Alors que la Knesset vient d’adopter la loi exemptant d’examens d’équivalence, tout dentiste ayant exercé au moins cinq ans en France, il faut garder à l’esprit que d’autres corps de métier se battent encore pour obtenir cette reconnaissance.
C’est le cas de Nicole Taieb, Docteur en psychologie clinique, victimologue, criminologue, psychiatre légale et psychomotricienne. Tous ces diplômes et 30 ans d’expérience en France ne suffisent pas à lui permettre d’exercer pleinement son métier en Israël.
Nicole connait une carrière couronnée de succès en France. Femme au grand cœur, elle aide aussi beaucoup de personnes qui ont besoin de soutien et de soins psychologiques, faisant d’elle, un nom incontournable dans son domaine.
”J’ai entamé un processus de techouva, il y a quelques années”, nous raconte-t-elle, ”J’ai été confronté à la question délicate du travail le samedi. Tous mes employeurs exigeaient que je travaille ce jour-là, au moins une fois de temps en temps. Je m’y suis refusée”.
Ainsi Nicole, qui a toujours été sioniste, a pris la décision de monter en Israël. Elle est arrivée il y a un peu plus de trois ans maintenant.
”J’ai immédiatement donné tous mes diplômes à traduire, ce qui m’a coûté une somme importante d’argent. Puis j’ai fait une demande de validation auprès du ministère de l’éducation”.
Et là, problème: Nicole n’a pas de DEUG puisque celui-ci ne fait pas partie – sous cette appellation – du cursus qu’elle a suivi, qui lui attribue une licence en pathologie clinique.
”Mon dossier a été bloqué pour cette raison. Ils ne comprenaient pas à quoi correspondait mon diplôme. J’ai réussi à prouver que j’avais bien fait l’équivalent du DEUG dans mes études”.
Mais le parcours du combattant ne s’arrête pas là. ”Ils m’ont donné la psychologie mais pas en tant que clinicienne, discipline que je pratique depuis des années! On m’a demandé de passer une équivalence. En France, l’aspect clinique est une formation que l’on peut choisir avec la licence, en Israël c’est une spécialité, d’où l’incompréhension”.
Nicole en est affectée: elle a travaillé dans tous les domaines qui touchent à la psychologie, elle a parcouru le monde entier en tant que formatrice, et on lui demande de se perfectionner…
”Je me suis battue. Et un jour, je suis allée voir directement la personne qui s’occupait de mon dossier. Elle a consenti à me dispenser du stage pour obtenir l’équivalence. Mais je devais toujours passer un examen avec des études de cas issus de ma pratique en France”.
Ne maitrisant pas très bien l’hébreu, Nicole demande un jury francophone. ”J’ai bien suivi un oulpan professionnel mais il était médical et très général”.
Nicole se tourne vers l’association AMI qui lui conseille de s’adresser à Esther Blum, qui s’occupe avec un grand dévouement des olim. Celle-ci va l’aider à trouver des psychologues francophones qui constitueront le jury.
Le jury est accepté et Nicole est censée passer son examen. Mais aucune date ne lui est communiquée. A force de harcèlement, on finit par lui fixer une date pour finalement lui annoncer, par SMS, la veille du jour J, que ce sera annulé!
”Je me bats pour en connaître la raison et j’obtiens de rencontrer enfin le responsable du comité d’Éthique. Ils me disent qu’ils ne peuvent pas évaluer ce travail car il ne répond pas à leurs critères d’évaluation (en fait je devais présenter des cas de ma pratique en France avec leur mode de pensée en Israël)”.
Au terme de plusieurs semaines encore de négociations, Nicole se retrouve contrainte de trouver un stage pour obtenir son équivalence, ce qui s’avère très difficile: ”Je me trouve devant des portes fermées Personne ne veut me prendre pour diverses raisons quand on veut bien me donner des raisons..”
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Et pourtant… Nicole travaille, mais en privé. ”Comme mon diplôme de psychologue a été reconnu, je peux recevoir des patients en privé. Mais tant que l’aspect clinique ne sera pas reconnu, je ne peux travailler avec aucune koupat holim. Les soins sont chers pour des patients qui me sollicitent mais qui n’ont pas les moyens de payer”.
Et le comble, c’est que pendant Tsouk Eytan, l’armée lui envoyait des soldats olim de France. ”J’en ai aidé un que je connaissais et du coup, ses amis qui parlaient français sont venus”.
Idem pour les victimes du terrorisme, le Bitouah Leumi accepte qu’elle reçoive des patients, et Nicole les aide, parfois même sans contrepartie financière.
”Ce que je demande, c’est que l’aspect clinique de mon travail soit reconnu pour que je puisse exercer mon métier normalement, dans une koupat holim, au sein des hôpitaux!”.
Nicole ne baisse pas les bras, elle aime son pays et ses habitants. Mais il faut bien reconnaitre qu’elle n’est pas très aidée: elle a sollicité le Premier Ministre, le Président de la Knesset, des députés et le ministre de la Santé. Aucune suite… ”Cela montre le peu de considération et de respect que nous porte ces administratifs du Ministère de la santé et leurs représentants sur le terrain..”
”Mon seul soutien: Esther Blum”, exprime-t-elle avec reconnaissance.
Nicole travaille dans un call center pour subvenir à ses besoins mais elle est déterminée: ”Je ne lâcherai pas, je ne supporte pas l’injustice et c’est ce que je vis.”
Guitel Ben-Ishay