Anne Roumanoff sera en Israël les 23 et 24 mai prochains, à l’invitation de la première édition du Tel Aviv Comedy Club et avec le show qui rencontre un immense succès en France : Tout va presque bien. L’occasion de parler, avec cette humoriste aux multiples facettes, de son lien à son judaïsme, à ce pays qu’elle ne connaît pas, et aussi, bien sûr, de son nouveau spectacle – le meilleur, de l’avis général !
LPH. Vous arrivez en Israël le 23 mai : ce sera votre première fois ?
Anne Roumanoff. Ma toute première fois, et je suis vraiment très, très heureuse. Par un concours de circonstances, jusqu’à aujourd’hui, à chaque fois que j’avais prévu de venir en Israël, cela ne s’était finalement pas fait, pour une raison ou une autre. Je ne vais passer que deux nuits en Israël, car je suis en pleine tournée et que je ne peux donc pas rester plus longtemps, mais deux nuits c’est déjà bien mieux que rien du tout !
Quels sont vos projets pendant ce court séjour, à part la scène ?
A.R. Je veux aller sur la tombe de ma grand-mère, sur le mont des Oliviers. C’est une histoire assez incroyable : elle avait déclaré qu’elle voulait être enterrée en Israël, et elle y est morte lors d’un séjour touristique, ainsi elle a eu ce qu’elle voulait. Mais je n’avais pas pu venir à son enterrement, je terminais Sciences Po, j’étais en pleins examens pour l’obtention du diplôme ; c’était en mai 1985. Alors c’est vraiment important pour moi de me rendre sur sa tombe.
Vos deux grands-mères sont juives, vous les avez perdues toutes les deux lorsque vous aviez environ vingt ans. Mais vous dites que ce n’est que bien plus tard que vous avez commencé à vous intéresser à votre histoire et à vos origines…
A.R. En effet, de leur vivant je posais peu de questions. Plus récemment, j’ai fait un arbre généalogique, je me suis intéressée à elles, à leur histoire – chacune d’elles a eu une vie absolument incroyable ! À vingt ans, on ne se rend pas compte de l’intérêt de poser des questions à ses grand-mères. Aujourd’hui, je réalise à quel point je les porte en moi et combien elles m’ont marquée. Ma grand-mère originaire de Fez, au Maroc, s’appelait Gracia ; elle était la petite-fille du grand-rabbin Haïm Cohen de Fez. Elle a eu sept enfants avec son mari, un militaire catholique originaire de Bordeaux. C’était la première écrivaine juive francophone du Maroc. Elle a écrit Mariage mixte, Retour sur une enfance marocaine. Je crois qu’elle aurait aimé qu’on dise d’elle qu’elle était une femme de lettres. Et elle faisait rire… Elle avait une forte personnalité, elle était très drôle en société. Ma grand-mère paternelle, elle, est née en Lituanie et s’est ensuite réfugiée à Berlin puis à Paris pendant la guerre. Elle a été poursuivie tout sa vie parce que juive.
Vous vous sentiez juive ?
A.R. J’étais juive, je le disais, mais cela ne signifiait rien ; cette identité n’avait aucune concrétisation. Mes parents ne m’ont pas donné d’éducation religieuse, nous ne célébrions aucune fête juive, nous n’allions jamais à la synagogue. J’ai dû faire kippour une seule fois à 18 ans. J’étais juive mais pas homologuée, en quelque sorte. C’était difficile. J’en souffrais… J’ai épousé un catholique, et je me suis même fait baptiser en 2011. Mais je travaille sur mes origines, j’effectue des recherches. Je prévois d’écrire un livre sur mes grands-mères et leur histoire. Des cousins, installés en Israël, vont d’ailleurs venir me voir sur scène à Tel Aviv, et je trouve cela très émouvant. Peut-être que ce premier séjour en Israël arrive au bon moment de ma vie et va provoquer des choses.
Le confinement a été un moment très complexe pour de nombreux artistes dont les activités ont été brutalement stoppées. Cela a-t-il été votre cas ?
A.R. Moi je suis sortie du confinement à la limite du burnout ! Je n’ai pas arrêté. D’abord, j’étais tous les jours à la radio. Et puis j’ai créé Solidarité avec les soignants, une association dont l’objet était de fournir aux soignants des équipements de protection quand il n’y en n’avait pas. Ensuite, nous nous sommes occupés d’équiper les salles de repos des soignants en vaisselle, micro-ondes, cafetières, fauteuils de repos… Vous n’imaginez pas tout ce qu’on peut faire avec moins de 500 euros par salle de repos ! Cela m’a énormément occupée pendant toute la crise, et nous avons accompli des choses incroyables. Nous avons équipé 1500 salles de repos de soignants dans toute la France !
Vous tournez depuis de longues semaines avec ce spectacle, Tout va presque bien, unanimement salué par le public et par la presse. Sera-t-il adapté au public israélien ?
A.R. Non… Mais c’est un spectacle fait pour oublier les soucis tout en évoquant les problèmes. J’y parle de tout, j’y aborde des sujets universels : la guerre en Ukraine, le mouvement #MeToo, les sites de rencontres, le politiquement correct, les cookies qui nous espionnent sur Internet, et bien sûr la crise sanitaire, le Covid, le gel hydroalcoolique, les vaccins, et les différentes manières de réagir des gens, les paranos, ceux qui ont changé de vie… Ce à quoi nous avons assisté ces deux dernières années offre vraiment matière à écrire et à faire rire ! Je suis très impatiente et émue de jouer ce spectacle à Tel Aviv. Cela aura sans aucun doute une saveur particulière.
Interview parue dans LPH numéro 985. Propos recueillis par Eve Boccara
Spectacle le lundi 23 et le mardi 24 mai
Réservations: cliquez ici