif. C’est son message: que des religieux et des non-religieux soient capables de partager la même table et de passer Shabbat ensemble. Cela demande des efforts des deux côtés, mais c’est possible. JP a été très nettement marqué par Léo Kohn. Son but n’était pas d’enseigner le judaïsme mais de le faire vivre, par des chants, des jeux, des expériences positives. Il était le maître du Talmud Torah de la synagogue de la Victoire, le pilier des EEIF, ce qu’il restera pendant toute sa vie. C’était un pédagogue hors pair.
Paulette, quant à elle, a d’abord dû s’adapter à la France: la langue, la mentalité. Avec des enfants en bas-âge, au début, elle était isolée, JP étant souvent à l’extérieur pour se consacrer à ses missions publiques. Elle aurait pu s’opposer à cela mais elle a choisi de le suivre. Elle avait le don de le ramener aux réalités, parce que JP avait toujours de grandes idées, pas forcément réalistes. Il était un artiste et malgré la Shoah, il a toujours eu confiance en l’homme.
Lph: Quelles difficultés ont-ils rencontré sur leur chemin?
E.P.: La principale difficulté a été de faire accepter Paulette. Elle était convertie, mais ce qui dérangeait le plus, les hautes sphères communautaires de l’après-guerre, c’est qu’elle était allemande. Finalement, ce sont les Rabbins séfarades qui les ont le mieux acceptés, à l’image du Grand Rabbin Sirat.
Lph: N’ont-ils jamais songé à faire leur alya?
E.P.: JP aimait Israël, mais il savait qu’il y avait une grande tâche à accomplir pour le judaïsme en France. Son rêve, qu’il n’a jamais pu réaliser, était d’emmener ses quatre enfants en Israël. Pour Paulette, cela aurait constitué un changement de plus, trop important pour elle. Ils savaient que leur place était auprès du judaïsme français.
Lph: A qui adressez-vous cet ouvrage?
E.P.: A un large public et notamment à ceux qui s’occupent de pédagogie. JP et Paulette nous montre comment accepter l’autre en douceur. Mon projet est aussi de traduire l’ouvrage en hébreu parce qu’il permet de comprendre les enjeux de la reconstruction du judaïsme français après la Shoah.
Pour se procurer l’ouvrage ”JP et Paulette. Un coupe engagé” d’Evelyne Pérahia
Librairie Vice-Versa
Ou auprès de l’auteur, par mail: [email protected]
Guitel Ben-Ishay