Après un été agité sur le plan sécuritaire, lors duquel nous avons à plusieurs reprises pensé que nous entrions en guerre, au nord et au sud, force est de constater que les esprits semblent s’être calmés.
Est-ce le résultat conjugué d’une politique économique intransigeante américaine et d’une dissuasion israélienne? Afin de faire un point sur la situation à nos frontières, nous nous sommes entretenus avec le vice-ministre de la défense, le Rav Elie Ben Dahan. Nous avons cherché à savoir si le conflit qui nous oppose à nos voisins ne serait pas en train de changer de visage, de devenir moins militaire et plus économique.
Le P’tit Hebdo: Peut-on parler d’un retour au calme à nos frontières nord et sud ces derniers temps et comment l’expliquer?
Rav Elie Ben Dahan: En effet, nous constatons que nos frontières ont retrouvé un calme relatif. Néanmoins, ne perdons pas de vue que nous sommes au Proche-Orient et que la situation peut rapidement prendre un autre tournant.
Dans le nord, ce calme s’explique par le fait que nos renseignements font un travail remarquable, nous avons bien fait passé le message, en particulier aux Russes, que nous ne tolérerons pas la moindre présence militaire iranienne à nos frontières. Aujourd’hui, la Syrie est sous la coupe de la Russie. Les Russes ont beaucoup investi pour aider Assad à mater la rébellion. Pour l’heure, leur principal intérêt est de permettre une reconstruction rapide du pays. En quelques années, le conflit a fait plus de 600000 morts et les infrastructures ont été détruites. Il va falloir plusieurs années pour remettre tout en ordre. Ni les Syriens, ni les Russes n’ont intérêt à laisser s’ouvrir un conflit avec Israël dans ce contexte.
Le Hezbollah, quant à lui, a perdu beaucoup de ses hommes dans les combats en Syrie. Il comprend, par ailleurs, que s’il veut faire partie des forces en présence dans la recomposition de la Syrie et rester sous le parapluie russe, il doit maintenir le calme à la frontière libanaise.
Lph: Cela voudrait-il dire que la présence iranienne a diminué à nos frontières ces derniers temps?
Rav E.B-D.: Oui. Nos ennemis savent que nous pouvons les atteindre et les frapper fort. A cela s’ajoute la nécessité de reconstruction que j’évoquais. Ainsi, l’Iran s’est éloigné de nos frontières et possède moins d’influence.
Lph: Pourtant à Gaza, le Hamas, une des marionnettes de l’Iran, semble encore avoir du répondant?
Rav E.B-D.: A Gaza aussi, la situation est plus calme aujourd’hui. Ils comprennent que chaque provocation, chaque attaque leur coûte très cher. Le Hamas aura échoué dans sa volonté de diriger la bande de Gaza si la situation perdure: il n’y pas presque pas d’électricité, pas d’infrastructures pour l’eau et les égouts. Sans l’aide internationale, ils ne survivront pas. Le Hamas comprend qu’il a besoin du soutien américain, égyptien et international.
Le ministre Lieberman l’a d’ailleurs bien défini: si la situation est calme, le passage de Kerem Shalom reste ouvert, s’il y a des violences, il sera fermé. Kerem Shalom est vital pour les habitants de Gaza, c’est par là que transitent la nourriture, les vêtements, les matériaux de construction.
Photo: Porte-parole vice-ministre de la défense
Lph: Cette politique qui consiste à récompenser économiquement le retour au calme, ne se retourne-t-elle pas contre nous? On constate que les aides économiques allouées à la Bande de Gaza sont utilisées pour préparer un nouveau round de violence. Est-ce une solution viable?
Rav E.B-D.: Il faut distinguer entre le court terme et le long terme. Cette menace d’étouffement économique aide sur le court terme. Sur le long terme, la solution à Gaza ne pourra pas venir uniquement d’Israël même en coopération avec l’Egypte. Les instances internationales doivent entrer en jeu et pour le moment on ne sent pas de volonté dans ce sens. Le Hamas non plus n’est pas intéressé à une solution de long terme. Nous utilisons les armes que nous avons: la pression économique et la dissuasion militaire.
Lph: La solution de long terme ne se trouve-t-elle pas aussi dans la reprise des éliminations ciblées sur les chefs du Hamas, méthode qui a fait ses preuves, dans le passé. Le ministre Lieberman lui-même, lorsqu’il était dans l’opposition, ne menaçait-il pas Ismayil Hanieh?
Rav E.B-D.: Les éliminations ciblées ont effectivement fait leurs preuves. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un levier que nous pouvons actionner sans limite. Il y a un coût à de telles actions, notamment sur le plan international. Nous ne pouvons que déplorer qu’Israël ne soit jamais jugé suivant les mêmes critères et exigences que les autres pays. Mais c’est ainsi.
Le retour des éliminations ciblées n’est toutefois pas à exclure.
Lph: Puisque vous évoquez les contestations internationales, où en est-on de la construction en Judée-Samarie, sujette à de nombreuses critiques ?
Rav E.B-D.: Depuis qu’Avigdor Lieberman est ministre de la Défense, il est incontestable que la construction a augmenté dans des proportions inédites. Il n’y a pas de comparaison possible avec les 10 années précédentes.
Là aussi, nous sommes limités, pas uniquement par les critiques internationales mais par des considérations internes. Nous manquons de personnel pour produire des programmes de construction. Ceux-ci prennent des années à être établis et sans de tels programmes, nous ne pouvons pas autoriser davantage de construction.
Lph: La Judée-Samarie est toujours un territoire »à part » au sein de l’Etat d’Israël. Jusqu’à quand?
Rav E.B-D.: La situation doit évoluer et elle évolue. Nous travaillons à ce que de nombreuses lois, qui jusqu’alors, ne s’appliquaient pas en Judée-Samarie, soient désormais en vigueur ici aussi. Nous en sommes déjà à plus de 30 lois aménagées et nous continuons. Le ministre Lieberman met de gros moyens en œuvre dans ce sens. Les habitants de Judée-Samarie ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone qui auraient les mêmes devoirs que tous les autres mais moins de droits. C’est une étape importante à mettre en œuvre. Pour ma part, l’idéal serait, bien entendu, d’étendre la souveraineté israélienne, sur ces territoires. Mais, en attendant, dans le cadre où nous nous trouvons, nous pouvons améliorer les conditions des habitants et nous nous devons de le faire.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo à la une: Photo by Miriam Alster/FLASH90