Ils vivent dans la vieille ville depuis 42 ans. Léa et Yossef Attali sont au plus près de ce qu’est Jérusalem. Ils nous racontent leur vie, de là où bat le cœur de notre capitale.
Le P’tit Hebdo: Comment avez-vous décidé de vous installer dans la vieille ville?
Léa et Yossef Attali: Dès la fin de la guerre des Six Jours, nous sommes venus au Kotel. C’était Shavouot et pour la première fois de notre vie, nous pouvions prier dans ce lieu saint. Nous avons tout de suite voulu nous installer au plus près du Beth Hamikdach. On a appris que l’Etat avait décidé de repeupler la vieille ville et que des projets immobiliers allaient être lancés. Nous habitions alors Kiryat Hayovel et nous avons immédiatement posé notre demande pour un logement.
Mais cela a pris plus de temps que nous ne le pensions. On nous a d’abord dit que des fouilles archéologiques préalables aux constructions étaient en cours, on nous demandait sans cesse de patienter sous d’autres prétextes. En 1975, nous avons décidé d’arrêter d’attendre. Nous avons choisi un appartement qui nous plaisait beaucoup parce qu’il mélangeait ancien et moderne. Il datait de la période du Ramban, celui qui a reconstruit la communauté juive de la vieille ville et le Rav Guetz, alors Rav du Kotel, nous a révélé qu’il s’agissait de la maison du Roch Yechivat Hamekoubalim, Bet El.
Lph: Quelle est, pour vous, la plus grande particularité de la vie dans ce lieu?
L.&Y. A.: Nous voulions voir comment D’ieu ramène Sa présence à Sion. Nous y assistons au quotidien. Devant chez nous, passent quotidiennement des dizaines de milliers de Juifs et de non-Juifs, de tous les âges, du monde entier. Tous les lundis et jeudis, des cortèges de Bar Mitsva se déplacent vers le Kotel. Nous sommes aux premières loges.
Lph: Ne manquez-vous pas un peu de calme parfois?
L.&Y.A.: Il est vrai que notre vie est rythmée par de nombreux évènements extérieurs. Par exemple, il arrive souvent que nous soyons obligés de rester chez nous en raison de telle ou telle occasion. Nous attendons, par exemple la venue de Donald Trump en sachant que nous ne pourrons pas sortir ce jour-là. Mais cet état de siège nous l’acceptons avec joie, parce que nous le désirons de toutes nos forces, quand il est de cette nature!
Lph: Comment vivez-vous votre vie de famille dans le Rova?
L.&Y.A.: Nous avons élevé nos enfants avec beaucoup de facilité. Et aujourd’hui nous avons même des petits-enfants qui viennent à l’école près de chez nous. Il y a 5 ou 6 écoles différentes de toutes les tendances. Le Rova, c’est comme un yichouv. Les enfants se connaissent tous. Les différents courants religieux du judaïsme cohabitent en très bonne entente. Au début, beaucoup d’artistes non religieux habitaient dans le Rova, aujourd’hui ce n’est plus le cas.
De manière anecdotique, ce qui peut paraitre un peu plus difficile sur le plan logistique, c’est que le parking est à 500 mètres de la maison. Mais il est facile de trouver des solutions et ce point est largement compensé par le confort et la spiritualité que nous retirons par ailleurs de notre lieu d’habitation.
Lph: La vieille ville a été le théâtre de plusieurs attentats. Vous-mêmes avez perdu un fils, Elhanan Hy »d. Ressentez-vous davantage les tensions sécuritaires?
L.&Y.A.: D’un point de vue personnel, chaque attentat nous rappelle ce que nous avons vécu. Mais au quotidien dans notre quartier nous ne sommes pas affectés. Nous nous rendons, par exemple, dans le quartier chrétien, là où se trouve la synagogue au nom de notre fils, en passant par le shouk. Nous savons qu’il faut être prudent. Mais les tensions ne sont pas plus importantes dans le Rova qu’ailleurs.
Lph: 50 ans après la réunification de Jérusalem, quel regard portez-vous sur Jérusalem?
L.&Y.A.: Le retour des Juifs à Jérusalem est une réussite! Nous le constatons vraiment, surtout en observant tous les visiteurs en route vers le Kotel. La conscience de l’importance de Jérusalem est centrale et acquise.
Lph: Dernièrement, le président turc Erdogan est encore sorti contre la présence juive à Jérusalem, c’est le discours ambiant chez les leaders arabes. Ces paroles vous font-elles craindre pour l’avenir?
L.&Y.A.: Les propos des leaders musulmans ne nous impressionnent pas. Nous savons que beaucoup d’arabes veulent vendre leur maison dans la vieille ville, parce qu’ils ne veulent plus vivre dans ces taudis. Il est regrettable que notre gouvernement ne participe pas au rachat de ces maisons. En effet, aux paroles haineuses, la meilleure réponse ce ne sont pas des mots, mais le développement de la présence juive dans la vieille ville.
Lph: Pouvez-vous en trois mots nous dire ce qu’évoque pour vous la vie dans le Rova?
L.&Y.A.: Exaltant, un rêve éveillé et la fraternité. Et nous dirons même mieux, en un mot: Merci! Merci à D’ieu de nous donner la possibilité de vivre ici!
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay